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Deux poids, deux mesures ou la gouvernance à la carte
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Deux poids, deux mesures ou la gouvernance à la carte


Le 28 octobre 2016, Air Mauritius se séparait de son Chief Executive Officer (CEO), Megh Pillay, suivant une procédure que beaucoup ont considéré comme ne respectant pas les règles de la bonne gouvernance. Le Mauritius Institute of Directors (MIoD) avait, comme tant d’autres, pris position dans cette affaire. Dans son communiqué de presse du 4 novembre 2016, toujours accessible sur le site du MIoD, l’institut citait la Financial Reporting Council Act, article 70, afin de justifier son rôle de promoteur national de bonnes pratiques de gouvernance.
Moins d’une année après, le 22 septembre dernier, l’ironie du sort veut que ce soit le MIoD luimême qui se sépare de son CEO, Juan Carlos Fernandez Zara, dans des circonstances non moins semblables. Ce qui surprend ici, c’est le silence de tous les acteurs qui s’étaient offusqués au moment de l’épisode d’Air Mauritius.
La presse a bien parlé du renvoi du CEO mais s’en est tenue, principalement, à une approche de questions individuelles et de personnalités. Pour ce qui est des autres acteurs nationaux, leur silence ne peut que laisser dubitatif. Pour quelles raisons, subitement, personne ne prend publiquement position ? Comment toutes ces entreprises qui ont soutenu financièrement le MIoD depuis sa création perçoivent-elles ces actions ? Pourquoi personne ne se questionne sur les pratiques du MIoD au regard des bonnes pratiques de gouvernance ?
Les déclarations publiées dans la presse amènent plus de questions que de réponses. La justification du renvoi subit du CEO est justifiée de la part du conseil d’administration du MIoD de par son incompétence, et ce depuis son recrutement, à gérer les affaires de l’institut. Un organisme en charge de la bonne gouvernance peut-il se permettre de garder en poste un CEO incompétent aussi longtemps ? Air Mauritius avait agi plus prestement en licenciant son CEO après huit mois seulement.
Comment expliquer alors aux participants et acteurs des deux grands événements tenus cette année, provenant tant du secteur privé et gouvernemental que de l’étranger (avec, entre autres, la Suisse), que le CEO qui a si parfaitement su organiser ces deux événements est en fait un incompétent notoire ? La gouvernance d’entreprise s’occupe des règles, procédures et pratiques qui permettent au conseil d’administration d’une entreprise d’agir dans l’intérêt de celle-ci et de ses actionnaires. Les principes fondateurs sont notamment la transparence, l’intégrité et la responsabilité.
Des questions sans réponses
Sur la base de ces principes, et selon les articles publiés dans la presse, me basant donc sur les affirmations de l’ancien CEO, comment expliquer l’acte qui aurait été commis par la présidente du conseil d’administration lors de son rendez-vous avec un patron du MIoD ? Selon les divers articles publiés, elle aurait trouvé «inopportun», comme elle l’écrit dans un échange de mail avec ledit CEO, de réclamer la somme due. Était-ce à la suite de la proposition reçue du membre de siéger sur le conseil d’administration? Les intérêts de l’organisme représenté, en l’occurrence le MIoD, auraient-ils été lésés au détriment d’intérêts personnels ?
La lecture du profil des administrateurs actuels du MIoD montre que plusieurs travaillent aussi pour des entreprises fondatrices ou patronnes du MIoD et qu’ils siègent sur plusieurs autres conseils d’administration, notamment ceux de leurs employeurs. Le nombre de postes que les directeurs du MIoD occupent auprès d’autres entreprises n’est pas mentionné.
La question, au regard du principe de transparence, est primordiale. Il est reconnu, à travers le monde, qu’il est nécessaire d’instaurer une limite au nombre de conseils d’administration sur lesquels une personne peut siéger ; et ce, dans le souci de s’assurer que les administrateurs aient suffisamment de temps, de recul et d’indépendance pour remplir au mieux les fonctions de membre du conseil.
Avancer vers l’excellence
Dans le cadre du MIoD, entre autres, ces questions sont sans réponses. Cela est d’autant plus pertinent que les entreprises fondatrices et leurs patrons contribuent, financièrement, au maintien et au fonctionnement du MIoD.
La question se pose donc de savoir si le fait que les administrateurs de l’institut soient aussi employés auprès des fondateurs et patrons va dans le sens des bonnes règles de gouvernance ? En effet, en cas de conflit entre le MIoD et ces entreprises, quel parti va prendre les administrateurs du MIoD, leur poste au conseil d’administration de l’institut n’étant pas rémunéré ?
Des efforts conséquents ont été entrepris depuis un certain nombre d’années maintenant – et la création du MIoD en est la preuve – pour faire avancer Maurice vers l’excellence. Les organismes internationaux nous placent régulièrement en tête sur le continent africain et nous avons fortement progressé dans le classement mondial. Il serait de ce fait regrettable que tous ces efforts se voient sanctionnés par un cas qui peut paraître d’école.
Au-delà de qui a raison ou qui a tort, entre les déclarations de l’ancien CEO et du conseil d’administration du MIoD, la question de fond, non résolue, est bien celle de savoir si le principe de bonne gouvernance a toujours autant d’importance à Maurice ?
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