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Bangladais déportés: entre hypocrisie, honte et incompétence!

7 septembre 2017, 11:20

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Bangladais déportés: entre hypocrisie, honte et incompétence!

Regardons au-delà des images parues dans la presse, montrant des Bangladais, emmenés manu militari au tribunal pour qu’ils puissent entendre valider leur déportation de Maurice. On y trouvera un mélange d’hypocrisie, de honte et d’incompétence, entourant ces travailleurs immigrés qu’une unité de la police est chargée d’expulser du territoire mauricien.

À l’origine, des businessmen mauriciens sont allés les chercher dans leur pays pour faire fructifier leurs entreprises, et maintenant qu’ils n’en ont plus besoin, voilà que ces travailleurs sont devenus soudainement clandestins. Se joue sous nos yeux toute la séquence d’un drame autorisé par nos lois, notre politique sur l’emploi des immigrés et l’économie, les procédés des institutions concernées, et surtout accepté par notre conscience.

Shame ! Le mot n’est pas trop fort pour qualifier ce que nous, Mauriciens, sommes capables de cautionner, et même applaudir, nous tous, pas seulement les détenteurs du pouvoir politique et économique. Sur les photos publiées, les travailleurs ne couvrent pas leur visage, ils n’ont rien à cacher. Ils sont venus gagner leur pain dans un pays récemment devenu riche grâce à ce que ses habitants croient avoir été un miracle, tombé du ciel : alors que c’est un miracle auquel les étrangers ont largement contribué à réaliser, contrairement à ce que peuvent suggérer les discours honteux et mensongers d’un petty nationalism.

Action répressive

Derrière le sensationnalisme espéré, la curiosité des uns et l’indifférence de la masse, l’action répressive, le sens d’une justice dépassée, le silence du ministère du Travail, la complaisance de la société civile et l’absence des défenseurs des droits de l’homme, il y a tout une tragique hypocrisie qui se joue. Voilà comment l’île Maurice traite les travail- leurs dans la construction, dans le textile et autres secteurs, venus combler quelque pénurie de main-d’œuvre, pour que notre économie ne meure pas.

C’est ainsi que nous traitons des hommes et femmes, venus d’un pays qui autrefois ressemblait, en termes de pauvreté, au nôtre. Nous semblons oublier notre propre passé, les sombres années post-indépendance où des centaines de Mauriciens partirent vider les poubelles à Paris, ou devinrent des sans-papiers, œuvrant au noir dans les arrière-cours des usines de confection. Et la nuit, se cachant en revenant des 12 heures de labeur, ils devaient fuir les CRS qui se tenaient près des bouches de métro.

À cette époque, on dénonçait l’hypocrisie des pays riches dont l’économie prospérait grâce aux travailleurs immigrés, mais qui laissaient à leurs autorités de police et de justice, et leur arsenal répressif le soin de traumatiser les pauvres du tiers-monde, des anciens colonisés venus pour survivre, eux qui, dans leur pays d’origine, assistaient à la misère qui dévorait leurs familles. Que de dignité ravalée ou perdue, que d’insultes, que d’arrogance n’ont-ils pas connues. Et même si ce n’était pas de toute la population qu’il s’agissait, c’est tout un pays qui était maltraité. Aujourd’hui, on ne peut se dé- solidariser des Bangladais si nous avons en mémoire le sort qu’ont connu ces Mauriciens partis gagner leur pain ailleurs.

Oui, nous avons oublié cette période-là, cette phase de notre sous-développement. Où nous vivions dans la peur et l’indignité parce qu’on avait faim, et qu’on devait se taire. Nous n’avions pas de droits alors, nous n’existions pas, comme ces Bangladais qui, aujourd’hui, nous font jubiler à les voir menottés.

Il y a quelques mois, le président de la CCI évoquait la question de l’emploi des travailleurs immigrés, ou quelque idée de ce genre pour répondre à la pénurie de main-d’œuvre dans l’économie. Puis, il y a eu quelques dis- cours ponctuels des politiques dans le même sens. Sans aucune suite, évidemment, alors que le pays a connu sa transition démo- graphique et que l’urgence d’une politique de migration aux fins d’emploi se fait sentir depuis quelques années. Le travailleur immigré est un must. Et pas seulement lui. L’étranger est un must ! Et cela, certains doivent le comprendre, s’ils ne veulent pas que le pays fasse la route inverse de ses ascendants, à la recherche du travail, d’un nouvel eldorado !

Nous sommes tous des descendants d’esclaves ou de travailleurs immigrés, dont certains clandestins ou marrons. Au vu des Bangladais traités de la sorte, oserons-nous encore dire : l’île Maurice, c’est un plaisir ?

Un entrefilet dans la presse : «Macabre découverte dans un dortoir vers huit heures ce matin. Le cadavre d’un Bangladais a été découvert dans son lit à Happy Village, Centre-de-Flacq, ce jeudi 17 août... Le corps de Foyzol Hawlader, 28 ans, ne portait aucune blessure ni trace de lutte, selon la police. Une enquête policière a été ouverte.»

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