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La fierté créatrice de valeurs: un enjeu pour Maurice

8 février 2017, 05:36

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La fierté créatrice de valeurs: un enjeu pour Maurice

En quoi la fierté peut-elle être créatrice de valeurs ? Et pourquoi mettre un «s» à valeurs ?

Tout d’abord, la fierté est ici utilisée au sens de «satisfaction légitime». C’est ce que nous qualifions de «bonne fierté». À l’inverse, lorsque la fierté est synonyme d’arrogance, c’est une «mauvaise fierté», une fierté destructrice de valeurs. Nous parlons de valeurs au pluriel car la fierté peut créer ou détruire de la valeur économique, culturelle mais aussi symbolique, notamment au niveau de l’image de marque de Maurice.

De nombreuses recherches ont en effet montré l’intérêt de gérer le nom d’un pays comme une marque. C’est tout l’enjeu du Made in Mauritius ou Made in Moris. Au lieu de valoriser en priorité ce qui vient de l’étranger, il est temps que ceux qui vivent à l’île Maurice ou à Rodrigues développent un sentiment de fierté pour ce qui est produit localement. Cette satisfaction légitime devrait les inciter à consommer mauricien. Le gouvernement aurait tout intérêt à adopter un libéralisme éclairé, que l’on peut aussi qualifier de protectionnisme ouvert. Quand on est un «petit État insulaire en développement», figurer parmi les pays les plus ouverts en matière de circulation des biens, et notamment de ceux importés, ne saurait être source de satisfaction légitime. Certains affichent cela comme une victoire. Mais force est de reconnaître que cette fierté est destructrice de valeur sur le long terme !

En dix ans, la part de l’export dans le PIB est passée de 12 à 6 %, le déficit de la balance commerciale de 10 à 25 %. Comme nous avons eu l’occasion de l’évoquer dans un précédent article intitulé Pour un libéralisme éclairé, un affaiblissement significatif du secteur manufacturier local et des entreprises qui lui sont liées aurait incontestablement un impact très négatif sur le pays: accroissement du chômage, perte de compétences locales et remise en cause de ce niveau d’autosuffisance durement acquis au cours des précédentes décennies. Il est impératif que Maurice (son gouvernement et ses citoyens) renforce son sentiment de fierté pour ses entreprises locales! Ce sera incontestablement créateur de valeur au niveau socioéconomique.

Renforcer le capital marque de Maurice, c’est aussi valoriser davantage son patrimoine culturel. Le Séga Tipik et le Bhojpuri Folk Songs Geet Gawai figurent sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, Aapravasi Ghat ainsi que le paysage culturel du Morne sont quant à eux inscrits au patrimoine mondial (UNESCO). Il se- rait aussi nécessaire de réhabiliter des édifices témoignant de l’époque coloniale. Il ne s’agit éminemment pas de faire l’apologie de la colonisation mais de reconnaître qu’elle fait partie de l’histoire du pays.

Le processus d’institutionnalisation, au sens de faire entrer des événements ou des personnages dans le patrimoine culturel, requiert du temps. Maurice est un jeune État qui fêtera les cinquante ans de son Indépendance l’année prochaine et célèbre cette année le vingt-cinquième anniversaire de sa République. Dans une vingtaine d’années, les historiens rappelleront probablement le rôle joué par quelques grandes familles de politiciens: Jugnauth, Ramgoolam, Duval, etc.

Peu de républiques ont comme président une femme, qui plus est, chercheur de réputation mondiale et reconnue pour son charisme et sa simplicité. C’est incontestablement un atout pour l’image externe du pays et une source de fierté légitime.

Les Mauriciens peuvent aussi être fiers que leur pays constitue une référence en matière de démocratie. Maurice figure également en bonne place dans de nombreux classements internationaux (World Bank Doing Business 2016 : 32e sur 189 pays, 1er en Afrique ; Global Competitiveness Index 2016- 2017 : 45e sur 138 pays et 1er en Afrique).

Par contre, cette fierté ne doit pas être synonyme d’aveuglement : Maurice n’est pas au standard en matière de traitement des déchets, de recyclage, de préservation du lagon, ou encore de production d’énergies renouvelables. Autant de chantiers qui devraient constituer des priorités pour le gouvernement et les acteurs économiques.

Pour conclure, nous souhaiterions revenir sur un aspect qui nous semble essentiel quand on parle de fierté et de création de valeur. La population mauricienne doit être sa principale source de fierté ! Ce qui rend Maurice unique et attractive, ce n’est pas tant ses magnifiques plages et paysages que son capital humain. Il est incontestablement créateur de valeurs. La générosité humaine, le sens de l’accueil, de l’hospitalité et de la courtoisie, la capacité à vivre en harmonie dans une société multiculturelle sont des actifs intangibles. Ils sont le fruit de l’histoire de Maurice et doivent impérativement être préservés. C’est probablement le challenge principal auquel chacun peut contribuer !

 



L’Express* et HEC* ont scellé un partenariat éditorial dans le cadre de cette rubrique Décryptage
Animée par Bertrand Moingeon, professeur à HEC* Paris, Executive Director du HEC* Indian Ocean Office et membre du Board de Charles Telfair Institute.

 

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