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Les lauréats: que célébrons nous au juste ?
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Les lauréats: que célébrons nous au juste ?


préalablement par l’élève.»
Pour se donner bonne conscience, et se dire que tous les Mauriciens jouissent des mêmes droits et opportunités, on clame haut et fort que les modestes conditions dans lesquelles vivait ce jeune homme de Roche-Bois ne lui ont pas empêché d’être proclamé lauréat. Ainsi, Maurice devient de suite le pays aux equal opportunities. La démonstration que le système est équitable est faite. Sauf que si on se demandait combien de Rony Busviah produit le système ?
Concours d’intelligence ?
Nous lisons avec appétit les reportages que la presse consacre aux héros, ceux qui ont subi les épreuves de HSC et qui se sont retrouvés plus forts que leurs camarades de classe ou de promotion. Plus forts que tous les Mauriciens du même âge. C’est la victoire des plus intelligents et du travail assidu, clame-t-on dans toutes les justifications, alors qu’à bien voir, c’est aussi la défaite de ceux qui se sont alignés sur la ligne de départ avec des handicaps connus de toute une société.
Et si, par hasard, on variait l’angle de réflexion, on verrait bien que la défaite était programmée, que le HSC est un concours, une compétition, non de l’intelligence, mais de moyens, de situations de famille, de conditions de vie. Le terme moyens utilisé ici n’a rien à voir avec fortune extravagante. Sinon, tous les enfants de trafiquants de drogue ou des corrompus friqués auront raflé les 45 bourses de l’État. Non, il s’agit de conditions, pas nécessairement celles capables d’être monnayées, dans lesquelles la participation à la course se déroule, et celles-ci regroupent un certain nombre de facteurs qui font que l’élève réussisse ou pas à traverser la ligne d’arrivée.
Facteurs de réussite
Ces facteurs sont connus de nous tous : pas besoin d’être expert analyste de données. Toujours en lisant les reportages ou en creusant dans l’histoire de ces réussites portées sur les épaules d’un système qui se croit permis de jubiler, l’on comprendra comment se ‘fabrique’ un lauréat, quels sont les ingrédients de base à réunir, les efforts exigés. Des variables communes se dégagent : les moyens financiers évidemment, mais pas exclusivement. La plupart de ces héros viennent de collèges stars.
Ne nous laissons pas emporter par ces exceptions au niveau des petits collèges qui ont brillé cette année, et dire qu’elles confirment l’existence d’un environnement égalitaire. Aussi, ne faisons pas semblant de ne pas savoir qu’une place dans un collège star dépend largement de l’école primaire fréquentée préalablement par l’élève. On va dans un collège star souvent parce qu’on sort d’une école primaire star. Et là, celui qui n’a pas menti sur son adresse pour être à Villiers René ou Aryan Vedic, un enfant de l’école primaire de Cassis, Chitrakoot ou de Grande-Rivière-Noire ne franchit pas les portes du RCC, QEC ou du collège du St Esprit.
Il y a aussi la catégorie socioprofessionnelle des parents qui ne met pas tous les enfants sur un pied d’égalité dans cette course pour devenir lauréat. Et l’environnement physique, avec un coin pour étudier le soir, loin de la télé bruyante ou des baffles du voisin violent quand on habite un appartement de la NHDC ; et aussi, l’environnement familial. Et encore d’autres facteurs que nous diront peut-être un jour ces reportages post-résultats qui, jusqu’ici, se contentent de nous décrire les ingrédients du succès et non les causes profondes des échecs.
En effet, les médias peuvent, lors de leurs interviews des heureux premiers du HSC et de leurs familles, aider à construire une conscience s’ils pouvaient chaque année, lors de la proclamation des résultats, conduire leurs lecteurs à faire une descente dans les conditions de vie et d’études des lauréats. Ils verront alors le profil type des parents. Au hasard, on trouverait partout ceux financièrement confortables à pouvoir dépenser des milliers de roupies par mois pour des leçons particulières. Le lauréat qui n’en a pas pris et dont les parents ne sont pas enseignants doit être félicité doublement. Comme pour dire que l’enfant du pêcheur, de l’enflé de camion, ou de l’éboueur ne devient pas lauréat.
Système inéquitable
Pour se dédouaner de toute responsabilité dans un système foncièrement inéquitable, on refusera de voir que nous avons là un problème de société qu’il conviendrait de régler. C’est le rôle de tous, du gouvernement, de la communauté, des églises, de la famille. Donner le droit à l’espoir à un plus grand nombre de lever loner des siens. Que le thème central des discours soit : accès équitable à être lauréat.
Dans son édition de dimanche dernier, l’express dans un article «Quatre lauréats dans une même famille» nous donne une confirmation de ce qui est ici avancé. Vous aurez compris que même dans leurs rêves, les 50 000 familles employées dans nos usines ne pourront s’offrir ce luxe. Et rien ne nous dit si le Nine-year schooling changera en quoi que ce soit la situation. Nous avons donc là comme une garantie que la discrimination se poursuivra.
Il y a ceux qui naissent pour ne pouvoir jamais arriver jusqu’au HSC : c’est-à-dire 50 % de Mauriciens. Tout comme le pourcentage encore plus élevé de Mauriciens qui naissent pour ne pouvoir jamais devenir Premier ministre de leur pays !
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