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Éloge de la transversalité: en finir avec le fonctionnement en silos
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Éloge de la transversalité: en finir avec le fonctionnement en silos

L’organisation en silos est incontestablement la structure la plus répandue même si elle n’est nullement préconisée dans les livres de management ! Cela est vrai des entreprises, des administrations tout comme des associations caritatives, ONG ou fondations. L’île Maurice ne fait pas exception en la matière…
Sur le plan théorique, dès les années 60, Paul Lawrence et Jay Lorsch ont proposé une théorie de la contingence. Dans leur célèbre ouvrage Organization and Environment: Managing Differentiation and Integration, ils soulignaient la nécessité de «différencier» les entités d’une même entreprise afin de les adapter à leurs environnements respectifs. Mais ils préconisaient, dans le même temps, de s’assurer de la présence de mécanismes d’intégration entre celles-ci afin d’assurer une cohérence d’ensemble.
Plus récemment, dans une perspective systémique, une littérature abondante décrit les vertus de la transversalité et d’un fonctionnement sous forme de réseaux d’acteurs interdépendants. Les nouvelles technologies sont souvent présentées comme un puissant catalyseur de cette transversalité qui dépasse les frontières même des entreprises (c’est notamment le cas dans le pilotage de projets complexes comme les smart cities qui impliquent une grande variété d’organisations). Mais, au-delà des discours et des écrits, force est de constater que dans la pratique, le silo reste encore trop souvent la norme !
Quelles en sont les caractéristiques ? Tout d’abord, la quête d’étanchéité mobilise les énergies, même si ce n’est pas affiché. Il s’agit d’éviter toute «fuite» d’informations, minimiser la mobilité du personnel ou la mutualisation de ressources entre services ou business units. Contrairement aux discours que peuvent tenir les managers dans ces organisations, l’accent est mis sur l’appropriation des ressources internes, notamment des compétences et connaissances, qui seront jalousement conservées. Le principal danger, au-delà du gaspillage (on réinvente la roue, on duplique les investissements), est de focaliser l’énergie vers l’interne et non vers l’externe, et ce au détriment de la connaissance du marché.
Dès lors, la question est de savoir comment en finir avec ce type de fonctionnement ?
Il n’existe pas de baguette magique pour relever ce défi. Toutefois, des initiatives concrètes peuvent être engagées afin d’aller dans le sens recherché. L’action doit porter en priorité sur les modèles mentaux des salariés, et en premier lieu des managers et dirigeants.
Dans nos recherches empiriques, ainsi que dans nos interventions comme consultant auprès de nombreuses organisations dans différents pays, nous avons pu constater que c’est souvent à leur niveau que l’étanchéité dans la pratique (et non dans les discours!) est la plus forte. Leurs équipes respectives sont souvent condamnées à fonctionner de façons cloisonnées alors même qu’elles aspirent à pouvoir échanger et partager. Les salariés bien souvent déplorent cette situation sans pouvoir concrètement la changer au risque d’être sanctionnés.
La réalisation d’un audit est utile afin de mettre à jour concrètement ces dysfonctionnements et les rendre discutables. L’intervention d’un facilitateur extérieur peut s’avérer précieuse. Fréquemment, les dirigeants accusent leurs collègues du comité de direction de promouvoir l’étanchéité, sans réaliser qu’ils y contribuent également. C’est cette prise de conscience qui doit être recherchée afin de pouvoir engager un véritable changement.
L’étape suivante consiste à cascader ce processus de conscientisation dans l’entreprise au travers d’ateliers mettant en évidence ce fonctionnement. Mais plus on descend dans la hiérarchie, plus les résistances ont tendance à s’estomper.
«Un autre levier important concerne la promotion de la mobilité des salariés entre les unités.»
Il s’agit ensuite de repenser le mode de travail en introduisant de la transversalité. C’est par la mise en place de groupes projets transversaux que des brèches vont s’ouvrir, diminuant l’étanchéité des structures. Ces groupes projets vont être constitués de salariés appartenant à différents services ou entités travaillant sur des thèmes d’intérêt général tel que «comment renforcer l’innovation», «comment améliorer la réactivité» ou «comment être davantage orienté client».
Mettre en place une formation au management de projets est souvent nécessaire pour les équipes concernées. Les apports méthodologiques sont utilement complétés par des action learning projects, véritables laboratoires d’expérimentation (et d’apprentissage) de la transversalité. Mais il ne faut pas se tromper d’objectif : le projet ne doit pas être une activité ponctuelle mais devenir une nouvelle manière de fonctionner. Le défi consiste à passer du management de projets au management par projets.
Un autre levier important concerne la promotion de la mobilité des salariés entre les unités. La direction des ressources humaines doit faire du repérage des hauts potentiels et de l’organisation de leur parcours professionnel une priorité. Mais là encore, il faudra parvenir à surmonter les réticences, les managers et dirigeants ayant tendance à vouloir conserver pour leur entité les meilleurs éléments. Ceci requiert de faire passer en premier l’intérêt général et jouer collectif. Comme un salarié ne saurait être un prisonnier, le haut potentiel ne pouvant évoluer va alors chercher des opportunités ailleurs. Il est nécessaire d’aider à cette prise de conscience en montrant que, en se comportant en mentor soucieux du développement du salarié, le manager crée de la valeur pour l’entreprise en aidant ses hauts potentiels à accéder à des postes clés, ce qui, au niveau de son ré- seau personnel, ne peut que lui être bénéfique !
Enfin, il ne faut pas sous-estimer l’importance des actions de team building, des activités sportives ou culturelles inter-entités dans cette lutte contre le fonctionnement en silos. Les relations interpersonnelles sont souvent de puissants leviers de décloisonnement en assurant la constitution de réseaux. La technologie peut faciliter cette coopération en permettant, par exemple, aux salariés de contribuer à des communautés de pratique (ou métier) inter-entités. Les échanges entre collègues exerçant la même fonction ou travaillant sur un même projet sont incontestablement source de richesse pour les salariés… et leurs entreprises.

Animée par Bertrand Moingeon, professeur à HEC* Paris, Executive Director du HEC* Indian Ocean Office et membre du Board de Charles Telfair Institute.
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