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Discours Budget: Pourquoi renvoyer l’exercice 2016-17 ?

8 juin 2016, 10:59

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Il fallait renvoyer sinon on allait savoir que celui qui lit le discours du Budget n’est pas nécessairement celui qui le prépare, ni qui décide du contenu.

Par ailleurs, l’actualité politique nous a montré qu’un Premier ministre déjà submergé par de multiples lourdes responsabilités de l’État, peut sans difficulté cumuler les fonctions de ministre des Finances. Et, sans que ce cumul ne fasse apparaître quelque dysfonctionnement dans la gestion des affaires du pays. On a ainsi prouvé qu’il n’était pas nécessaire de payer une autre personne pour s’occuper de nos finances. On a économisé ainsi de l’argent. La logique d’une bonne gestion financière ! Et cela, sans ministre des Finances full-time, siouplé.

En quelques mois, nous avons connu un ministre des Finances malade et absent, suivi d’un autre part time, sans que le pays n’en souffre davantage. Ajouter à cela, et bien avant même que l’ex-ministre des Finances ne tombe malade, l’on a vu des grands dossiers tombant normalement sous sa responsabilité atterrir chez un autre. La smart city de Highlands, le traité de non double imposition avec l’Inde, la Vision 2030, entre autres.

Aujourd’hui, la conjoncture nous offre un autre scénario et démontre que l’on n’a pas besoin d’un génie en économie pour diriger un ministère qui détient déjà l’expertise technique pour préparer un Budget. Pour être ministre des Finances, nul besoin d’être technicien, gestionnaire ou un manager, car ces expertises existent déjà dans les services gouvernementaux, au sein du ministère, des institutions, la BoM : au sein de l’establishment. (...) Peut-être au niveau de l’accountability vis-à-vis du Parlement et du peuple, le ministre peut trouver un rôle : puisque notre système de démocratie parlementaire exige la présence du politicien. Mais un part timer ferait tout aussi bien l’affaire. Pour s’en convaincre imaginons qu’il n’y avait pas eu de nouveau ministre des Finances : le Premier ministre aurait lu un discours le 6 juin, plutôt que début juillet. Un discours qui aurait attiré les mêmes applaudissements, les mêmes critiques, les mêmes espoirs…

D’une telle description, les ex-titulaires du poste de ministre des Finances ne doivent pas s’en offusquer car elle découle d’un raisonnement selon lequel la gestion des finances d’un pays relève de la logique, de la raison, et que les décisions de dépenses et le choix de sources de revenus sont faites sur la base de données rationnelles et objectives : libéralisme économique oblige ! Et ces données proviennent des techniciens du secteur public aussi bien que privé.

À Maurice, le bureau des statistiques dispose de données et d’indicateurs fiables que complètent celles que fournissent les ministères sectoriels lors des consultations budgétaires. D’autres données, quantitatives aussi bien que qualitatives, sont aussi fournies par le secteur privé, les syndicats , la société civile, et au cours d’autres forums de représentation. Ces données sont compilées et analysées par les professionnels du ministère des Finances, et utilisées pour les besoins de planification.

C’est pour dire que ce qui se passe au niveau de la planification et la gestion des finances du pays est du ressort d’un establishment bien rodé dans la matière, d’une machinerie bien établie. Depuis des décennies existe un mécanisme qui a fait ses preuves quelle que soit la compétence des divers ministres des Finances qui se sont succédé. (...)

Un peu de recul nous fera voir si l’importance projetée d’un ministre des Finances n’a pas été gonflée outre mesure. Et son rôle considérablement exagéré, comme celui par lequel le miracle va arriver. Si le titulaire du poste se vante de ‘ses’ décisions, il n’en demeure pas moins qu’il reste un glorified porte-parole de tout un lot de fonctionnaires techniciens, de professionnels des finances publiques et du Budget, des statisticiens maîtrisant les chiffres des comptes nationaux qui ont pour tâche d’analyser les données économiques et de proposer des mesures appropriées. Ils interagissent avec d’autres fonctionnaires venant d’autres ministères qui maîtrisent les données de leurs secteurs respectifs.

Pour sortir de ce schéma, le ministre doit pouvoir apporter des propositions autres que celles trouvées par tous ces braves cadres et experts des secteurs publics et privé, les représentants des syndicats et de la société civile consultés. (...) Ce ministre-là doit pouvoir lutter contre la marche vers l’ultralibéralisme, humaniser l’analyse des chiffres et l’arithmétique de la dure rationalité économique. Aussi, le déterminisme économique impose souvent ses cruelles lois à une population de manière oppressive et agressive : le ministre des Finances qui veut apporter une plus-value à son discours saura que faire.

À Maurice, le terme argentier désigne un meuble, fait de panneaux de vitre. Un meuble fragile, mais très joliment exposé. Et, le ministre des Finances se fait fièrement appeler le Grand argentier. Jamais titre n’a été si bien trouvé pour qualifier un ministre.

 

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