Le gouvernement Lepep est résolu à tuer PortLouis et, par extension, les citadins avec son projet de construire une nouvelle ville administrative à Highlands. Pour que sir Anerood Jugnauth puisse léguer une Heritage City, ce gouvernement ose tendre la main aux pays étrangers pour s’endetter à hauteur de plus de Rs 25 milliards. Comme quoi c’est la priorité nationale ou le fer de lance du mirage d’un second miracle économique.

Et dire que cette somme colossale aurait bien pu être utilisée dans des projets de développement économique qui, d’une part, consoliderait notre économie et, d’autre part, créerait des emplois durables. C’est grave que le culte de personnalité soit privilégié au détriment de l’intérêt de la nation. En exprimant nos craintes, ce n’est pas la démagogie ou du populisme d’exiger des explications et des éclaircissements afin de ne pas attendre quatre ans pour demander des comptes. Ce sera trop tard.

Avant de songer à transformer Port-Louis en smart city, a-t-on consulté la société civile ou tous ceux concernés directement ou indirectement par ce mega projet ? S’il se matérialise, il va profondément chambouler la capitale en bouleversant le quotidien des habitants. Y a-t-il eu une étude sérieuse sur son impact sur le plan social et économique ? Si une telle expérience échoue à mi-chemin, qui en fera les frais ?

En proposant de délocaliser l’Assemblée nationale, les ministères, la Cour suprême et le Prime Minister’s Office, tous ces symboles qui font de Port-Louis sa raison d’être, en brandissant l’investissement de Rs 52 milliards (par le secteur privé !), on est en train de jeter de la poudre aux yeux des Portlouisiens afin de mieux traficoter avec les biens publics, les joyaux historiques et le patrimoine pour faire de la place au mega projet de la Heritage City, à Highlands (25 milliards de roupies d’emprunts) et pour aménager des vested interests.

On veut brader notre histoire, notre passé et notre fierté pour une affaire de gros sous. Voilà la philosophie de ce gouvernement, pompeusement et trompeusement affublé du titre de gouvernement lepep. C’est un fait indéniable qu’en délocalisant le centre névralgique et administratif, Port-Louis sera réduite à n'être  qu'une ville amorphe

Ainsi, les perspectives d’emplois des citadins vont se rétrécir lamentablement. C’est connu qu’une ville administrative crée beaucoup d’emplois indirects qui profitent à ces citadins qui n’arrivent pas à avoir un job dans le secteur public et le secteur privé. C’est pour cette raison que PortLouis grouille de self-employed

Certes, la décision du gouvernement va appauvrir la majorité des 150 000 habitants de PortLouis et ce n’est pas un port modernisé qui pourra compenser la crise de l’emploi. On a parlé de 12 000 emplois déjà créés alors que des licenciements massifs ont été constatés. On a parlé d’une nation d’entrepreneurs alors que des jeunes ne savent plus où donner de la tête.

Je redoute une grave crise sociale à Port-Louis. Est-ce le second coup de massue du MSM aux Portlouisiens après les avoir privés d’emploi dans la fonction publique dans les années 80 ? Il y a de fort risque qu’on s’achemine vers l’appauvrissement des habitants de Port-Louis. C’est un héritage macabre que laissera sir Anerood Jugnauth à ces derniers. Le gouvernement laisse croire que les 300 000 mètres carrés de bureau vide seront transformés en 8 000 unités résidentielles ! D’où sortiront ces 8 000 familles ? Si Port-Louis n’est plus la ville administrative de Maurice, qui voudra acheter un logement de Rs 6 millions dans une ville morte, dans les bâtiments tels Newton Tower, Chancery House ou encore Emmanuel Anquetil ?

Est-ce que l’hôtel du gouvernement et le Treasury Building seront transformés en hôtel ou en musée ? Il faut qu’on nous explique comment les régions périphériques de la capitale telles que Plaine-Verte, Vallée-Pitot, Roche-Bois, Cité- La-Cure, Cassis et Tranquebar vont en tirer profit ? Comment les gens des faubourgs vont être partie prenante de ce développement foncier. Comment des appartements de 6 à 10 millions de roupies vont les intéresser. Comment les emplois vont être créés par milliers ? C’est encore des rêves qu’on veut vendre. Avant les élections, l’alliance Lepep vendait des rêves. Maintenant, il les offre en cadeau ! Nous avons affaire à un gouvernement mystificateur.

On vient d’annoncer la se- conde phase de la Ring Road au coût de Rs 5 milliards pour décongestionner Port-Louis. À quoi sert-il d’investir autant d’argent dans un tel projet alors que Port-Louis ne sera plus le centre administratif du pays ? N’est-ce pas un gaspillage d’argent ? Ce gouverne- ment pèche dangereusement de par son incohérence et son manque de vision !

Au lieu de rétrograder Port-Louis – qui regorge de souvenirs et de symboles – en simple ville portuaire, on devrait penser à toutes ces promesses faites à l’électo- rat urbain lors de la campagne électorale. Les gens pataugent toujours dans des eaux nauséabondes avec des matières fécales lors des pluies torrentielles. Les centres de refuges sont pris d’assaut à la moindre alerte. Les gens sont toujours en quête d’emploi. Les jeunes se morfondent dans l’oisiveté faute d’une politique de loisirs saine digne de ce nom. La classe moyenne s’appauvrit davantage. Tout cela est devenu soudain le cadet des soucis du gouvernement.

Au-delà de tout cela, il y a un danger de voir émerger un pays à deux visages, avec, d’une part, le centre-ville, et, d’autre part, les faubourgs s’enliser dans le sous-développement et plus que jamais dépendants de l’autre pour quémander des miettes.

Que représente une capitale sans son Parlement ? Sans centre administratif ? Sans sa Cour suprême ? Pour tuer la capitale, il n’y a pas mille façons. On n’a qu’à lui priver des rôles qu’elle a toujours assumés. On n’a qu’à lui ôter son âme. Est-ce par vengeance politique pour y avoir fait élire quelques députés de l’opposition ? C’est un fait indéniable que dans presque tous les pays du monde, le Parlement se trouve dans leur capitale. Je crains que PortLouis ne perde son statut de capitale !

En nous promettant une ville portuaire, on finira par avoir une ville mortuaire !