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Porlwi Célébrée

La ville a été prise d’assaut par tous et elle a été magnifique et généreuse. Elle a montré sans esprit de revanche son réel potentiel. Certains beaux immeubles de l’ère coloniale, abandonnés à leur passé, ont retrouvé une mémoire de visages.
Quand Astrid et Guillaume m’avaient parlé de leur projet, j’étais resté sceptique. Non pas qu’il manquait d’ambition, mais surtout parce que je voyais la route du succès très longue.
La suite, on la connaît. La patience et la persévérance finissent par payer. Le succès fut immense. Comme beaucoup de Mauriciens, j’ai déambulé dans la ville ces derniers jours, la gorge serrée par l’émotion. Une émotion partagée par les milliers de personnes qui vibraient ensemble une identité partagée, une identité trop longtemps refoulée au plus profond de nos coeurs.
Port-Louis ou Porlwi a repris ses droits. La ville a été prise d’assaut par tous et elle a été magnifique et généreuse. Elle a montré sans esprit de revanche son réel potentiel. Le temps d’une nuit, la lumière d’Astrid et de Guillaume a recréé la magie de cette cité. L’architecture souvent reléguée à l’arrière-plan de toute cette activité a retrouvé ses couleurs. Le street art a recouvert les quelques immeubles couverts de publicité. Certains beaux immeubles de l’ère coloniale abandonnés à leur passé ont retrouvé une mémoire de visages.
Je retrouve un texte que j’avais écrit il y a une dizaine d’années.
Le spectacle est dedans et dehors. Comment oublier tout ça ? Port-Louis grouille de bonne humeur, de couleurs et de cet acharnement à vivre qui émerveille et bouleverse le voyageur. Les villes s’expriment par les échanges. Mais comme l’expliquent tous les livres d’histoire économique, ce ne sont pas seulement des échanges de marchandises, ce sont des échanges de mots, de désirs, de souvenirs, de signes… Ce langage, je le retrouve de manière transversale, de Dakar à Gaborone, de Lomé à Maputo, de Windhoek à Addis-Abeba, de Khartoum à Mbabane, de Nairobi à Kampala.
«La déchirure coloniale a été enfin apprivoisée et intégrée.»
Port-Louis, entre toutes, exprime cette transversalité. C’est comme cela que Maurice me prend, me surprend, m’embrasse. Je ne pourrais dire combien de kilomètres il faudrait marcher pour arriver à tout voir, de quelle forme sont les arcs des portiques, de quelles feuilles de tôle les toits sont recouverts.
Mais revivre ces moments-là donnera une description plus fidèle de mes émotions : Le spectacle est à vous couper le souffle. Je n’ai jamais vécu la diversité du pays dans cette dimension. Les marchands ambulants fidèles à eux-mêmes s’installent n’importe où, bloquant la circulation. Il n’est plus possible de voir la rue ; elle est couverte par la foule. Avalanche de chaussures, de vêtements, de tables et de chaises et toute l’opulence de Port-Louis et de son imagination. L’atmosphère est un mélange de caverne d’Ali Baba et de «souks-favelas», une sorte de grand bazar à la fois africain et asiatique. Je fraie mon chemin jusqu’au tunnel. Je me demande si je saurais nager au milieu de cette foule.
Port-Louis me parle de cette manière. L’architecture de la ville est vécue, strate par strate ; on ne la visite pas, on la vit. Les signes ne s’expriment pas seulement par l’architecture mais surtout par l’appropriation de l’architecture, de la ville entière. Les habitants arrivent à l’assimiler, à la détourner de son intention originelle et originale, pour créer une nouvelle identité propre, une identité et une âme. La ville est faite du dialogue entre ces créations architecturales successives qui se nourrissent sans cesse de nouvelles audaces parfois nostalgiques, et parfois spontanées. La déchirure coloniale a été enfin apprivoisée et intégrée. La survie et l’ingéniosité des Mauriciens ont donné à la ville un sens nouveau et une vie nouvelle. Et je n’ai qu’un seul regret. De devoir partir après n’avoir fait que l’effleurer du regard.
Une ville n’est pas seulement l’endroit où vivent et travaillent les gens. C’est également le lieu où ils poursuivent leur évolution personnelle, tout en essayant de profiter au maximum de leur existence. J’ai lu et vu ce plaisir, cette émotion sur les visages émerveillés de tous, grands et petits.
Cette célébration de l’espace, cette étincelle générera une séquence d’actions, un processus que nous ne saurons plus arrêter.
Port-Louis a réussi à se retrouver. Porlwi doit maintenant penser à son avenir.
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