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Non aux extrémismes : pour la Liberté, l’Égalité et la Fraternité
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Non aux extrémismes : pour la Liberté, l’Égalité et la Fraternité

Une lutte qui se focalise sur des représailles sur les bases djihadistes ou le renforcement des mesures sécuritaires, est vouée à l’échec. Ce qu’il faut, selon l’auteur, c’est un plan éducatif et économique.
Nous avons encore tous en mémoire les images effroyables des attentats perpétrés à Paris. L’onde de choc a atteint Maurice en un temps record comme ont pu en attester les témoignages de soutien de nos amis mauriciens et la solidarité affichée par le gouvernement. Pour des expatriés que nous sommes, cette solidarité spontanée a été une véritable source de réconfort. Cela rappelle, s’il en était besoin, que nos pays partagent un même socle de valeurs humanistes.
Ces valeurs insupportent les terroristes. Inféodés à une idéologie djihadiste, ils espèrent, en semant la terreur, parvenir à déstabiliser les populations pour imposer un nouvel ordre aux antipodes de nos convictions.
On voit bien comment l’État islamique autoproclamé, également dénommé Daech, mène ce projet dans les territoires «conquis». Face à ceux qui proposent une lecture simplificatrice et réductrice de ces événements, cherchant notamment à opposer l’Islam aux autres religions, il est important de rappeler que c’est dans les pays musulmans que l’on compte le plus grand nombre de crimes perpétrés par ces extrémistes radicaux (voir par exemple les études de Human Rights Watch).
Que peut-on faire pour lutter face à ce fléau ?
Il convient tout d’abord de reconnaître que la déstabilisation provoquée par les guerres (Irak, Syrie, etc.) a incontestablement stimulé le développement de Daech. La désorganisation politique, sociale et économique est un terrain fertile pour le fanatisme. De nombreux analystes s’accordent pour reconnaître que la croisade de Georges W. Bush, qui avait des apparences de «guerre sainte», a eu les effets inverses de ceux recherchés. Face au chaos, les extrémistes ont beau jeu d’imposer leur idéologie par la manipulation et la violence.
Le problème se pose également en France. Dans certaines banlieues, les jeunes ne connaissent que le chômage et la marginalisation. Sombrer dans la délinquance leur apparaît comme l’une des seules issues possibles. Quand ils n’ont plus de repère, le risque est grand pour une partie d’entre eux de se laisser séduire par les discours simplistes et fondamentalistes des sectes ou des djihadistes. Il n’est plus possible de laisser s’installer une telle ghettoïsation. C’est le rôle du politique d’y veiller, avec le soutien des acteurs économiques.
Comme le rappelle Edgar Morin, nous devons apprendre à penser la complexité du monde. Le monde est complexe, c’est un fait. Il faut en prendre acte et refuser la logique du «one best way». La simplification, les analyses superficielles ont un pouvoir de séduction en fournissant des réponses faciles aux problèmes difficiles. Toutes les formes de populisme et d’intégrisme ont adopté, au travers du temps, cette posture simplificatrice.
Le système éducatif doit contribuer à armer les futurs citoyens d’une capacité à appréhender la complexité. Une lutte qui se focaliserait uniquement sur des représailles sous forme de bombardements de bases djihadistes ou le renforcement des mesures sécuritaires, est vouée à l’échec. Il faut massivement investir dans l’éducation et reconquérir les banlieues devenues des zones de non droit, mais aussi des déserts éducatifs et culturels.
C’est sur le plan éducatif et économique que la principale bataille doit être livrée. En effet, à l’instar des mouvements sectaires, les terroristes recrutent massivement (mais pas exclusivement) des personnes en quête de sens, souvent laissées en marge de la société, ayant perdu tout repère.
Les pays démocratiques, et en premier lieu les membres de l’union européenne, doivent faire bloc, renforcer leur coopération, montrer qu’ils sont véritablement unis. En matière de lutte contre le terrorisme, c’est bien l’union qui fait la force. Nous pouvons notamment penser à la coordination des systèmes de renseignement afin de limiter les risques d’attentat.
Mais les efforts doivent porter surtout en amont sur l’éducation et la transmission de valeurs laïques permettant le «vivre ensemble». Parmi celles-ci, la Liberté, l’Égalité et la Fraternité m’apparaissent déterminantes.
Ce que tentent d’anéantir les fanatiques religieux, c’est précisément ces valeurs porteuses d’un humanisme laïc qui constitue le premier article de la Déclaration universelle des droits de l’homme : «Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.»
LA LIBERTÉ
Les djihadistes sont en guerre contre toute forme de Liberté : liberté d’expression (on pense bien évidemment aux attaques hautement symboliques contre la rédaction de Charlie Hebdo), liberté de pensée, en recherchant avant tout l’endoctrinement qui nie la capacité de la personne à faire un choix libre et informé. Liberté de circulation – il est nécessaire de ne pas faire leur jeu en rétablissant de façon hâtive des barrières à la mobilité entre pays ! Mais aussi la liberté d’entreprendre. L’entrepreneuriat est une arme essentielle pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. C’est ce que nous avons montré dans un article publié avec Muhammad Yunus (inventeur du micro-crédit et prix Nobel de la Paix) sur le thème de l’entrepreneuriat social (que nous dénommons «social business model»).
Nous devons prendre conscience de la limite du «libéralisme» radical. Les politiques ne peuvent laisser la «main invisible du marché» agir seule. Un marché n’a pas d’âme, un marché n’est pas porteur de valeurs (si ce n’est la valeur économique). Le capitalisme doit être adapté pour en tenir compte et les États doivent adopter des démarches plus volontaristes sur le plan économique.
L’ÉGALITÉ
La deuxième valeur qu’il est indispensable de défendre est l’égalité. L’article 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme précise : «Chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés proclamés dans la présente Déclaration, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.» Il est de la responsabilité des États de garantir ce principe d’égalité en combattant toute forme de discrimination. Pour les extrémismes, l’égalité ne peut exister car leur approche est précisément basée sur la discrimination : le seul modèle possible de leur point de vue est celui qu’ils ont adopté et qu’ils souhaitent imposer à tous par l’endoctrinement ou la force.
L’égalité doit être recherchée dans tous les domaines. L’accès aux fonctions de direction dans les entreprises doit par exemple suivre un principe méritocratique. Dans le système éducatif, l’égalité des chances est un véritable challenge. À HEC (NdlR : école des Hautes études commerciales), les élèves boursiers n’ont pas à payer leur scolarité. Mais ceci ne doit pas masquer que le système éducatif français est encore trop inégalitaire. À Maurice, la gratuité de l’École publique est un véritable acquis, mais qui se trouve dévoyé par le système des cours complémentaires payant.
Au niveau de l’urbanisation, les grands chantiers de smart cities risquent de renforcer les inégalités entre ces nouvelles villes et les petits villages. Il serait davantage pertinent d’appliquer la démarche à l’ensemble de l’île en travaillant sur l’émergence d’une smart island.
LA FRATERNITÉ
Troisième valeur, et non des moindres, la fraternité qui renvoie au sentiment d’appartenance à l’espèce humaine et à la nécessité d’entraide. Cette valeur se trouve souvent dévoyée par ceux qui l’utilisent pour renvoyer l’autre à sa différence, en l’appliquant uniquement à un sous-groupe auquel ils appartiennent. Il est nécessaire d’opter pour une approche universaliste de cette notion en tant qu’obligation de chacun vis-à-vis d’autrui. Quand le peuple mauricien témoigne de son soutien à l’égard du peuple français touché par les actes terroristes, c’est incontestablement l’expression de cette valeur de fraternité !
Face aux actes barbares perpétrés par les djihadistes, les responsables politiques, les décideurs économiques, ainsi que l’ensemble des citoyens doivent faire preuve non seulement de résilience mais aussi de volontarisme. Ils ont l’impérieuse nécessité de refuser toute forme d’amalgame et promouvoir les valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. C’est, sans aucun doute, notre meilleure arme pour lutter contre toute forme d’extrémisme.
Je dédie cet article à Juan Alberto Gonzalez Garrido, étudiant espagnol du MBA HEC, tombé sous les balles d’extrémistes-fanatiques alors qu’il assistait à un concert au Bataclan.
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