Notre ami, l’ancien juge Robert Ahnee s’en est allé. Il laisse derrière lui sa femme, ses enfants et ses petits-enfants mais aussi une brillante carrière juridique. Une carrière commencée à l’école Saint Enfant Jésus puis au collège du Saint-Joseph et qui le conduira jusqu’au Middle Temple de Londres où il prit sa toge d’avocat. Il devait après passer par le parquet avant de se joindre à la magistrature. Mon père Paul Hein, Attorney General de cette époque, nous parlait souvent de Robert Ahnee comme une des étoiles du parquet. Robert a finalement choisi la magistrature: cour intermédiaire, cour industrielle, où j’ai eu l’opportunité de paraître devant lui et puis encore la Cour suprême. 

Tout nouvel avocat au Barreau avait entendu parler du juge Ahnee, qui passait pour être un dur quand il siégeait en Cour. Celui qui venait plaider devant Robert Ahnee n’avait qu’à bien se tenir. Robert était impeccable et implacable, il ne se gênait pas pour clouer au pilori le malheureux avocat qui ne pouvait plaider correctement son dossier. Le même Robert pouvait cependant être tellement gentil en chambre, en dehors du formalisme de la Cour, quand on pouvait rencontrer la vraie personne, éloignée de ces artifices.

Robert Ahnee a écrit de beaux jugements, raisonnés, inattaquables, souvent même parfumés du terroir mauricien. Tous les juristes appréciaient sa rigueur intellectuelle ainsi que son raisonnement et son éthique juridique. Lire un jugement de Sa Seigneurie Robert Ahnee était une prose essentielle pour un juriste. Les principes devaient être respectés. Si ces principes étaient flous, le juge les commenterait pour simplifier la tâche mais toujours trouver la vérité.

Robert a souvent eu des dissenting judgments. C’était là son signe protestataire à lui et la louange est que des années après, ses dissenting judgments soient pris en considération par la Cour suprême et le Privy Council très sérieusement.

Robert, comme juge était le meilleur être humain, un être humain de qualité qui voulait simplement rendre un jugement, qu’il fût cruel ou bon, mais toujours le meilleur jugement. Il était toujours très percutant dans ses jugements car c’était sa nature.

J’ai eu l’opportunité, après son départ du judiciaire, de mieux connaître Robert. Toujours le gentilhomme, souvent cassant et sans pitié, mais reflétant les valeurs de la moralité, de l’éthique et de l’intégrité.

Quel plaisir, toujours et encore, d’écouter Robert Ahnee parler du droit. Quel plaisir aussi ce fut de l’écouter discuter et prendre position sur des sujets d’actualité et de politique.

J’ai eu également l’opportunité et l’honneur de travailler avec Robert au cabinet Juristconsult pendant quelques années. J’en garde un excellent souvenir.

A sa nombreuse famille, je souhaite de fêter, comme il l’aurait souhaité, notre ami qui est parti et de lui rendre grâce d’avoir été un être exceptionnel sur cette terre.