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Consultations Article IV

FMI : Améliorer l’impact social de chaque roupie dépensée

20 juin 2025, 18:00

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FMI : Améliorer l’impact social de chaque roupie dépensée

■ Seuls 11 % des bénéficiaires de la BRP sont issus de ménages pauvres, dit le rapport.

Si les politiques sociales menées ces dernières années ont contribué à une réduction significative de la pauvreté et des inégalités, elles ont aussi entraîné une inflation budgétaire qui met désormais en péril la soutenabilité de la dette publique, souligne le FMI dans son rapport publié le 18 juin dans le cadre de ses consultations au titre de l’Article IV. À travers une évaluation rigoureuse fondée sur les données de l’enquête sur le budget des ménages 2023, l’institution de Bretton Woods esquisse une voie étroite : celle d’un resserrement budgétaire progressif, combiné à une réforme ciblée des dépenses sociales et du système fiscal.

Selon le FMI, les mesures de soutien budgétaire postpandémie – incluant l’élargissement des pensions de vieillesse, allocations diverses et subventions généralisées – ont permis d’améliorer sensiblement le revenu disponible des ménages à faible revenu. Entre 2017 et 2023, le revenu mensuel moyen par ménage a augmenté de 22 % en termes réels, et les dépenses de consommation de 18 %. Résultat : le taux de pauvreté relatif est passé de 9,6 % à 7,3 % selon la méthodologie nationale, soit une baisse significative dans un contexte de stagnation de la productivité et du marché du travail.

Mais cette générosité budgétaire a un coût. Le FMI souligne que le ratio dette publique/PIB est passé de 60 % à près de 90 % entre 2019 et 2025. Le soutien social, bien qu’efficace pour réduire la pauvreté, s’est fait au détriment de l’investissement public, pourtant crucial pour le potentiel de croissance à long terme. Le modèle de développement mauricien se retrouve donc à un point de bascule : comment préser ver les acquis sociaux sans compromettre la viabilité budgétaire ?

Révision du ciblage

L’un des diagnostics les plus frappants du FMI concerne le manque d’efficacité dans la distribution des prestations sociales. L’étude montre que pour six programmes sociaux majeurs, y compris la pension universelle (Basic Retirement Pension – BRP), une très faible part des bénéficiaires appartient réellement aux catégories à faible revenu. À titre d’exemple, seuls 11 % des bénéficiaires de la BRP sont issus de ménages pauvres. De même, les aides aux veuves, invalides ou au logement sont majoritairement perçues par des ménages non-pauvres.

Ce déséquilibre pose un double problème : d’une part, il dilue les ressources publiques au profit de catégories qui n’en ont pas nécessairement besoin ; d’autre part, il prive potentiellement les plus vulnérables d’un soutien accru et mieux calibré. Le FMI recommande donc une révision du ciblage des prestations, en s’appuyant davantage sur des critères de revenus et d’actifs, tout en maintenant la couverture pour les plus démunis.

Outre les dépenses sociales, le FMI suggère de réviser les paramètres de l’impôt pour accroître les recettes fiscales. Deux pistes sont évoquées : la réforme de la TVA – en réduisant les exemptions qui profitent souvent aux catégories aisées – et une révision de l’impôt sur le revenu des personnes physiques en abaissant le seuil d’imposition et en rationalisant les déductions.

L’idée n’est pas de taxer aveuglément, mais de rééquilibrer les efforts fiscaux, estime le FMI, tout en maintenant un système redistributif. Maurice dispose d’un des taux de TVA les plus simples dans la région (15 %), mais le nombre d’exonérations le rend moins performant qu’il ne pourrait l’être. De même, une partie non négligeable de la population active reste hors du champ de l’impôt sur le revenu, limitant la progressivité du système.

Le FMI fait valoir qu’une telle réforme pourrait s’accompagner de mécanismes compensatoires pour les ménages vulnérables – notamment via un crédit d’impôt ou des transferts directs – afin de ne pas accroître la pauvreté tout en renforçant les marges de manœuvre budgétaires.

Autre point saillant de l’analyse : les disparités régionales. Le district de Rodrigues présente un taux de pauvreté largement supérieur à la moyenne nationale. La concentration des investissements et des programmes de soutien dans les régions urbaines de Maurice laisse une partie de la population en marge du progrès économique. Une réallocation budgétaire tenant compte des disparités géographiques pourrait donc améliorer l’impact social de chaque roupie dépensée.

Au final, le FMI invite les autorités mauriciennes à réinventer un contrat social plus soutenable : «Il est possible d’optimiser les dépenses publiques et d’augmenter les recettes fiscales sans détériorer les indicateurs de pauvreté et d’inégalité», souligne le rapport. La clé réside dans une approche chiffrée, fondée sur les données, la transparence et l’équité.

Maurice se trouve donc face à un dilemme classique mais pressant : comment concilier les exigences de justice sociale avec les impératifs de discipline budgétaire ? L’heure n’est pas au démantèlement brutal des acquis sociaux, mais à une modernisation des outils de protection sociale pour les rendre plus efficaces, plus justes et plus soutenables.

Le FMI trace la voie à suivre. Reste à savoir si les gouvernants oseront l’emprunter, en gardant l’humain au cœur de la réforme.

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