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Transport

Femmes dans les bus : Plus qu’un poste, un combat

5 juin 2025, 16:45

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Femmes dans les bus : Plus qu’un poste, un combat

■ Les femmes ont réussi à se faire un chemin dans ce monde très masculin à l’instar de Gessikya Jean Baptiste, l’une des premières à ce poste.

Le métier de receveur ou de conducteur de bus a longtemps été perçu comme un bastion masculin. Pourtant, les lignes bougent. La semaine dernière, le ministre du Transport, Osman Mahomed, a lancé un appel fort : il a encouragé les femmes à rejoindre le secteur du transport en commun, affirmant que c’est une carrière où elles peuvent non seulement s’épanouir, mais aussi bien gagner leur vie. «Les femmes sont réputées pour leur prudence et leur rigueur sur la route», a-t-il souligné.

Mais que pensent ceux qui vivent ce métier au quotidien ? Sur le terrain, les témoignages montrent une réalité nuancée, entre progrès, défis et espoirs. Pour Alain Kistnen, secrétaire de l’Union of Bus Industry Workers, cette idée n’a rien de nouveau. «Dans les années 90 déjà, nous réclamions que les femmes soient davantage impliquées dans le transport. Aujourd’hui, certaines ont franchi le pas et travaillent dans des compagnies comme la Corporation nationale de transport (CNT), la Mauritius Bus Transport Ltd ou encore l’United Bus Service (UBS). C’est un travail noble, qu’on soit receveur ou conducteur.»

Il se réjouit de cette évolution, mais n’oublie pas les obstacles. «Les femmes ont souvent une double journée : elles commencent très tôt, finissent tard et rentrent encore s’occuper de leur foyer. C’est exigeant, mais pas impossible. Elles ont prouvé qu’elles peuvent le faire.» Le véritable frein, selon le syndicaliste, reste la sécurité. Et les faits lui donnent raison. Il évoque le cas d’une receveuse de la CNT, agressée à l’arme blanche près des Casernes centrales, qui porte encore les séquelles de cette attaque. «Il faut des mesures fortes pour protéger ces femmes. Le ministre dira peut-être qu’on ne peut pas placer un policier dans chaque bus, mais il est temps de mettre en place des mesures concrètes.»

Kistnen rappelle que l’ancien ministre du Transport, Nando Bodha, avait proposé une loi sous le slogan «To BaT, To TaC», qui prévoyait des amendes allant jusqu’à Rs 100 000 ou deux ans de prison pour les agresseurs du personnel des transports publics. «Mais où est passée cette loi ? Pourquoi tarde-t-on à l’appliquer ?» Il suggère également des campagnes de sensibilisation, en collaboration avec la télévision nationale et les syndicats, pour mieux faire connaître les droits des travailleurs et instaurer une culture de respect.

Agressions en série et insécurité quotidienne

Les incidents ne cessent de se multiplier. «Rien que la semaine dernière, il y a eu des agressions sur la ligne Rivière-des-Galets–Rose-Belle», rapporte-t-il. Une ligne particulièrement sensible car empruntée par des patients sous méthadone. «Certains refusent de payer leur ticket, deviennent agressifs et se baladent même avec des cutters. C’est devenu banal. Il faut que le ministre agisse.»

Gessikya Jean Baptiste, l’une des premières femmes à avoir intégré le secteur, témoigne, elle aussi, de la rudesse du métier. Elle a débuté comme receveuse. «Je quittais la maison à 3 h 45 le matin. On ne savait jamais à quelle heure on allait rentrer. Parfois, l’autobus tombait en panne ou il fallait faire des heures supplémentaires à cause du manque de personnel.» Le début n’a pas été simple. «Les passagers avaient du mal à nous accepter. Certains collègues aussi. Mais j’ai tenu bon.» Aujourd’hui, elle est devenue Traffic Officer, mais continue d’apporter son aide sur les trajets scolaires. «Ce n’est pas facile. On doit gérer les passagers, les imprévus et on a aussi une maison à tenir.»

Elle souligne cependant le soutien constant du management de l’UBS, qui évite d’affecter les employées sur des lignes à risques. Mais elle reste lucide : «Il faut une vraie politique de protection. On ne peut pas continuer à risquer notre vie chaque jour.» Elle lance un appel au ministre Mahomed. «Le Metro Express bénéficie d’une sécurité renforcée avec des policiers dans les stations. Pourquoi pas les bus ? Nous aussi, on mérite d’être protégés.» Gessikya demande plus de considération pour ceux qui assurent, chaque jour, un service essentiel. «On quitte nos familles tôt le matin. Pas pour se faire insulter ou battre.»

Courage, patience et adaptation

À la question de savoir si elle encouragerait les femmes à rejoindre ce métier, sa réponse est franche : «Oui, si vous avez besoin de travailler pour avancer dans la vie. Mais il faut du courage, de la patience et une grande capacité d’adaptation.»

Le message est clair : le métier est ouvert aux femmes, mais il doit être repensé pour leur offrir les mêmes chances de réussite et surtout, de sécurité. L’appel lancé par le ministre Mahomed est un pas dans la bonne direction. Reste maintenant à transformer les mots en actions.

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