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Face au réel
«Nou ki pou la! Nou ki pou peye!», lançait un Ramgoolam offensif en novembre 2024, ripostant à l’ultime promesse électorale de Pravind Jugnauth sur le 14ᵉ mois. Ce jeudi, ironie cruelle du destin, c’est lui qui monte à la tribune de l’Assemblée nationale, cette fois en costume de Premier ministre et ministre des Finances. Et c’est encore nous qui allons payer. Mais, cette fois, pour réparer des années de dérives politiciennes.
Ramgoolam, challenger de Jugnauth, avait promis monts et merveilles l’an dernier : baisse des carburants, transport gratuit pour tous, Rs 21 500 de pension vieillesse, suppression d’impôts pour les jeunes, télé gratuite, Internet gratuit, sport subventionné, médicaments accessibles, CEB réformé, MBC libérée et redevance télé abolie… C’était le manifeste du Changement. Une profession de foi sociale. Populaire, voire populiste.
Mais depuis mi-novembre 2024, le sol s’est dérobé sous ses pieds. Car la réalité budgétaire, elle, ne pardonne pas.
Aujourd’hui, Navin Ramgoolam distingue le chef de l’Alliance du changement du gestionnaire d’un État à genoux. Il savait, avant même le rapport du PMO sur The State of the Economy, que l’économie était au bord de la rupture. Dette à 91 % du PIB. Déficit réel à 9,5 %. Fonds spéciaux exsangues. Moody’s et le FMI sur le pas de la porte. Il a gardé les Finances pour éviter les illusions et assumer seul l’impopularité.
Mais ce choix n’est pas neutre.
Dans les grandes démocraties – France, Royaume-Uni, Inde, États-Unis – jamais le chef du gouvernement ne cumule durablement les Finances. Ce n’est pas une règle écrite, mais une sagesse institutionnelle. Séparer ces rôles, c’est maintenir l’équilibre, garantir les contre-pouvoirs, éviter la dérive solitaire.
En France, par exemple, François Bayrou se bat lui aussi contre les déficits. Il cherche 40 milliards d’euros. Il propose des coupes franches. Il refuse les hausses d’impôts. Il affronte les colères et les hypocrisies. Il démontre ce que Maurice redoute : qu’on ne réforme pas sans casser des dogmes. À Paris comme à Port-Louis, le temps des petits arrangements est révolu.
Ramgoolam joue aujourd’hui sa crédibilité sur un acte budgétaire unique : être à la hauteur de l’Histoire, ou la subir. S’il cède à la facilité – reconduction des subventions électorales, promesses floues, imprécisions fiscales – il trahira sa seconde chance. Mais s’il impose une pédagogie de la rigueur, une architecture de réformes, une vérité des comptes, alors il retrouvera ce qu’on avait perdu : l’autorité pouvant garantir un cap.
Le changement, ce n’est pas un slogan. C’est un saut dans le réel.
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