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Développement durable
Érosion côtière, Un défi crucial pour l’avenir
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Développement durable
Érosion côtière, Un défi crucial pour l’avenir

© Sumeet Mudhoo
L’Île Maurice, célèbre pour ses plages paradisiaques et son lagon d’un bleu cristallin, fait face à une menace grandissante: l’érosion côtière. Ce phénomène, accéléré par le changement climatique et les activités humaines, met en péril non seulement l’écosystème marin, mais aussi les infrastructures touristiques et les communautés locales. L’élévation du niveau de la mer, l’intensification des cyclones et la dégradation des récifs coralliens sont autant de facteurs qui exacerbent la perte de plages et la vulnérabilité du littoral.
Selon une étude de la JICA (Japan International Cooperation Agency) réalisée en 2015, 23 % du linéaire côtier mauricien est en érosion. Les conséquences sont visibles sur plusieurs plages emblématiques de l’île, notamment Flic en Flac, Mon Choisy et Belle Mare, où le recul du trait de côte est perceptible année après année. L’enjeu dépasse le simple aspect esthétique ou touristique : il s’agit d’une problématique environnementale et socio-économique qui nécessite des interventions durables et adaptées aux spécificités de chaque site.
Combinaison de facteurs
L’érosion côtière résulte d’un ensemble complexe d’interactions entre phénomènes naturels et activités humaines.
L’impact du changement climatique
L’élévation du niveau de la mer, en moyenne de 5,6 mm par an dans l’océan Indien (des chiffres supérieurs sont annoncés pour Rodrigues en raison d’un phénomène de subsidence) est un des facteurs aggravants de l’érosion côtière. Un autre facteur majeur étant la dégradation des récifs coralliens. À long terme, cette montée des eaux pourrait submerger certaines plages et infrastructures côtières, rendant la protection du littoral encore plus difficile. De plus, les cyclones tropicaux, qui génèrent des houles puissantes, accélèrent le retrait du trait de côte en arrachant le sable des plages et en fragilisant les récifs coralliens.
La dégradation des récifs coralliens
Les récifs coralliens jouent un rôle crucial dans la protection du littoral en absorbant l’énergie des vagues. Cependant, leur état se dégrade sous l’effet du blanchiment des coraux, causé par l’augmentation des températures océaniques, ainsi que par la pollution et certaines pratiques nautiques et de pêche destructrices. À Maurice, certains récifs ont perdu jusqu’à 50 % de leur couverture corallienne ces dernières décennies, réduisant leur capacité à protéger les plages.
L’aménagement du littoral et ses effets néfastes
L’urbanisation croissante du littoral mauricien, notamment le développement du tourisme et l’implantation de grandes infrastructures hôtelières, a également perturbé les dynamiques naturelles du trait de côte. La construction de digues et enrochements a souvent été perçue comme une solution pour stabiliser les plages, mais dans de nombreux cas, ces ouvrages ont eu l’effet inverse en amplifiant l’érosion sur les plages adjacentes en raison des courants modifiés.
En parallèle, l’extraction de sable des lagons, longtemps pratiquée pour la construction, a contribué à une diminution des apports sédimentaires naturels. Cette pratique, bien qu’interdite depuis 2001, a laissé des séquelles importantes sur certaines plages qui peinent encore à se régénérer.
Les initiatives gouvernementales
Le gouvernement mauricien a mis en place plusieurs stratégies pour tenter de freiner l’érosion côtière. Parmi elles, on retrouve :
• Le rechargement des plages, une technique consistant à ajouter du sable sur les plages érodées. Bien que temporairement efficace, cette solution reste coûteuse et nécessite un entretien constant. Elle pause, par ailleurs, la question de la perte massive de sables lors des épisodes tempétueux, et de l’envasement des récifs coralliens qui en découle.
• La création d’aires marines protégées afin de restaurer les récifs coralliens et améliorer la résilience des écosystèmes côtiers.
• La restauration des mangroves, qui jouent un rôle majeur dans la protection des côtes en brisant l’hydrodynamisme des vagues et en piégeant le sable
• L’élaboration d’un plan de gestion intégrée des zones côtières, qui vise à mieux réguler l’aménagement du littoral sur les bassins versants, à concilier les différents usages et leurs impacts multifactoriels sur les espaces marins et littoraux, et à intégrer la dimension environnementale dans les activités économiques et les projets de développement.
Toutefois, ces initiatives restent souvent dispersées et nécessitent une meilleure coordination entre les différents acteurs concernés.
L’implication du secteur privé
Le secteur privé, notamment l’industrie touristique, joue également un rôle clé dans la protection du littoral. Certaines chaînes hôtelières ont pris l’initiative de restaurer des plages en finançant des projets de plantation de coraux et de mangroves.
En 2024, Business Mauritius a proposé un cadre de gouvernance public-privé, visant à structurer une réponse nationale face à l’érosion côtière. Parmi les propositions phares, on note la création d’une instance de gouvernance dédiée aux enjeux littoraux au plus haut niveau de l’État (PMO) et la création d’une plateforme de gestion des connaissances, permettant de mutualiser les recherches, de vulgariser les connaissances et de coordonner les actions entre les entreprises, le gouvernement et les organisations scientifiques.
Le projet RECOS
Dans le cadre de la lutte contre l’érosion côtière et de l’adaptation au changement climatique, l’Agence Française de Développement (AFD) finance le projet RECOS (Résilience des Écosystèmes Côtiers du Sud-Ouest de l’océan Indien) porté par la Commission de l’Océan Indien. Ce programme régional, lancé en 2021 et prévu jusqu’en 2026, vise à renforcer la résilience des écosystèmes côtiers à travers des solutions fondées sur la nature et une meilleure gouvernance des zones littorales.
Maurice fait partie des pays bénéficiaires de RECOS, qui soutient des initiatives locales axées sur la préservation et la restauration des habitats côtiers. Le projet se concentre sur plusieurs actions stratégiques :
• Le renforcement des connaissances scientifiques sur l’érosion et les risques côtiers.
• La restauration des écosystèmes côtiers, notamment les récifs coralliens et les mangroves.
• Le développement de sites pilotes pour tester des solutions innovantes adaptées aux réalités locales.
• La sensibilisation et la formation des acteurs locaux, incluant autorités publiques, entreprises et communautés.
Parmi les sites pilotes identifiés à Maurice, Belle Mare et Rivière des Galets bénéficient actuellement d’initiatives de reforestation côtière et de gestion des sédiments. Ces interventions permettent de démontrer l’efficacité des approches basées sur la nature, en complément des mesures de gestion plus traditionnelles. (...)
Source : Business Mag – Yearbook 2025
Conclusion
L’érosion côtière représente un défi majeur pour Maurice, mettant en péril son littoral, son économie et son environnement. Une approche proactive, combinant science, innovation, respect du vivant et gouvernance partagée, est essentielle pour assurer la préservation des plages mauriciennes. Maurice peut ainsi transformer cette crise en une opportunité de développement durable et devenir un modèle de résilience face aux effets du changement climatique.
La France, via l’AFD, et l’Europe souhaitent mutualiser leurs efforts pour accompagner le gouvernement et le secteur privé dans la construction d’une politique nationale robuste dédiée à cet enjeu. Pour ce faire, il est dans un premier temps primordial de réussir à réunir toutes les parties prenantes concernées pour confronter les postures aux faits scientifiques et aux enjeux réels pour chacun. C’est seulement ensuite, autour d’une vision partagée de l’avenir des littoraux mauriciens, qu’il sera possible de travailler à lever les freins et activer les leviers de mise en oeuvre d’actions de préservation et de valorisation des espaces côtiers vulnérables. Ainsi, pour ce faire, l’AFD, en partenariat avec l’Union européenne et Business Mauritiu,s organisera une conférence multi-acteurs sur l’enjeu de la gestion des risques côtiers érosion et submersion.
Cette conférence s’articulera autour de deux temps forts : - une journée consacrée au constat et à l’instauration d’un dialogue de méditation sciencesdécideurs- société - une journée consacrée à des ateliers de travail multiacteurs autour d’enjeux clés préalablement identifiés, tels que les enjeux de gestion de la connaissance, de définition de stratégies, de modalités techniques d’interventions, de gouvernance intersectorielle ou de financements des opérations. L’AFD souhaite ainsi se positionner aux côtés de l’ensemble des acteurs de la gestion côtière du pays pour les accompagner dans un dialogue de politique publique constructif et favoriser l’émergence d’une vision «partagée» du littoral mauricien, permettant ensuite au secteur privé de prendre le relais et d’investir de manière raisonnée.
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