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Retour des cétacés dans l’Océan Indien

Entre émerveillement et urgence

27 avril 2025, 14:00

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Entre émerveillement et urgence

Le retour des géants des mers dans les eaux de l’océan Indien est, chaque année, un événement à la fois attendu et redouté. Attendu, car il émerveille. Redouté, car il souligne l’extrême vulnérabilité des cétacés face aux pressions humaines. Alors que La Réunion se réjouit de la première apparition d’une baleine à bosse au large de Saint-Philippe, Maurice pleure l’échouage d’un cachalot de Blainville dans le lagon de La Prairie. Deux territoires, deux réalités, un même combat : protéger les cétacés dans leur milieu naturel.

🔴À La Réunion : la saison démarre sous les meilleurs auspices

Le mercredi 23 avril, une baleine à bosse a été aperçue au large du Sud sauvage de La Réunion, près de Saint-Philippe. L’observation, effectuée à partir du rivage, a été signalée via l’application Balèn terla, mise en place par l’association Globice. Cette plateforme encourage une observation respectueuse, sans intrusion marine, et constitue une avancée majeure dans la sensibilisation du public à l’éthique d’approche des cétacés.

Cette première apparition, bien que légèrement en avance, marque le début de la saison 2025. Comme chaque année, les premières baleines sont généralement des juvéniles, qui semblent préférer les eaux du Sud pour faire leur entrée. Si les scientifiques de Globice se réjouissent de ce retour, ils rappellent cependant que cette présence ne signifie pas une arrivée massive immédiate. L’observation reste ponctuelle et ne doit pas entraîner un relâchement des règles de prudence.

La Réunion a bien compris la nécessité d’encadrer cette activité. Face à l’essor des sorties en mer pour observer les baleines et les abus parfois notés, un nouvel arrêté préfectoral, plus restrictif, est attendu cette année. Une vaste consultation, initiée par l’ancien préfet Jérôme Filippini, vise à renforcer l’encadrement en limitant la présence humaine autour des cétacés et à mieux protéger leur tranquillité pendant cette période cruciale de reproduction.

🔴À Maurice : un cri silencieux dans le lagon

À quelques centaines de kilomètres de là, Maurice a fait face à une tragédie marine. Le 21 avril, un cachalot de Blainville, une espèce de cétacé profond, rarement observée près des côtes, a été retrouvé échoué dans le lagon de La Prairie. La carcasse, posée sur les coraux à La Passe, a été découverte tôt le matin. La cause de l’échouage reste inconnue mais les experts évoquent plusieurs hypothèses : désorientation, maladie, séparation du groupe ou interférences acoustiques. Les Ziphiidés, dont fait partie ce cachalot, dépendent fortement du sonar pour naviguer dans les profondeurs. Leur présence en eaux peu profondes les rend particulièrement vulnérables à la pollution sonore et aux perturbations humaines.

La réponse à cet événement a été rapide et collective. La Lagoon Life Foundation, fondée par Ludovic Tennant, s’est mobilisée avec le soutien de l’association #Savetheblu, l’Albion Fisheries Research Centre et les garde-côtes. Des relevés scientifiques ont été effectués, tandis que des patrouilles aériennes bénévoles ont été lancées pour prévenir d’éventuels nouveaux cas.

🔴Un appel à l’action nationale

Pour les associations mauriciennes, cet échouage ne doit pas rester un simple fait divers. Il doit marquer un tournant dans la gestion de la faune marine. #Savetheblu appelle à la mise en place d’un Dispositif National de Prévention des Échouages, inspiré de modèles comme celui de la Tasmanie. Ce dispositif comprendrait une cartographie précise des zones à risques (baies, hauts fonds, couloirs de navigation), l’installation d’un réseau d’alerte actif 24h/24 avec un numéro d’urgence, et la création d’équipes d’intervention formées pour les premiers secours aux cétacés.

L’interdiction des sonars puissants et de moteurs à haute fréquence dans les zones migratoires sensibles est également réclamée. À cela s’ajoute une innovation importante : l’installation d’hydrophones sous-marins dans le corridor migratoire sud-ouest de Maurice, de La Gaulette à Souillac. Ces capteurs permettront non seulement d’écouter les chants des baleines et les clics des cachalots mais aussi de surveiller l’impact acoustique des activités humaines.

🔴L’urgence de mieux encadrer l’écotourisme

Malgré une législation claire interdisant l’approche des cétacés à Maurice, les infractions sont nombreuses. Chaque semaine, des vidéos circulent sur les réseaux sociaux montrant des nageurs trop proches des baleines ou des opérateurs marins organisant des excursions non autorisées. Certaines entreprises contournent les règles en se déclarant «scientifiques» alors qu’elles vendent des sorties touristiques.

Face à ces dérives, le ministère de l’Environnement a récemment annoncé des mesures fortes. Un comité interministériel, présidé par le Premier ministre adjoint, Paul Bérenger, a été mis sur pied. Plusieurs actions sont déjà en cours : multiplication des patrouilles maritimes, diffusion de vidéos de sensibilisation dans les zones touristiques et non-renouvellement des permis des opérateurs suspectés d’activités illégales.

Ces mammifères, témoins d’un monde fragile, rappellent à l’humanité que l’océan n’est pas un terrain de jeu sans règles. Il est un sanctuaire vivant, qui exige respect, science et coopération. L’observation des baleines ne doit jamais se faire au détriment de leur bienêtre. Elle doit devenir un levier d’éducation, de sensibilisation et de mobilisation collective. Le cri silencieux de La Prairie et le chant lointain de Saint-Philippe nous appellent à faire mieux ensemble.

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