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Affaires Lam Po Tang et Vanessa Lagesse

Deux drames, deux procès, un même doute judiciaire

31 mai 2025, 11:00

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Deux drames, deux procès, un même doute judiciaire

■ Le couple Lam Po Tang avant le drame.

Deux femmes assassinées, deux suspects proches des victimes, deux procès très médiatisés… et, à l’issue de chacun, un acquittement. À près de quinze ans d’intervalle, les affaires Lam Po Tang et Vanessa Lagesse continuent de hanter la mémoire judiciaire mauricienne. Retour sur deux énigmes criminelles qui ont mis en lumière les limites des enquêtes policières et semé le doute jusque dans les tribunaux.

Sanjeev Nunkoo, l’employé devenu bouc émissaire ?

En octobre 2010, le corps sans vie d’une femme est retrouvé dans des circonstances troublantes. Très vite, l’enquête se concentre sur Sanjeev Nunkoo, cadre dans l’entreprise de Gary Lam Po Tang, époux de la victime. Proche collaborateur de ce dernier, Nunkoo est décrit comme financièrement dépendant de son employeur, qui finançait son logement et les préparatifs de son mariage.

Interpellé, Sanjeev Nunkoo nie être l’auteur du meurtre, mais admet avoir agi «sur les instructions de son patron» pour faire disparaître le corps. Il accuse Gary Lam Po Tang d’avoir commandité le crime. Ce dernier, pour sa part, a toujours nié toute implication. Pourtant, seul Nunkoo est inculpé, pour complicité de meurtre.

Sanjeev Nunkoo.jpg ■ Inculpé pour complicité de meurtre dans l’affaire Lam Po Tang, Sanjeev Nunkoo a été acquitté en 2015, le jury estimant les preuves insuffisantes.

L’enquête de la Major Crime Investigation Team (MCIT) suscite rapidement la controverse : aveux présumément extorqués sous la torture, éléments de preuve négligés (notamment un tapis taché de sang, des objets personnels et des relevés téléphoniques partiels). Lors du procès aux assises, en juillet 2015, la défense met en lumière ces nombreuses lacunes. Le jury acquitte Sanjeev Nunkoo à l’unanimité, faute de preuves directes. Gary Lam Po Tang, lui, ne sera jamais inquiété par la justice.

Vanessa Lagesse : vingt ans de procédures pour un verdict annulé

L’affaire Vanessa Lagesse s’étale sur plus de deux décennies. Styliste renommée et figure publique, la jeune femme est retrouvée morte en 2001 dans sa salle de bain. Plusieurs proches sont rapidement interrogés, dont sa mère, son beau-père et son cousin Thierry Lagesse, gestionnaire de la fortune familiale. Tous sont blanchis. Reste un suspect central : Bernard Maigrot, homme d’affaires français et ancien amant de la victime, avec qui elle entretenait une relation qualifiée de «compliquée».

Maigrot est d’abord arrêté, puis relâché en 2001. L’enquête rebondit en 2009 avec l’arrivée d’un rapport ADN provenant de l’étranger. Il est de nouveau arrêté en 2011 et formellement inculpé de meurtre en 2012. Son procès ne s’ouvre qu’en mai 2024, après de nombreux retards liés notamment à la pandémie et à plusieurs changements de juge.

gmLaf1ZmyAakqZHkpnklm7KlHI2hc8hc2vVEnIP3.jpg ■ Accusé puis condamné en 2024 pour le meurtre de Vanessa Lagesse, Bernard Maigrot a finalement vu sa condamnation annulée par la Cour suprême un an plus tard.

Au terme d’un mois de débats, Maigrot est reconnu coupable à la majorité (7 voix contre 2) et condamné à 15 ans de prison. Les principaux éléments retenus contre lui : des traces d’ADN sur les draps de la victime et une fracture cervicale. Mais ce verdict est annulé le 27 mai 2025 par la Cour suprême, qui estime les preuves matérielles insuffisantes et les directives du juge au jury biaisées.

Des similitudes troublantes, des trajectoires divergentes

Dans les deux affaires, les soupçons se sont portés sur des hommes proches des victimes. Dans les deux cas également, la police est accusée de négligences et d’irrégularités dans l’enquête, aboutissant à des acquittements faute de preuves irréfutables.

Mais au-delà de ces parallèles, les deux affaires diffèrent profondément. L’affaire Lam Po Tang s’est conclue en cinq ans avec une seule inculpation. Celle de Vanessa Lagesse, au contraire, s’est éternisée pendant plus de vingt ans, jalonnée de nouvelles expertises, d’auditions multiples, et d’un procès finalement annulé. Les pièces à conviction – notamment ADN et rapport d’autopsie – étaient également plus nombreuses dans le second dossier.

Ces deux procès soulignent une réalité préoccupante : l’absence de preuves solides dès les premières heures de l’enquête peut faire vaciller toute la chaîne judiciaire. Dans les deux cas, les avocats de la défense ont mis en évidence de graves carences dans le travail de la police.

Aujourd’hui encore, les familles des victimes attendent des réponses définitives. Quant à l’opinion publique, elle oscille entre frustration, incompréhension et suspicion. Deux crimes non élucidés. Deux noms gravés dans les annales judiciaires mauriciennes. Et un même doute persistant quant à l’efficacité du système.

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