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Née siamoise en 2019
Cléanne, un papillon aux ailes d’acier
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Née siamoise en 2019
Cléanne, un papillon aux ailes d’acier
Cléanne Papillon est née siamoise, reliée à sa sœur Cléa par l’abdomen. À deux mois, elles sont séparées lors d’une opération complexe. Cléa n’y survivra pas. Six ans plus tard, Cléanne se bat chaque jour pour une enfance presque ordinaire. Portrait d’une petite fille au courage hors du commun.
«Que Cléa soit heureuse là où elle est. Et qu’elle veille sur sa sœur, qui est sa moitié…» Ces mots prononcés par Marie-Hélène Papillon le 26 mars 2019 résonnent encore comme une promesse de vie et de mémoire. Ce jour-là, elle enterre l’une de ses filles, Cléa, qui n’a pas survécu à l’opération visant à la séparer de sa sœur siamoise, Cléanne, qui survivra.
Six ans plus tard, l’enfant miraculée tente de grandir entre douleurs physiques et force de vivre. Née siamoise, séparée de sa sœur à l’âge de deux mois, Cléanne Papillon tente de vivre une enfance presque ordinaire. Marquée par une chirurgie hors-norme, elle avance.
Le 4 janvier 2019, à la maternité de l’hôpital Jawaharlal Nehru, à Rose-Belle, le couple Ian et Marie-Hélène Papillon s’attend à ramener chez lui deux petites filles. Mais la naissance plonge immédiatement les médecins dans la stupéfaction : les jumelles sont siamoises, reliées par l’abdomen. «À part pleurer, je n’ai rien pu faire», confiait alors le père, bouleversé.
Moins d’une semaine plus tard, le 10 janvier, les nourrissons sont transférés d’urgence à l’hôpital Narayana Health City, à Bangalore, en Inde. Après une série de tests médicaux approfondis, les parents donnent leur consentement à l’opération. Mais une annonce déchire le couple : Cléa, l’une des deux sœurs, ne survivra pas à l’intervention. Son état de santé, bien plus fragile que celui de sa sœur, ne laisse aucun espoir.
Le 18 mars 2019, Cléa et Cléanne sont opérées. Dix heures d’une chirurgie délicate pour tenter ce que très peu de centres hospitaliers dans le monde savent faire : séparer deux corps fusionnés, tout en espérant sauver au moins l’un d’eux. Le lendemain, lorsque Marie-Hélène découvre sa fille survivante, les yeux grands ouverts, elle confie, dans un souffle : «Mo santi mwa soulaze.»
Mais le 26 mars 2019, la famille fait ses adieux à Cléa. Lors de la cérémonie d’adieu, sa mère lui adresse ces mots : «Que Cléa soit heureuse là où elle est. Et qu’elle veille sur sa sœur, qui est sa moitié…»
En octobre 2019, Cléanne, elle, respire enfin sans assistance. Mais les complications persistent, et les opérations se succèdent. Depuis, son combat continue, entre douleurs chroniques et défis du quotidien. Son parcours médical est dense : interventions au foie, suivi constant d’une colonne vertébrale fragile, bassin instable. La pandémie de Covid-19 a retardé des soins importants. Aujourd’hui encore, d’autres rendez-vous médicaux sont à prévoir, notamment une intervention au niveau de la colonne vertébrale.
Entre douleurs physiques et défis du quotidien, Cléanne tente de vivre une enfance aussi normale que possible.
Source d’inspiration
À l’école, Cléanne ne peut s’asseoir sur une chaise classique. Elle a besoin d’une table adaptée, et chaque déplacement est une épreuve. Mais elle avance, avec deux amies fidèles à ses côtés. Leur présence l’entoure d’un cocon invisible. «Heureusement qu’elle a des amies. Ça compte tellement», souffle Marie-Hélène.
Aujourd’hui mère célibataire de quatre enfants et institutrice, Marie-Hélène jongle entre ses responsabilités professionnelles et les soins constants à apporter à sa fille. «Elle ne se plaint jamais. Elle m’inspire», dit-elle, les yeux humides mais pleins de douceur.
Chaque matin, un van scolaire vient chercher Cléanne. L’assistant la soulève avec précaution. Le soir, le même rituel. «Tout est réglé au millimètre», précise sa mère. Cléanne apprend à lire, dessine, compte, et a même écrit son prénom toute seule. «J’ai pleuré ce jour-là», se souvient Marie-Hélène.
Les petits plaisirs la comblent : les pâtes, les fées, la musique douce. Elle fredonne parfois, et son rire efface les peines les plus lourdes. Une aide-soignante devrait bientôt l’accompagner à l’école. Une avancée précieuse.
À six ans, Cléanne sait que tout n’est pas acquis. Une nouvelle opération sur sa colonne vertébrale est prévue, des contrôles cardiaques sont indispensables. La croissance, incertaine, constitue un défi permanent. Mais ni elle, ni sa mère ne lâchent. «Elle me demande : Est-ce que je pourrai courir un jour ? Je lui réponds : Si tu veux, ma chérie, tout est possible.»
Cléanne Papillon à la Neonatal Intensive Care Unit, à l’hôpital de Flacq, le 31 mai 2019.
Impossible n’est pas Cléanne. Depuis sa naissance, elle a défié les statistiques, bravé les diagnostics. Elle est un papillon fragile, mais aux ailes d’acier. Une enfant debout dans la douleur, pleine de rires et d’envie. Et peut-être, un peu, la moitié d’un miracle.
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