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Portrait
Claude Cziffra : Un homme de lettres discret
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Claude Cziffra : Un homme de lettres discret

Mercredi 28 mai, Claude Cziffra lancera officiellement son livre «Comme on dit - petit guide du vocabulaire français de l’île Maurice» à la librairie Petrusmok. L’occasion pour nous de mieux cerner l’auteur.
La voix radiophonique de Claude Cziffra est reconnaissable entre mille. Chaude et paisible, elle nous est familière, mais que connaissons-nous de l’homme ? Certes, il est l’époux de Shirin Aumeeruddy-Cziffra, présidente de l’Assemblée nationale, politicienne et avocate, mais l’homme lui-même avec sa barbe blanche et son charmant sourire a quelque chose de mystérieux.
Né le 25 mai 1951 à Paris, Claude Cziffra est un féru des langues et lettres. Il est détenteur d’une licence ès Lettres - Anglais, d’une Licence de Lettres modernes, d’une maîtrise de Lettres modernes (sociolinguistique) et d’un diplôme d’études approfondies (Bac + 5) en Etudes Créoles (ethnolinguistique).
C’est dans l’enseignement que Claude Cziffra a débuté sa carrière à Maurice. Il a été tour à tour professeur à l’Alliance Française, au Lycée La Bourdonnais et au St Andrew’s College. En 1995, il fait ses premiers pas dans la presse. Il a été le premier secrétaire de rédaction de l’express. Il sera aussi le coordonnateur d’Expresso, ancien supplément magazine dominical de l’express et le chroniqueur linguistique du journal Bonzour, un ex-produit de La Sentinelle. En 2003, il rejoint la radio, notamment Radio One où il a été chroniqueur et journaliste.
Ayant pris sa retraite de Radio One en 2014, Claude Cziffra garde de bons souvenirs de son passage à la radio. «Présenter en direct une chronique depuis le studio d’antenne correspondait parfaitement à mon tempérament d’artisan : j’avais écrit mon propre texte, je le disais au micro et les auditrices ainsi que les auditeurs l’entendaient ou l’écoutaient directement, sans intermédiaire. J’ajoute qu’à l’époque où on m’avait confié un magazine culturel, «Sous la varangue», l’interview la plus agréable que j’ai réalisée en direct a été celle de l’acteur français Jean François Balmer. En effet, il s’est montré extrêmement sympathique du début à la fin. Et j’ai également eu le privilège de préenregistrer un entretien avec la grande dame qu’est Ananda Devi.»
Ceux qui ont côtoyé Claude Cziffra vous parleront de son affabilité, de sa gentillesse, mais aussi de sa discrétion et de sa douceur. Les journalistes dont les textes étaient corrigés par lui, vous disent toujours que, malgré les fautes laissées ici et là, il ne les a jamais rudoyés. Que pense-t-il de ces qualificatifs qu’on lui attribue d’habitude ? «Doux, oui je le suis en général. Sauf quand je conduis : je peux avoir un mouvement d’humeur si un automobiliste me fait un refus de priorité sur un rond-point. Je suis aussi discret, peut-être parce que je n’éprouve pas le besoin de me faire remarquer pour avoir le sentiment d’exister», explique-t il, avant d’ajouter avec un brin d’humour «je dois être une sorte d’extraterrestre parce que je ne fais jamais rien comme tout le monde».
Le vocabulaire est pour cet homme de lettres un plaisir qui lui permet «de voyager en pensée dans l’espace et dans le temps : un mot apparaît un jour quelque part et à l’occasion de contacts internationaux, il est repris ailleurs, tel quel ou légèrement modifié». Ce qui le passionne aussi ce sont les rapports entre langues et société. «Sur ce point Maurice est un cas tout à fait particulier et observer ce qui s’y passe est hyper intéressant», fait-il ressortir.
Si les langues et le vocabulaire l’intéressent, Claude Cziffra ne se considère «pas vraiment» comme un grand lecteur. «J’ai plutôt tendance à lire pour m’informer», avoue-t-il avant d’ajouter : «Mais quand j’étais petit, j’ai dévoré tous les romans d’aventures qui me tombaient sous la main. Par la suite, j’ai lu des livres dont le message profond était hors de ma portée parce que j’étais trop jeune. Je ne comprenais que le premier degré des récits comme dans «Le mur», de Sartre. Plus tard, j’ai adoré «L’écume des jours», ce magnifique roman d’amour de Boris Vian.»*
Outre les livres d’aventures, de son enfance dans le lointain Paris, Claude Cziffra se remémore des façades d’immeubles noires de suie «à cause des gaz d’échappement des voitures et des camions. Les jours où il n’y avait pas école, c’est le bruit de ces véhicules qui me réveillait le matin». Mais déjà l’exotique n’était pas loin. «Tout près de chez moi, dans une petite rue, se trouvait une épicerie spécialisée dans les produits alimentaires exotiques et orientaux: des cacahuètes dans leur coque vendues au poids, tout comme les olives de différentes variétés exposées dans d’énormes tonneaux de bois. Des paquets de halva turc et des pots de confiture de roses.»
Et si tout était à refaire, qu’aurait-il changé ? «Si je pouvais recommencer, je choisirais au secondaire la filière des langues vivantes. Cela m’aurait permis aujourd’hui, outre l’anglais, de parler couramment allemand et espagnol. Dans la foulée, en arrivant ici, j’aurais étudié sans me presser des langues indiennes et chinoises», confie-t-il.
Claude Cziffra est arrivé à Maurice en 1974, et n’a pas tardé à apprendre le Kreol Morisien. Deux enfants sont nés de son mariage avec Shirin Aumeeruddy Cziffra. En juillet dernier, le couple avait fêté ses noces d’or.
Alors que nous publions ce portrait, Claude Cziffra fête en ce jour ses 74 ans et malgré de «petits bobos», il reste un homme attentif à la société autour de lui. «L’écologie est à mes yeux un sujet de préoccupation qui touche tout le monde. Personnellement, j’ai eu nettement plus chaud cet été que l’année dernière et le manque d’eau m’inquiète beaucoup.»
Si son épouse est très engagée politiquement, Claude Cziffra avoue que pour lui «la politique est limitée aux idées». Il voit aussi en Maurice un pays jeune. «La société mauricienne n’a que trois siècles d’existence, ce qui est très jeune pour un pays. Sachant qu’il faut compter en générations pour évaluer le rythme des progrès sociaux, je dirais que Maurice a fait mieux que beaucoup d’autres.»
Sa retraite, Claude Cziffra la passe en lecture et à essayer de prendre soin de lui. «Tout récemment, on m’a offert une grande fresque historique, en trois volumes de plus de 500 pages chacun, écrite en anglais par l’auteur indien Amitav Ghosh. Il y raconte, entre autres, les tribulations de plusieurs personnages obligés de quitter le Nord-Est de l’Inde dans les années 1800 pour émigrer en tant qu’engagés à Maurice. J’ai déjà savouré Sea of Poppies et là, j’en suis au milieu du deuxième tome, River of Smoke». Il s’est également remis au yoga. Une activité dont il avait suivi des cours «donnés par un jeune yogi indien, dans les années 70 à Paris, au centre sportif de l’université».
Et l’écriture alors ? Claude Cziffra explique que c’est sous l’impulsion familiale qu’il s’est mis à écrire. «Quand j’ai pris ma retraite, toute ma famille m’a incité à écrire. Écrire ? D’accord, mais quoi ? J’ai pris mon temps pour chercher un sujet et comme je m’intéresse depuis toujours aux langues, j’ai choisi ce domaine.»
C’est avec une certaine sagesse qu’aujourd’hui Claude Cziffra voit le monde. «Aujourd’hui, comme beaucoup de choses changent de plus en plus vite, le monde que j’ai connu est probablement en voie de disparition. Alors, je fais confiance aux jeunes pour résoudre les problèmes qui les attendent», conclut-il.
«Comme on dit» à découvrir
«Comme on dit» se veut un guide du vocabulaire français de l’île Maurice. C’est avec humour que Claude Cziffra y décrypte les pratiques langagières des Mauriciens lorsqu’ils s’expriment en français. Et qui mieux que Claude Cziffra pour procéder à ce décryptage ? Sa langue première est le français, il détient une licence d’anglais de la Sorbonne et arrivé à Maurice, il s’est fait un devoir d’apprendre le Kreol Morisien. «Ce livre contient une sélection de mots – pas tous – qui existent ou ont existé en français de France, mais qui ont changé de sens en passant dans le français mauricien. Pour chacun d’eux, on trouvera la signification d’origine et celle qu’il a prise ici. Dans la vie quotidienne, les Mauriciens peuvent avoir affaire à des touristes francophones, par exemple, et ces différences sont parfois une source de malentendu. ‘Comme on dit’ peut servir à éviter ce problème», explique-t-il. Un livre à découvrir.
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