Publicité

«Adoption bill»

Ce fœtus pétrifié du ministère de la protection de l’enfance…

9 juin 2025, 15:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Ce fœtus pétrifié du ministère de la protection de l’enfance…

■ Nombreux sont ceux qui espèrent que ce projet de loi leur donne lieu à la fin du parcours du combattant pour adopter.

«Un Adoption Bill sera bientôt présenté à l’Assemblée nationale.» C’est ce qu’a annoncé la ministre de l’Égalité des genres, de la protection de l’enfant et du bien-être de la famille lors d’une conférence de presse à son bureau organisée dans le cadre de la Journée internationale de la famille, le jeudi 15 mai.

Depuis la nouvelle sur ce sujet, qui fait débat en raison de la complexité des démarches et procédures auxquelles font face le millier de couples/parents qui souhaitent donner une seconde chance à des enfants vulnérables ou abandonnés par leur famille biologique, et qui s’entassent, hélas, dans les shelters, ils sont nombreux à espérer un déclic et que l’on passe enfin des paroles aux actes.

Si les articles 343 à 370 du Code civil établissent le cadre légal pour l’adoption locale et l’adoption d’un enfant étranger, adopter relève toujours du parcours du combattant alors qu’un semblant de loi a pointé le bout de son nez – sans aucune suite ni amendement – il y maintenant plus d’une dizaine d’années. Il faut savoir qu’il existe néanmoins à ce jour trois types d’adoption possible : l’adoption simple, qui se fait sans rompre les liens avec la famille biologique de l’enfant ; l’adoption plénière, qui rompt tout lien de filiation et tout contact entre l’enfant et ses parents biologiques, et la légitimation par adoption, qui permet d’adopter un enfant reconnu par un seul parent ou qui se passe, par exemple, au sein d’un couple quand l’épouse souhaite que son enfant biologique soit reconnu par son mari, qui n’est pas le père de l’enfant. Parmi ceux qui militent pour cette cause, les espoirs sont nombreux car ils espèrent depuis tellement d’années que les procédures soient enfin facilitées. Puis, il y a ceux et celles qui ont pu adopter mais qui gardent quand même encore les séquelles, voire le traumatisme, de procédures qu’ils qualifient de désastreuses et décourageantes.

Dans un témoignage poignant, Christelle*, mariée et mère de deux enfants et dont nous avons modifié le prénom, raconte le calvaire qu’elle a dû endurer pendant environ trois ans avant de voir la lumière au bout du tunnel, et d’être enfin reconnue légalement comme étant la maman du bébé qu’elle avait recueilli et qui n’avait alors que 28 jours, après que sa mère biologique l’avait abandonné à l’hôpital au lendemain de sa naissance. C’est en 2022 que son parcours pour l’adoption débute. Elle est alors enceinte, elle-même, de quatre mois et dit avoir appris la nouvelle car il s’agissait du bébé biologique d’un couple de proches. Elle se rue à l’hôpital où elle se heurte à l’administration sans savoir s’il s’agissait d’un garçon ou d’une fille.

«L’amour nous a portés»

Dévastée, elle commence alors à entamer les démarches pour éviter que cet enfant ne soit placé dans un shelter et se tourne vers la Child Development Unit (CDU) car, déjà à l’époque, l’histoire de la fillette maltraitée au shelter L’Oiseau du Paradis et qui avait fini aux soins intensifs, défraie la chronique. Son mari et elle finissent par obtenir l’autorisation d’accueillir temporairement le nourrisson, et c’est en larmes qu’elle nous décrit la joie et l’attachement qui a fait que le couple décide d’aller plus loin et de vouloir que ce bébé grandisse au sein de leur famille et qu’elle ne les quitte plus.

«Il y a eu beaucoup de moments difficiles mais cela en valait la peine. L’adoption est un parcours émotionnellement insoutenable, mais l’amour nous a portés et nous a donné la force de réaliser l’impossible. Après un an, nous avons donc entamé les démarches pour les procédures d’une adoption simple. Il nous a alors fallu, nous-même, retrouver la mère biologique. Cela n’a pas été facile car elle n’avait pas d’adresse fixe et n’avait pas de vie stable étant une victime de la toxicomanie, tout comme le père. Par chance, nous avons pu retrouver la mère, mais après cela, nous avons été confrontés au délai de la justice. À chaque fois qu’on passait à la cour, on retenait notre souffle mais nous étions préparés, même si nous ne le sommes vraiment jamais dans ce genre de situation. Nous savions au fond que nous obtiendrions gain de cause et ça nous a motivés à continuer car d’une part, il s’agissait heureusement d’un enfant de la famille, mais aussi parce que la maman n’avait aucune stabilité et qu’elle ne voulait pas du bébé.»

Si c’est au mois d’août 2024, après de multiples va-et-vient devant la justice, que l’adoption est finalement prononcée, ce n’est toutefois qu’en mai 2025, soit le mois dernier, que la pétition a officiellement été signée et que leur statut de parents a, lui, été légitimé.

Contrairement à Christelle, de nombreux parents continuent à attendre car ils n’arrivent pas, aussi bien que les autorités, à mettre la main sur la mère biologique d’un bébé abandonné, par exemple, mais cela ne devrait pas être le cas, nous dit la principale concernée, qui est en contact avec bon nombre d’entre eux.

Comme elle, tous ceux concernés par le sujet déplorent l’absence d’un cadre bien défini face à des êtres qui souhaitent changer la vie de bien des innocents qui méritent plus que de se retrouver dans un dortoir commun et de grandir isolés et marginalisés. «Nous avons eu de la chance presque, mais il est grand temps de faire naître un cadre qui facilite les procédures en faveur de l’adoption, tant pour ceux qui entament les démarches que pour les personnes qui cherchent des enfants à adopter, mais qui hélas, encore aujourd’hui, ne savent pas vers qui se tourner ni où aller les chercher. Mon souhait, après être passée par toutes ces étapes, c’est que l’on revoie enfin les lois entourant l’adoption car ces longs et difficiles processus finissent par décourager les parents.»

L’aspect financier est aussi complètement à revoir car il est dommage, dit-on, que des personnes bienveillantes soient face à des limites à cause de contraintes telles que frais de justice, homme de loi et avoué, entre autres. «Un enfant abandonné ne devrait pas se monnayer pour les besoins de la justice car vouloir lui offrir une vie décente, cela n’a déjà pas de prix face à la souffrance à laquelle il a été confronté dès son arrivée dans ce monde.»

Chantage

Émue, Christelle souhaite conclure en lançant un message aux parents, personnes et aux couples qui souhaitent avoir recours à l’adoption. «Je peux vous dire qu’il n’y a aucune différence entre l’amour que vous pouvez ressentir entre un enfant biologique et celui que vous avez choisi par adoption. L’amour reste l’amour. Ce ne sont pas les liens du sang qui créent l’amour ; c’est le fait d’être là pour son enfant et de l’accompagner dans son parcours de vie. Se tonbe leve pou so zanfan e avek so zanfan. D’être là quand il est malade ou heureux. Aujourd’hui, nos deux enfants sont fusionnelles et nous n’imaginons pas notre vie sans elles.»

Pour Magali Deliot, fervente travailleuse sociale et présidente de l’organisation non gouvernementale Planète enfants, une association qui œuvre pour la protection et le bien-être des enfants, et qui est aussi une maman qui a eu recours à l’adoption il y a 13 ans, il est inadmissible que l’Adoption Bill ait autant tardé. Suite à l’annonce faite par la nouvelle ministre Arianne Navarre-Marie, elle dit à présent espérer que le projet de loi ne prenne pas encore des années avant d’être vraiment présenté à l’Assemblée nationale et de se concrétiser.

«Ce n’est absolument pas facile d’adopter un enfant à Maurice malgré le grand nombre d’enfants abandonnés ou retirés à leur famille à la suite de cas de maltraitances sur lesquels enquête la CDU, ou suivant l’arrestation de leurs parents. C’est un parcours du combattant. J’ai payé Rs 100 000 plus la TVA pour adopter mon enfant. Je voulais une adoption plénière, mais j’ai obtenu une adoption simple après une bourde de la CDU. Aujourd’hui ma fille est heureuse. Elle a une maison et tout ce qu’il lui faut. La mère biologique voulait nous faire chanter et voulait plus d’argent pour accepter l’adoption plénière après que sa fille lui a été enlevée par les services pour la protection de l’enfance lorsqu’elle n’avait qu’une vingtaine de jours. Elle réclamait le droit de voir l’enfant pour ses anniversaires notamment, mais elle ne s’est jamais manifestée après les procédures et que la justice lui en a donné le droit.»

Ajoutant : «Il y a tellement d’enfants qui méritent d’avoir une famille et de l’amour qu’on ne peut plus continuer à fermer les yeux de la sorte. Les exigences financières auxquelles sont confrontés les parents adoptifs révèlent d’un business et ce n’est pas normal. Que l’on doive payer les frais de la cour, je peux comprendre, mais de là à payer autant, c’est du commerce d’enfants. Que l’on fasse des enquêtes, oui, car on ne peut pas mettre des enfants dans n’importe quelle famille, mais qu’elles ne durent pas des années non plus et que l’on allège une fois pour toutes ces procédures pour arrêter d’anéantir ceux qui veulent bien faire. J’espère que la ministre, qui fait un excellent travail en ce moment, réagira rapidement comme elle l’a promis.»

Publicité