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À 4 jours du Grand oral

Budget 2025-26 : L’heure des choix difficiles

1 juin 2025, 16:00

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Budget 2025-26 : L’heure des choix difficiles

(Photo díllustration)

Le 5 juin prochain, tous les regards seront tournés vers l’Assemblée nationale pour le premier discours du Budget du nouveau ministre des Finances, Navin Ramgoolam, dans le cadre du mandat de l’Alliance du Changement. Un moment crucial pour l’économie du pays, tant les défis sont nombreux et les attentes immenses. Ce n’est pas un simple exercice comptable : ce budget sera scruté à la loupe comme une déclaration d’intention quant à la direction que prendra Maurice dans les mois et années à venir.

Et pour cause : après des années de gestion budgétaire contestée, de promesses électorales coûteuses, de déséquilibres macroéconomiques croissants et d’une consommation artificiellement dopée, le pays se retrouve à la croisée des chemins. Peut-on réellement redresser la barre sans retomber dans les travers du passé ? C’est tout l’enjeu de ce budget.

Le récent rapport d’Axys met le doigt là où ça fait mal. Il appelle à une déclaration politique forte et à un réalignement de l’économie mauricienne. Le constat est clair : l’économie a sous-performé, les inégalités se sont creusées, les finances publiques se sont dégradées et la position extérieure du pays est fragile. Cette analyse rejoint celle du rapport SBM Insights, qui insiste sur la nécessité de «maîtriser le déficit, contenir les dépenses publiques et accroître les revenus de l’État» — trois chantiers de fond à mener de front.

En d’autres termes, le pays doit rompre avec la logique court-termiste et électoraliste qui a dominé la gestion publique ces dernières années. Cela implique des choix difficiles, mais nécessaires.

L’un des grands problèmes de notre modèle économique reste sa dépendance à la consommation intérieure. Celle-ci représente près de 80 % du PIB. Dans un contexte où plus de 75 % de ce que nous consommons est importé, cela équivaut à une fuite massive de devises. À titre d’exemple, les importations alimentaires ont coûté plus de Rs 57 milliards en 2024.

Cette situation contribue directement au déficit de la balance commerciale, qui a atteint un niveau record de Rs 203,7 milliards en 2024. Avec des exportations stagnantes et une roupie faible, le déficit du compte courant a bondi de Rs 30 à 45 milliards en un an, dégradant encore davantage la balance des paiements du pays.

Face à cela, il devient impératif de repenser notre stratégie : miser davantage sur la production locale, relancer le secteur agro-industriel, et favoriser l’innovation et la productivité plutôt que de continuer à injecter de l’argent dans une consommation non soutenable.

Mais soyons clairs : Navin Ramgoolam ne dispose pas de baguette magique. La situation budgétaire est délicate. Le déficit public pour l’exercice 2024/25 frôle les 9,5 % du PIB, soit environ Rs 70 milliards. La dette publique, elle, dépasse 90 % du PIB, un niveau jugé préoccupant par tous les observateurs, locaux comme internationaux.

Dans un tel contexte, le moindre dérapage budgétaire serait immédiatement sanctionné. L’agence de notation Moody’s, qui surveille de près la situation financière de Maurice, pourrait abaisser la note souveraine du pays. Ce qui compliquerait encore davantage l’accès aux financements extérieurs, fragiliserait la monnaie nationale et nuirait à la réputation de la juridiction mauricienne.

Les responsables de l’Alliance du Changement en sont conscients. Ils savent que le pays n’a plus le luxe de promettre monts et merveilles sans assise financière crédible. Ce budget devra donc trouver un équilibre difficile entre rigueur budgétaire et mesures de relance ciblées.

Carte de la démagogie

C’est dans ce contexte que certaines prises de position du MSM, désormais dans l’opposition, interrogent. Alors même que leur ancien gouvernement est à l’origine de nombreux déséquilibres actuels – dont le gaspillage du fonds de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) –, les dirigeants du MSM multiplient aujourd’hui les critiques sur le budget à venir. Ils exigent à cor et à cri la baisse immédiate des prix des carburants (de Rs 30 !), le maintien des subventions sur le gaz ménager, et la protection des aides sociales, tout en accusant le gouvernement actuel de vouloir licencier des employés recrutés illégalement par eux à la veille des dernières élections.

Ce discours, qui cherche à séduire un électorat mécontent, sonne faux. Non seulement il nie la gravité de la situation budgétaire actuelle, mais encore il défend un modèle de dépenses incontrôlées qui a déjà montré ses limites. Ce type de rhétorique populiste peut faire mouche dans l’opinion publique à court terme, mais il expose le pays à des risques très concrets : perte de crédibilité, hausse des coûts d’emprunt, et pressions sur la roupie.

Le moment est donc venu d’en finir avec les solutions de facilité. Le cycle de la gratuité, de la distribution tous azimuts et des budgets à visée électorale est terminé. Le pays a besoin d’un cap clair et d’un cadre budgétaire crédible. Il est temps de se recentrer sur l’essentiel : investir dans la productivité, renforcer les capacités locales, encourager l’innovation, et bâtir une économie plus résiliente face aux chocs externes.

Cela suppose aussi un discours de vérité : expliquer que certaines aides devront être mieux ciblées, que les ressources sont limitées, et que chacun devra faire sa part. C’est dans cette franchise que réside la véritable rupture.

Le budget du 5 juin ne sera donc pas simplement un exercice de présentation de chiffres. Il sera un test de crédibilité pour l’Alliance du Changement. L’opinion attend des signaux clairs, des réformes concrètes et une vision long terme.

Ce sera aussi un test de maturité pour l’opposition. Critiquer, oui, mais encore faut-il le faire avec cohérence. Défendre aujourd’hui ce que l’on a soi-même contribué à détruire hier ne peut convaincre personne.

Maurice est à un tournant. Il ne s’agit plus de plaire, mais de reconstruire.

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