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Post-Covid-19: Cette crise sera aussi géostratégique
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Post-Covid-19: Cette crise sera aussi géostratégique

Avec plus de trois milliards de personnes obligées de rester chez elles, souvent strictement confinées pendant plusieurs semaines et le G20 qui, d’urgence, débloque $ 5 000 milliards, il est évident que nous sommes face à une crise qui, au-delà des pertes sévères en vies humaines, laissera des traces profondes dans chacune de nos sociétés ! Et Maurice, après la Chine, l’Italie, la France ou l’Iran en fait aujourd’hui chaque jour la douloureuse expérience !
Cette crise mondiale est avant tout sanitaire : elle nous questionne sur l’aspect hautement stratégique, pour les Etats, de la santé de leurs populations ; elle met le doigt sur nos capacités de préparation, d’anticipation et de réaction, qu’il s’agisse des choix des méthodes et moyens de luttes comme des approvisionnements en équipements et matériel médical ou de recherche. A travers le monde, les équipes médicales et les laboratoires sont lancés dans une course contre la montre pour mettre en place des traitements et pour trouver un vaccin salvateur qui nous préserve aussi d’une rechute éventuelle. La connaissance scientifique et la recherche retrouvent ainsi leurs lettres de noblesse... et il faut espérer que pour l’avenir les gouvernants intègrent l’avis des scientifiques, afin de guider les politiques publiques face aux dangers bien réels qui menacent l’humanité. C’est le cas de façon brutale et immédiate pour le coronavirus, mais d’autres dangers sont tout aussi présents, mais avec des effets différés dans le temps tels que le changement climatique et la perte de biodiversité.
Cette crise est aussi économique : limiter la casse en soutenant les entreprises et l’emploi est un impératif, comme de maintenir les entreprises en état de repartir lorsque l’alerte sanitaire sera maîtrisée.
«Il faut espérer que pour l’avenir les gouvernants intègrent l’avis des scientifiques, afin de guider les politiques publiques.»
Mais des questions plus profondes vont se poser : celle de la maîtrise des sources et chaînes d’approvisionnement mondiales et notamment de la dépendance d’un seul ou d’un nombre limité de fournisseurs. Relocalisation et diversification feront forcément partie de ce réexamen avec une attention particulière pour les métiers et produits dits stratégiques: la définition même de ces domaines stratégiques devra être revue ; il ne peut s’agir uniquement d’armements, d’énergie, de technologie de pointe ou d’intelligence artificielle… la santé et les composants des médicaments, l’approvisionnement agricole et alimentaire, tout comme le transport et la logistique font irrémédiablement parties de ces domaines : on peut facilement vivre un mois ou deux sans football à la télé, mais on ne peut pas se passer de manger grâce aux denrées que nos agriculteurs produisent, ou se passer de se soigner ou d’être soigné par des médecins et infirmiers compétents et bien formés… De même pour les chaînes de distribution, avec les caissières et les livreurs et, en aval, pour la gestion des déchets, avec les agents de la voirie et les éboueurs ; tous sont des acteurs essentiels en cette période de crise, car ils sont «au front et les premiers exposés ! Tout comme les policiers qui patrouillent inlassablement les rues pour assurer la sécurité et la paix sociale ! Cette réflexion doit donc s’accompagner d’une revalorisation et parfois d’une redécouverte de tous ces métiers !
La transparence et l’accès à l’information sont là des gardes fous essentiels : identifier l’épidémie dès les premiers jours et informer pour éviter sa propagation ; permettre aux journalistes de faire leur travail, parfois critique, d’investigation afin de questionner les chiffres et leur crédibilité, ainsi que les décisions prises ou l’absence de décision; assurer le fonctionnement de la démocratie et le contrôle par le Parlement, même à travers des procédures exceptionnelles ; permettre aux tribunaux de juger les cas urgents…
Mais cette crise est et sera aussi géostratégique. Alors que le secrétaire général des Nations unies prône la coopération au niveau mondial et l’arrêt des conflits pour se concentrer sur l’ennemi commun, les premiers reflexes sont souvent le repli sur soi ou la confrontation idéologique. Or cette crise nous rappelle que les virus n’ont ni nationalité, ni frontière et qu’ils frappent sur tous les continents et toutes les personnes sans distinction de leur couleur de peau, religion ou conviction politique… La réponse à cette crise doit donc forcément être globale sur tous les plans : sanitaire, économique, financier, sociétal… C’est seulement si nous parvenons à agir collectivement que nous pouvons espérer la surmonter et surtout nous préserver d’une résurgence ou d’une crise climatique, voire d’un autre type encore non identifié…
Comme le dit Josep Borell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères, le monde sera bien diffèrent lorsque cette crise sera passée. Nous devons d’ores et déjà nous y préparer tant individuellement que collectivement!
S.E.M Vincent Degert, ambassadeur de l’Union européenne auprès de la République de Maurice.
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