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Blood elections

Hitler avait tout compris. Cela, on le sait. On ne devrait jamais l’oublier.
Mais ce que Trump a de plus, aujourd’hui, c’est la communication. Ce pauvre Hitler ne pouvait persuader que les masses qui étaient à même de l’écouter en personne ou à la radio ou à travers les tracts en papier dans les boîtes aux lettres. Il est quand même parvenu à accomplir un génocide de six millions de Juifs.
Trump, lui, a le porte-voix de toutes les formes de communication aujourd’hui disponibles pour faire entendre ses inanités et son incohérence et ses perversions. Et vous savez quoi ? Cela marche ! Grand Dieu, cela marche ! À force de nourrir les grands titres, les médias se sont retrouvés à la solde de ceux qui crient le plus fort, que ce soit par les armes ou par le discours démagogique, c’est ça qui fait les news, sinon, quelqu’un qui ne serait pas charismatique ni médiatique ?, à la poubelle ! Quelqu’un qui parlerait sans l’emphase de Démosthène ?, à la trappe ! Les Grecs avaient tout compris, eux aussi, non seulement au sujet de la démocratie, mais également au sujet de la rhétorique. Passez votre chemin, vous qui ne sauriez persuader par la parole !
Et donc, Trump persuade. Boris Johnson persuade. Marine Le Pen persuade. Parce qu’ils savent parler à ce qui en nous grouille de ressentiment contre une société qui ne sait plus valoriser les faibles (qui sont responsables ?, demandent-ils. Ceux qui nous gouvernent, bien sûr !), alors qu’ils sont ceux qui exploiteront avec le plus d’impunité ces mêmes faibles. Mais lorsque l’on s’en rendra compte, il sera bien trop tard. Parce qu’ils savent jouer avec nos terreurs – ces gens qui viennent frapper à nos portes, ils sont tous des extrémistes et des terroristes, ils prendront nos boulots, ils violeront nos filles, ils feront exploser des bombes dans nos chaumières !
Ils ont oublié, eux, les Américains, qu’ils sont presque tous venus d’ailleurs, et que, sur Staten Island, lorsqu’ils ont levé les yeux sur la Statue de la Liberté, ils ont rêvé de ce pays d’accueil où ils pouvaient oublier la pauvreté et les exactions de leur terre d’origine. Beaucoup d’entre eux ont été reçus avec la même méfiance et les mêmes quolibets.
Ils se gardent bien de dire que ces populations qui sont prêtes à braver l’océan et le désert pour devenir des mendiants en terre hostile ont été poussées hors de leur pays par des circonstances historiques créées par ceux-là mêmes qui les repoussent aujourd’hui. Syrie, Libye, Iraq, Érythrée, Somalie – comment sont nées ces guerres ? Prenons une leçon d’histoire et comprenons que tout est lié à l’exercice de pouvoirs lointains qui n’avaient qu’un seul but : s’approprier les richesses de ces pays et les revendre au prix fort. La population ? Dommage collatéral, bien sûr !
Pour qui s’attacherait à analyser l’histoire, il comprendrait que ces milliers d’êtres déplacés le sont parce que les pouvoirs politiques et économiques du monde l’ont ainsi voulu. Le pétrole, l’uranium, l’or, le diamant, le coltan… Cherchez le minerai précieux et vous trouverez un pays en conflit. Pourquoi ? Parce que cela sert au véritable pouvoir : celui de l’argent. Et où se trouve cet argent ? Dans les pays industrialisés qui en profitent le plus. Cherchez le coupable… Donc : les pays riches engendrent des conflits qui leur permettent de faire main basse sur les richesses des pays pauvres. Et lorsque ces conflits font fuir les populations civiles massacrées, ils ferment leurs frontières. Simpliste ? Oui. C’est ainsi.
Savez-vous, vous qui êtes accroché à votre smartphone au point de vous sentir orphelin lorsqu’il se casse ou d’éprouver le besoin d’acheter le dernier-né de la gamme, que l’un des composants, le coltan, élément essentiel de tous les téléphones portables, se trouve dans la région du Kivu, en République démocratique du Congo ? Région qui est en proie à une guerre civile qui dure depuis des décennies ? Est-ce un hasard ? Ou que ce que l’on appelle «blood diamonds», les diamants de sang, sont issus de régions du Sierra Leone et d’autres pays où les populations meurent pour extraire ces pierres de leur terre, sans que cela les enrichisse pour autant ?
Est-ce un hasard ? Je ne le crois pas. Le monde est à feu et à sang, mais, le nez plongé dans notre téléphone ou notre tablette, nous n’en avons cure.

Vous vous dites que c’est leur problème, vous n’êtes pas responsable, les Africains ont choisi leurs dictateurs, les Syriens et les Libyens aussi. Maintenant ils veulent venir dans «nos» pays, prendre «nos» ressources, «nos» jobs, «nos» terres ? Il faut nous défendre !, dites-vous.
Ce qui est le plus tragique, c’est que ce sont souvent des exémigrés qui s’insurgent le plus violemment contre les nouveaux. Ce n’est pas pareil, disent-ils. Nous sommes partis pour travailler. Heureux, vous qui êtes partis volontairement de chez vous pour trouver votre bonheur ailleurs ! Heureux, vous qui n’avez pas été chassés de chez vous par les bombes et la famine ! Heureux, vous qui pouvez aujourd’hui, ayant oublié à quel point vous avez eu à lutter vous aussi contre les préjugés et le rejet, à votre tour rejeter ces autres qui viennent chercher leur propre survie !
Heureux, heureux, heureux, vous, qui que vous soyez, qui vous emmurez dans votre égoïsme, dans votre individualisme, dans votre absence de compassion, dans votre méconnaissance de l’histoire, dans votre amnésie !
Heureux, heureux, heureux, vous qui pensez que Trump est une bonne chose, avec ses murs, sa misogynie, son extrémisme, vous qui pensez que fermer votre coeur et vos portes à ceux qui sont dans le dénuement absolu est une bonne chose, vous qui pensez qu’elles l’ont mérité, ces populations qui aujourd’hui voient leurs enfants périr sous les bombes, oui, bien sûr, cela ne vous regarde pas, tant que vous avez tout ce qu’ils vous faut, bien sûr, cela ne vous touche pas, puisqu’il ne s’agit pas de vos enfants, bien sûr, cela n’a rien à voir avec vous, puisque c’est très loin de chez vous que cela se passe !
D’où viennent ces bombes ? Où sont-elles fabriquées ? Quels sont les engins qui les déversent ? Qui a créé ces conflits qui se perpétuent ? Et qu’ont-elles fait pour mériter cela, ces populations qui vivent dans les gravats et les décombres, qu’ont-elles fait pour que vous tourniez la tête avec dédain en disant, «cela ne nous regarde pas» ?
Demain, ce seront vos enfants qui subiront les délits de faciès. Désolée de vous le dire. Demain, nous souffrirons tous du réchauffement climatique que votre héros Trump nie de toutes ses forces. Demain, le monde sera à la merci de ces prédateurs qui ont un pouvoir terrifiant et que personne n’aura su enrayer.
Je vous en veux d’être aussi aveugles, vous qui croyez que rien de tout cela ne vous atteindra. Vous n’avez plus qu’à attendre.
Bon vent.
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