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#JeSuisCharlie et pourtant je dois m’expliquer!

8 janvier 2015, 04:43

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Nul n’est resté indifférent à l’abomination qu’a subie Paris mercredi matin 7 janvier. 12 morts: des policiers et des journalistes ! Voilà le bilan de cette atteinte à la vie d’autrui au début de 2015.   

 

«On a tué Charlie Hebdo!» 

 

Voilà les mots des responsables de cet attentat en quittant les lieux de leurs actes dénués de toute considération pour la vie humaine.  Selon François Hollande, la liberté vaincra toujours la barbarie, tout en appelant au rassemblement de tous les Français. 

 

Les politiciens de tous bords se sont exprimés sur en condamnant fortement cet attentat en espérant que les responsables de ces horreurs soient jugés pour leurs actes. Beaucoup n’ont pas manqué de qualifier ces actes d’une atteinte à la liberté d’expression, à la démocratie et à la République Française.  Les chefs d’États étrangers ont fortement réagi aussitôt.  

 

D’un point de vue social, les mobilisations à travers la France se sont multipliées.  Mes comptes Facebook, Twitter, Instagram et Snapchat étaient inondés d’images, de commentaires et vidéos de manifestation à travers la France.  Je n’ai pas tardé à réagir, à condamner ces actes et à exprimer mes sincères sympathies à toute une nation qui m’a accueilli chaleureusement pendant une année.  

 

Il y a eu certaines réactions que j’ai pu lire sur des réseaux sociaux qui m’ont fait grincer des dents. Il faut dire qu’il y avait deux catégories. La première pour moi n’est que la manifestation de maladresse (pour ne pas dire de stupidité ou de débilité) en  forme de tweets avec les commentaires suivants : «bien fait» ou encore des «ils l’ont bien cherché».

 

Pour moi ces commentaires sont tout aussi cruels que l’acte, et ces personnes ne méritent même pas que l’on s’attarde sur leur sort.

 

La seconde catégorie de commentaires cependant m’a fait sourciller. Celle-là venait pour d’une majorité de personne vivant un peu partout dans le monde, de citoyens lambda et qui commentent la liberté d’expression.  Est-ce que Charlie Hebdo est allé trop loin dans ses caricatures? 

 

Personnellement, je trouve que cette réflexion, et surtout son expression sur la place publique, n’est autre qu’un manque de respect pour les familles des victimes, la liberté d’expression et ainsi que pour toute la République Française.  Mais comme ils ont le droit de s’exprimer, j’ai décidé d’en faire autant en exprimant mon opinion.  

 

 

Le but, le rôle et la vocation des journalistes, des éditorialistes et  des caricaturistes n’est pas d’offusquer, de blesser ou de tirer sur x, y ou z.  Ces gens ont une éthique et une mission : celles d’informer, de faire réfléchir et de mettre en lumière les faits et les phénomènes sociaux qui existent autour de chacun d’entre nous.  Certains utilisent les mots, les dessins ou l’humour, dépendant de ce qu’ils font le mieux.  J’ai eu l’immense plaisir de côtoyer plusieurs personnes dans ce métier et je rends ici mon propre témoignage.  Elles sont des personnes que j’admire et pour qui j’éprouve le plus grand respect.  Le journalisme est, pour moi, un métier rempli de noblesse.   

 

La liberté d’expression n’a pas toujours été un acquis. Si ce principe existe aujourd’hui, c’est par la sueur et le sang de certaines personnes.  Pendant des décennies, même des siècles, des vérités on été enfuies et des hommes ont été contraints, beaucoup par la force, de la fermer pour des raisons qu’on pourrait traiter de ridicule aujourd’hui.  D’autres y ont même laissé leur vie.  

 

Nul besoin pour moi de vous faire un dessin pour comprendre où je veux en venir. Si nous en sommes là, si nous pouvons exprimer nos opinions, nos convictions, notre humour, nos croyances, ce n’est pas par hasard ! Il y a encore des États en 2015 où ce principe n’est qu’une utopie ou pire encore : inexistante.  Bottom line : ne crachez pas dans la soupe !  Comme l’a dit un invité sur le plateau d’itele dans la soirée de cette journée tragique : «Ceci est le 11 septembre pour la liberté d’expression !»

 

Je tiens à préciser que je livre là des réactions à chaud. Je n’imaginais pas devoir justifier mes #JeSuisCharlie à qui que ce soit, mais j’ai tenu à le faire malgré le profond sentiment de tristesse qui m’envahit en ce moment.  

 

Il y a deux raisons qui motivent ma démarche.  Premièrement, je tiens à montrer aux personnes qui ne réalisent peut-être pas l’étendu et la valeur des libertés dont elles bénéficient, qu’elles soient en France ou ailleurs. 

 

La deuxième raison, c’est que je veux rendre un hommage à ces artistes.  Oui, des GRANDS ARTISTES et des forgeurs de notre société, qui méritent qu’on reconnaisse leur génie.  Cela ne veut pas dire que je suis d’accord avec toutes les caricatures de Charlie Hebdo ! Je dois avouer que certaines m’ont causé un vrai malaise même.  

 

Cependant c’est là que je retrouve toute l’intelligence du travail de ces personnes.  Ils savaient où taper pour nous faire réagir et on peut dire qu’ils auront tapé toujours très fort et cela sur tout le monde. 

 

C’est ici que pour moi cette phrase, extraite de Friends of Voltaire prend tout son sens : « Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'au bout pour que vous puissiez le dire.»

 

C’est exactement cela que je veux répondre aux personnes qui lancent ce que j’appellerais de «faux débats mal informés» autour de ce drame.  La liberté n’est pas un principe qui fait dans la demi-mesure.  Elle existe ou elle n’existe pas.  Ce n’est que pure naïveté que de penser pouvoir l’invoquer quand cela semble avantageux ! Avec la liberté d’expression vient aussi la liberté de ne pas approuver, celle d’acheter ou de ne pas acheter un journal précis, de lire ou de ne pas lire et aussi la liberté de la fermer ! C’est cela que représente la liberté, telle que je l’ai toujours défendue et que je la défendrais toujours.  

 

En ce moment je prie, et mon cœur pleure pour tout un pays, pour des principes pour lesquels je serais prêt à me battre comme l’ont fait tant d’autres.  Je prie aussi pour mes frères et sœurs de foi musulmane vivant en France. Qu’ils ne subissent pas des représailles de tels actes qui, pour moi, sont contre tous principes religieux et humanitaires. 

 

J’aimerais conclure par cet extrait d’un entretien accordé par Stéphane Charbonnier (alias Charb), dessinateur et directeur de la publication de Charlie Hebdo à Telquel en 2012.  Il disait :

 

«Je n'ai pas peur des représailles. Je n'ai pas de gosses, pas de femme, pas de voiture, pas de crédit. ça fait sûrement un peu pompeux, mais je préfère mourir debout que vivre à genoux.» 

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