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Eduque-moi si tu peux!

29 octobre 2014, 07:23

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Eduque-moi si tu peux!

A chaque fois que j’ouvre une page d’actualité mauricienne ces jours-ci, je suis envahi par les péripéties de nos politiciens. Les conférences de presse, les éditoriaux, les petites sorties des candidats, les réunions nocturnes, tout y passe. Ce n’est pas pour me déplaire je dois l’avouer. Cependant entre deux pages de ce que je pourrais appeler mon feuilleton du moment s’est glissée une actualité saisonnière,  une actualité qui fait partie de notre folklore locale : les examens du CPE.

 

Cet événement qui a mobilisé les capacités intellectuelles de la plus tendre jeunesse mauricienne pendant 5 jours, plane sur notre paysage local tous les ans.  Ce qui est frappant, c’est que cela n’affecte pas seulement les enfants mais aussi leurs parents.  Toute la famille se mobilise autour de cette épreuve qui déterminera l’institution que fréquentera l’enfant, la consécration ultime étant le QEC, Dr Maurice Curé, les 2 « collège royal », le collège du Saint Esprit ou je ne sais quelle autre star school.

 

Les examens sont maintenant derrière nous, et nos chers bambins attendent les résultats de leurs six années à l’école primaire avec impatience (ou pas !).   Les chiffres de l’année dernière affichent un taux de réussite de 77,48 %, ce qui représente une hausse de 1% comparée à l’année précédente.  C’est toujours encourageant pour un pays de voir une hausse dans le secteur éducatif. 

 

Cependant, je vous propose d’aller au-delà des statistiques et de réfléchir un moment à cette situation qui nous est pour le moins atypique. Les journaux parlaient récemment du cas de cet étudiant qui aurait souffert de nausées à cause du stress qu’il aurait subi pendant les examens. Le directeur du MES interrogé sur ce sujet, expliquait que cet incident est fréquent lorsqu’il s’agit des examens du CPE. On pourrait  aller jusqu’à en conclure qu’il n’y a rien de très alarmant. 

 

Un autre article prodiguait des conseils aux parents sur la gestion du stress pendant les examens de leurs enfants.  L’avis et le ressenti des enseignants ont aussi été traités ; bref tout y est passé. Avec un peu de recul toutefois, j’ai la boule au ventre quand je réalise que c’est d’enfants de 11-12 ans dont on parle ici.  Cette agitation, cette mobilisation, ces heures de leçons particulières pendant l’année et cette sécrétion d’acide dans l’estomac de tout ce beau monde, lance une grande interrogation : KIFER ? A quoi donc rime tout cela ?

 

Il est légitime pour un parent de vouloir ce qu’il y a de meilleur pour son enfant.  Les nuits blanches dues au stress, l’argent dépensé sur la crème de la crème des profs en leçons particulières et tous les autres sacrifices que font les parents pour leurs enfants sont certes fort admirables.  Mes parents l’ont fait pour moi et je leur en suis infiniment reconnaissant. 

 

La question qui se pose ici est de savoir si tous ces efforts, de la part des enfants, des parents et des enseignants valent la peine.  Que veut dire un certificat du CPE bourré d’A+ ? Que voulons-nous atteindre en infligeant un tel stress sur nos enfants ? Voulons-nous créér une «élite papier» qui soit capable d’apprendre tous les bouquins du monde par cœur quand ils deviendront « grands » ?  Est-ce l’apprentissage dont notre pays a besoin ?

 

Prenons un exemple simple : L’histoire.  L’histoire de notre pays fait partie du cursus primaire.  Elle retrace les différentes périodes et donne un aperçu aux enfants des grands évènements et personnages de notre histoire.  Une expérience simple serait de demander à des enfants de 14-15 ans s’ils sont capables d’avoir la plus simple des conversations sur l’histoire de leur pays.  Leur réponse risque de vous surprendre. 

 

Pourtant, certains de ces enfants auront obtenu un A+ au CPE.  Le but de l’enseignement de l’histoire à l’école primaire a-t-il été atteint ?  Je dois préciser que, je ne rends ici nul autre que mon propre témoignage. 

 

Cela nous pousse à questionner ce système par lequel passe un peu plus de 25 000 jeunes mauriciens tous les ans. Aujourd’hui on entend des discours sur un approfondissement de la démocratie, faire de Maurice un pays phare, une plaque tournante, avoir plus de visibilité au niveau mondial, l’âge de vote a 16 ans etc...  Tout ce «progrès» dépendra cependant de l’éducation que nous offrons à la future génération.

 

Encore une fois la question qui se pose c’est quelle est cette éducation que nous voulons offrir à nos enfants. Henry Bordeaux, un auteur et juriste Français écrivait en 1918, «L’éducation n’est, en somme, que l’art de révéler à l’être humain le sens intime qui doit gouverner ses actes, préparer l’emploi de ses énergies et lui communiquer le goût et la force de vivre pleinement.»  Si on analyse cette pensée on voit que ce n’est pas forcément ce que prône notre système.

 

En lançant cette réflexion je ne prétends pas avoir la solution ultime. Je n’ai pas les informations adéquates non plus pour vendre le programme de tel ou tel parti politique.   Nous ne pouvons pas blâmer uniquement nos chers hommes politiques car l’éducation nationale, reste la bête noire de tout gouvernement.  C’est un sujet tellement délicat qu’il peut vous exploser à la figure à la fin de votre mandat.  Le fait est cependant que le problème est bel et bien existant. 

 

Le stress et le «par cœur» ne sont que deux aspects du problème. Je n’ai même pas traité le problème social que créent les 22 % qui ne réussissent pas ces examens ou l’impuissance des profs, (de vrais pédagogues passionnés) face à cette situation. 

 

Ce dont notre pays a besoin, c’est d’une introspection, de lancer le débat afin de prendre conscience avant qu’il ne soit trop tard. Chaque année qui passe, c’est une autre génération qui aurait pu être mieux éduquée.

 

De cette conscience populaire, s’ensuivra une vraie coopération de tous les acteurs du secteur pour l’améliorer. Il faut arrêter de se voiler la face avec des mesures à court terme qui ne s’avèrent pas d’une grande utilité. Il nous faut réaliser l’importance de la situation, car comme le chante notre bluesman local, Éric Triton, « Sport pou lecorps, lamizik pou l’esprit, l’édikation pou pas mort c**y**. ».

 

 

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