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Artiste engagé de Baie-du-Tombeau

Bilygane : «La vérité blesse et ‘blessed’»

16 avril 2025, 14:00

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Derrière le nom Bilygane se cache Ludovic Louis, un artiste issu de Dockers Flats à Baie-du-Tombeau, dont l’engagement social et artistique s’ancre dans une histoire personnelle marquée par la douleur, l’amour du pays et le besoin de vérité. À travers sa musique, il ouvre une brèche dans le quotidien, mettant des mots sur les silences, des accords sur les injustices. À l’âge de 15 ans, après la perte de sa mère, son pilier, Ludovic trouve refuge dans la musique. Une bonne sœur lui offre une guitare basse et dès lors, il s’immerge dans un univers où les notes deviennent thérapie. Le nom Bilygane, qu’il porte comme une signature de scène, est un héritage de son père.

Un artiste né d’un manque de prospérité

Si Bilygane s’engage à travers ses chansons, c’est parce qu’il aime profondément son pays. Pourtant, il confie ne pas s’y être senti prospère à une certaine époque. Il décide alors de s’en éloigner, le cœur serré, mais la tête pleine de vérités dérangeantes. Son art devient alors un moyen de parler de ces réalités qu’on préfère souvent taire. C’est avec sa musique qu’il va s’exprimer. Parmi ses morceaux les plus marquants, on retrouve Mo le to gras, Remed pou tension, Retourn mwa sa lepok la, ou encore Ki zot problem.

Mais c’est Mo le to gras qui occupe une place particulière dans son cœur. À travers ce morceau, il incarne un personnage rejeté, comme lui, pour n’avoir pas eu de «backing». «Si boukou zenes pe vann ladrog zordi, se parski pena backing. Si mo apel Louis ou Jean-Paul, pa pou fasil pou mwa… Pena meritokrasi», déclare-t-il avec franchise. Il dénonce ainsi une société où l’ascenseur social est souvent réservé à ceux nés avec une «cuillère en argent» dans la bouche plutôt qu’à ceux qui luttent chaque jour pour exister.

«Retourn mwa sa lepok la»

Dans Retourn mwa sa lepok la, Bilygane fait le constat d’un changement profond dans les relations humaines. «Zordi boukou dimounn pe vann rev, avan ti ena plis sinserite. Nou bann gran dimounn ti viv 30 an, 40 an maryaz san fer fos promes.» Il regrette le manque de respect croissant entre les jeunes et les anciens et insiste sur la nécessité de veiller à l’éducation des enfants, pour éviter qu’ils ne sombrent dans une société guidée par l’orgueil. «Si artis pe met lorgey dan lamizik zordi, se parski zot trouv zis lorgey partou.»

Un appel contre la stigmatisation

Dans son morceau Ki zot problem, Bilygane met le doigt sur une réalité qu’il juge insupportable : la stigmatisation des quartiers populaires. Il parle des cités, de Roche-Bois à Baie-du-Tombeau, et de cette étiquette collée à ceux qui y vivent. «Nou tou nou bann Morisien avan tou. Bann lakaz site vedir bann dimounn pena mwayen. Ena high class, middle class me kan pou ena Mauritian class?» Il s’insurge contre l’idée que seules certaines communautés ou classes sociales seraient légitimes. Pour lui, chacun a de la valeur : certains ont plus d’argent, d’autres, plus de savoir. «Fer enn diferans dan enn morselman ek dan enn site. Sime mem sal, inn zet boutey. Kapav se enn mank ledikasion… me ledikasion la kisanla donn sa?» L’artiste critique ouvertement la logique des ZEP (Zones d’éducation prioritaire). «Kifer ena sa zis dan Roche-Bois ou Baie-du-Tombeau? Pe rod met nou dan enn kaz. Sa bann zanfan-la, zot kapav vinn dokter, vinn gran dimounn.»

Loin des standards commerciaux, Bilygane refuse de céder à la pression de sortir un album rapidement. Il préfère prendre son temps, peaufiner chaque chanson et s’assurer que le message est clair et juste. «La vérité blesse en français… et blessed en anglais», glisse-t-il avec un sourire. Pour lui, chaque mot, chaque accord est un acte de résistance. Et surtout, un acte d’amour pour son île.

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