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Environnement

Baleines harcelées, lois bafouées, autorités absentes : Quand le silence tue l’océan

25 mai 2025, 17:00

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Baleines harcelées, lois bafouées, autorités absentes : Quand le silence tue l’océan

Alors que la nage avec les cachalots est illégale, voici des captures d’écran montrant des nageurs au plus près de ces animaux.

L’Île Maurice, perle de l’océan Indien et destination prisée pour son patrimoine marin, est aujourd’hui au bord d’un effondrement moral et écologique. Ce pays qui s’enorgueillit de ses lagons turquoise et de sa biodiversité exceptionnelle est en train de perdre le contrôle d’une industrie touristique qui bafoue les lois, met en péril les espèces protégées et ternit l’image d’une nation censée être un modèle de développement durable. Alors que la législation mauricienne interdit formellement la nage avec les cachalots, cette activité continue d’être proposée en toute impunité par des opérateurs privés. Ces derniers, mus par l’appât du gain et encouragés par l’absence de contrôle réel, vendent ces expériences comme un luxe exclusif à des touristes mal informés ou délibérément inconscients. Dans les faits, cette pratique illégale s’intensifie. Les témoignages d’activités en mer montrent une hausse des interactions non autorisées, notamment dans les zones autour de Tamarin, Flic-en-Flac et Le Morne.

Ce phénomène n’est pas anodin. Il reflète un double échec : celui de l’encadrement réglementaire, et celui, plus grave encore, d’une volonté politique qui semble cruellement absente. Les baleines ne sont pas des figurants pour photos de vacances ou des vedettes de stories Instagram. Ce sont des êtres sensibles, migrateurs, dont le rôle dans la régulation des écosystèmes marins est essentiel. Le fait que ces animaux soient poursuivis, encerclés, voire harcelés pour satisfaire la demande touristique est non seulement écologiquement destructeur, mais constitue également un affront à notre responsabilité collective.

Ce que l’on observe aujourd’hui, c’est une forme d’invasion invisible mais systématique de nos eaux par des opérateurs étrangers, souvent d’origine russe ou chinoise, basés à Maurice. Ces derniers vendent des forfaits touristiques depuis l’étranger, organisent des sorties en mer sans enregistrement fiscal à Maurice, et échappent à toute forme de régulation nationale. Leurs activités ne laissent aucune retombée économique pour le pays, tout en détruisant un patrimoine naturel que nous prétendons vouloir préserver. C’est un paradoxe insoutenable : nos ressources marines sont pillées à ciel ouvert, pendant que nos autorités ferment les yeux.

Le rôle des réseaux sociaux dans cette dynamique est particulièrement préoccupant. Chaque jour, des influenceurs venus du monde entier postent des vidéos virales de leurs interactions illégales avec des cétacés. Ces images glamour, souvent tournées avec des GoPro, occultent totalement la réalité : le stress infligé aux animaux, les perturbations de leurs comportements naturels et les risques encourus par les touristes eux-mêmes. Cette glorification du tourisme irresponsable alimente une spirale toxique où likes et vues comptent plus que la conservation.

Un autre enjeu majeur réside dans l’ignorance – qu’elle soit volontaire ou non – de nombreux touristes face aux réglementations locales. Bien que des vidéos soient diffusées à leur arrivée à l’aéroport pour les sensibiliser à l’illégalité de certaines pratiques, cette initiative reste largement insuffisante. Les activités interdites continuent de se multiplier, preuve que le message ne passe pas efficacement. À ce jour, il n’existe aucun dispositif structuré pour traduire et diffuser ces interdictions dans les langues les plus couramment parlées par les visiteurs, notamment le russe, le mandarin, l’allemand ou encore l’italien.

Le business du tourisme marin

En mer, la pression exercée par l’industrie touristique est massive. Chaque matin, des dizaines de bateaux se ruent vers les zones fréquentées par les dauphins ou les baleines. Il n’est pas rare de voir jusqu’à six bateaux encercler un seul groupe de dauphins. Ces pratiques, en plus d’être moralement discutables, sont en violation directe avec la réglementation mise en place depuis 2012, qui impose des distances minimales et interdit les mises à l’eau sans autorisation. Officiellement, les observations doivent cesser à midi. Dans les faits, elles se poursuivent souvent bien au-delà.

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Les tarifs des sorties en mer varient fortement, mais révèlent un véritable business lucratif. Une excursion partagée pour observer les baleines coûte entre 60 et 150 euros par personne, tandis qu’une sortie privée peut facilement dépasser les 800 euros. L’offre est dense, et très peu d’opérateurs semblent réellement soumis à une régulation fiscale ou environnementale stricte.

L’association #Savetheblu appelle à une série de mesures concrètes et urgentes : renforcer la surveillance maritime avec drones et patrouilles, auditer les opérateurs et licences, sanctionner les influenceurs complices et créer de nouvelles aires marines protégées.

Le ministère du tourisme s’explique

Au niveau du ministère du Tourisme, on explique que les Dolphin and Whale Watching Regulations de 2012, sous la Tourism Authority, interdisent la nage avec les baleines et réglementent la nage avec les dauphins. Par conséquent, le ministère du Tourisme ne cautionne en aucune façon une activité illégale. Le ministère du Tourisme et la Tourism Authority procèdent actuellement à une révision de ces règlements afin notamment de durcir les sanctions et de combler d’éventuelles lacunes. Les nouveaux règlements font l’objet de discussions au niveau des organismes concernés. Le ministère et le gouvernement dans son ensemble suivent ce dossier de près.

Le fait de s’adonner à une activité illégale représente un délit. La promotion d’une activité illégale, donc interdite, tombe aussi sous le coup de la loi. La promotion se fait généralement à l’étranger, en ligne, pour un type de clientèle précis. Les autorités à Maurice, jusqu’ici, ne peuvent sanctionner qu’une fois le délit commis sur notre sol. Il faut aussi savoir que sous la Tourism Authority Act, la désinformation et les campagnes mensongères constituent un délit. Outre l’aspect réputation du pays, se pose aussi la question de sécurité. Il est dangereux de nager et de plonger avec ces cétacés, surtout que cela se passe très loin des côtes. Ce sont la Tourism Authority et la National Coast Guard qui sanctionnent les opérateurs s’adonnant à des activités illégales. Depuis 2022, un total de 90 contraventions ont été servies pour une série de délits.

Sollicité pour une réaction, le ministre de l’Agro-industrie, Arvin Boolell étant actuellement pas à Maurice, une réponse est attendue à son retour.

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