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Sans-abri : L’indifférence tue
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Sans-abri : L’indifférence tue

Cet hiver, le décès de personnes vivant dans la rue a déclenché une prise de conscience et des initiatives louables. Mais des lacunes subsistent encore au niveau des secours d’urgence.
Violences intrafamiliales, séparation, licenciement, les raisons qui poussent les personnes à la rue sont légion et nul n’est à l’abri de se retrouver un jour dans une telle situation. «Ce qui est chagrinant, c’est que les femmes sont encore plus vulnérables car il n’existe pas de foyers pour les accueillir en urgence. J’en ai fait l’amère expérience plusieurs fois en accompagnant des femmes de structure en structure sans trouver un lit ! constate Christiane Pasnin, responsable de La Caze Lespwar, à Solitude, une structure de jour de Caritas. Tous les centres résidentiels ont des critères bien spécifiques : hébergement pour les femmes battues par leur mari, half-way home pour les femmes ex-détenues,centre de réhabilitation pour les femmes alcooliques ou toxicomanes…Mais pour les femmes sans domicile non affectées par ces problèmes spécifiques, il n’y a rien ! C’est ainsi qu’une dizaine de femmes se retrouvent à dormir dans des abribus ou sous des devantures de magasins, rien qu’à Port-Louis. »
D’après Brigitte François, responsable de l’abri de nuit pour hommes de Caritas, à Quatre-Bornes, «il y a davantage de femmes sans-abri dans la région des Plaines-Wilhems qu’à Port-Louis et effectivement,pas de structure pour les loger».Selon Ragini Rungen, coordinatrice de Lacaz A, centre d’accueil de jour situé à Port-Louis, «l’injustice, c’est aussi que les couples soient séparés et que les hommes trouvent une place dans un abri de nuit alors que leurs épouses doivent rester dans la rue !»
Pour les couples en grande difficulté de logement, Caritas dispose seulement de quatre appartements au Relais de L’Espérance, à Pointe-aux-Piments. Cursley Goindoorajoo, responsable de l’abri de nuit de Caritas pour les hommes à Port-Louis, n’encourage pas une organisation non gouvernementale (ONG), à créer une structure résidentielle pour les femmes : «Déjà,c’est très difficile de lever des fonds pour assurer la continuité du service (365jours par an). Ensuite, cela demandera du personnel très qualifié pour veiller sur les femmes et leurs enfants et aussi de lourds aménagements. Ainsi, des chambres individuelles devront être préférées aux dortoirs pour le confort des mères et de leursenfants. Enfin, si un tel centre résidentielpour les femmes ouvrait ses portes demain,une grosse foule se présenterait tant il ya de femmes en grande difficulté dans le pays ! Des femmes en proie à la grande pauvreté et aux problèmes de couple !»
Ragini Rungen, coordinatrice
de Lacaz Lespwar.
Pour couvrir les frais de fonctionnement, resterait au gouvernement à prendre ses responsabilités afin d’ouvrir un abri de nuit pour les femmes. «Nous avons une lueur d’espoir. Les conseillers du ministre de l’Intégration sociale (Xavier-Luc Duval, à cette époque) avaient consulté les ONG pour convertir un bâtiment situé à la routel’Abattoir, à Roche-Bois, raconte Ragini Rungen. Les travailleurs sociaux avaient demandé un abri de nuit pour les femmes etun centre de formation professionnelle… »
Espoir déçu, puisque ce nouvel abri de nuit géré par l’ONG APPEL (Association pour personnes en larmes) sera réservé aux hommes ! Les femmes ne sont pas le seul public à rester à la rue ; les personnes souffrant de pathologies psychiatriques ne trouvent pas non plus leur place dans les abris de nuit. «Il y a deux profils : les personnes que la dureté de la vie dans la rue a rendues schizophrènes, par exemple et les malades que la famille a rejetés à cause de leur pathologie psychiatrique. Malheureusement, les abris de nuit de Caritas ne peuvent accueillir ces personnes faute de personnel qualifié, alors nous les référons à l’hôpital Brown- Séquard.Mais c’est un fait, un centre résidentiel pourles hommes et les femmes souffrant de troubles psychiatriques est une réelle nécessité», insiste Cursley Goindoorajoo, de Caritas.
S’engager au côté des associations
Brigitte François, directrice de l’abri de nuit des Plaines- Wilhems et Cursley Goindoorajoo, responsable de celui de Port-Louis
Chaque citoyen a son rôle à jouer pour venir en aide aux sans-abri :
• Chacun a le devoir de veiller aux personnes sans-abri dans son quartier. Au-delà de la responsabilité morale, la non-assistance à personne en danger est punissable juridiquement. Face à un cas de détresse, il faut alerter d’urgence une des structures suivantes : Abri de nuit de Caritas, tel : 242 9030 ou 464 5469; Groupe A/Lacaz A, tel : 212 7541; APPEL, tel : 448 2526.
• Dons en nature : toute l’année, les ONG collectent des denrées de base (thé, lait, riz, sucre, fromage...) et des produits d’hygiène (savonnettes, détergents ménagers...), il suffit de prendre contact avec les associations pour connaître leurs besoins.
• Dons par virements bancaires : Caritas Ile Maurice, Abri de nuit des Plaines-Wilhems – compte MCB, 000-011520345 ; Caritas Ile Maurice, Abri de nuit de Port-Louis – compte MCB 000-010309489 ; Groupe A/Lacaz A – compte MCB Bell-Village, 130041920 ; APPEL – compte MCB Port-Louis 011761784
Plaidoyer pour un Samusocial itinerant
En France, en Belgique ou encore au Maroc, le Samusocial, service d’aide mobile d’urgence, fonctionne avec une permanence téléphonique 24 h sur 24. Des équipes sillonnent les quartiers à la recherche de sans-abri. Le but est d’établir le contact avec eux, de connaître leurs besoins et leur offrir une écoute, voire un accompagnement, pour les sortir de cette situation.
Certains SDF choisissent volontairement de vivre dans la rue, mais jamais personne ne choisit d’y mourir. C’est une des raisons d’être du Samusocial, un service destiné aux sans-abri qui n’existe pas encore à Maurice.
«Pendant l’hiver en 2005, les membres du Groupe A ont distribué des ‘food packs’ et du café chaud aux sans-abri vivant dans les rues de Port-Louis. Soit une cinquantaine d’hommes et de femmes chaque jour, sesouvient Ragini Rungen,coordinatrice de LacazLespwar. Après cette expérience forte, nous avons eu l’idée de créer Lacaz A. Aujourd’hui, quand je ferme les portes de Lacaz A à18 heures, j’ai le coeur serré en me demandant où ‘mes’ garçons et filles vont dormir la nuit. Nous accueillons une trentaine de bénéficiaires en journée, et une bonne majorité dort dehors. S’il existait aujourd’hui un service mobile offrant des repas et une assistance médicale, il serait bien fréquenté !»
L’ONG APPEL (Association pour personnes en larmes) envisage de lancer un tel service avec une caravane pour sillonner les rues de Port-Louis. «Nous pourrions distribuer des soupes, des vêtements, des couvertures... Et si nous avons assez de financement,nous embaucherons un infirmier. Dispenser dessoins serait une grosse valeur ajoutée à ce projet», fait ressortir Darmen Ellayah, président de l’ONG APPEL.
À la fin du mois, le projet écrit sera envoyé aux entreprises et aux ambassades, avec l’espoir qu’il touche le cœur des sponsors. «L’État devrait aussi investir dans ce projet qui concerne la santé publique, fait remarquer Ragini Rungen. Des maladies telles que la tuberculose affectent les SDF.Et demain, nous pouvons tous être affectés par ce mal.Idem pour les hépatites très contagieuses. »
Darmen Ellayah : «L’Arche ouvriraavant la fin de l’année»
Annoncé par Xavier-Luc Duval alors ministre de l’Intégration sociale, le projet d’abri de nuit pour les sans domicile fixe (SDF), route de l’Abattoir à Roche-Bois, devrait enfin se concrétiser !
Grâce à un partenariat entre la National Empowerment Foundation (NEF) et l’Association pour personnes en larmes (APPEL), «L’Archepour les sans-abri ouvrira ses portes avant la fin de l’année»,annonce Darmen Ellayah, le président d’APPEL. «La NEFf inancera les rénovations, les travaux d’aménagement et l’ameublement», ajoute-t-il. Reste à la charge de l’organisation non gouvernementale (ONG) APPEL une part importante, à savoir les frais de fonctionnement.
À ce propos, l’association compte solliciter les entreprises pour bénéficier de contributions de la CorporateSocial Responsibility (CSR). «Nous prévoyons d’embaucher six travailleurs sociaux pour ce centre, qui sera à la fois une résidence confortable et un établissement axé sur la réinsertion sociale des SDF », précise Darmen Ellayah. « Nous accueillerons en priorité les sans-abri qui veulent entreprendre un travail sur eux-mêmes sur le long terme. Nous tenterons aussi de renouer les liens avec leur famille. Et en fonction des besoins, nous collaborerons avec d’autres ONG spécialisées dans la réhabilitation des personnes dépendantes de l’alcool ou de la drogue».
Darmen Ellayah lance un appel aux psychologues et médecins qui souhaiteraient s’engager au côté des bénéficiaires de L’Arche, de manière volontaire. Seul bémol : L’Arche sera réservée aux hommes majeurs, comme les deux abris de nuit existants (gérés par Caritas). Les femmes sans domicile devront donc encore patienter... dans la rue et le froid.
*Tel : 448 2526
Retrouvez l'actualité sociale sur www.ACTogether.mu
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