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Réseau ANFEN : Une mission pédagogique et thérapeutique

5 août 2012, 20:00

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Réseau ANFEN : Une mission pédagogique et thérapeutique

Ne pas considérer seulement les élèves comme des « carnets de notes », mais bien être à l''''écoute de la souffrance et des besoins de chaque adolescent en échec scolaire, c''est la mission des vingt centres d’éducation alternative affiliés à ANFEN (Adolescent Non Formal Education Network).

Privilégier l''intelligence multiple

Dans la cour de la paroisse de Fatima à Triolet, 142 enfants de 12 à 17 ans poursuivent leur scolarité dans un centre du réseau ANFEN. Baptisé "Ecole d''alphabétisation de Fatima", ce centre de formation existe depuis 22 ans. "Nous avons toujours eu la même vocation : enseigner aux jeunes les bases académiques non acquises à l''école primaire, mais pas seulement cela. Nous visons leur épanouissement en développant leurs talents pour qu''ils reprennent confiance en eux et trouvent leur chemin dans une société qui soit pour eux promesse d''avenir", précise Janine Grant, présidente de l''association et enseignante de profession.

A la rentrée, chaque enfant passe une évaluation et en fonction de son niveau (et pas de son âge), il est orienté vers une classe. « Ce qui évite frustration ou découragement. Et un enfant ne reste pas forcément toute une année scolaire dans une classe. S''il a la capacité, il passe automatiquement dans le niveau supérieur », explique  Tristan Médard, le directeur de l''Ecole de Fatima.

Les deux premiers niveaux sont consacrés à l''alphabétisation et les trois suivants sont axés sur la préparation au CPE, mais cette épreuve n''est pas une « fin en soi ». En plus des cours académiques, les enfants bénéficient d''activités pédagogiques et ludiques : natation, football, créativité, musique, danse, chant... « Dans leur milieu familial d''origine, ils n''ont malheureusement pas accès à ces activités. Nous souhaitons donc développer les capacités de réflexion des élèves, tout en élargissant leur ouverture d''esprit et leur culture générale. Nous privilégions donc l’intelligence multiple, pas seulement les apprentissages purement académiques », insiste Tristan Médard.

L''an passé, 9 des 16 candidats présentés à l’examen du CPE l’ont obtenu. Mais tous n''ont pas souhaité poursuivre leurs études au collège. Pour les élèves titulaires du CPE ou ayant un niveau équivalent, l''association a ouvert en 2000 une section "Préparation à la vie professionnelle".

Cette année, 28 élèves de 15 à 17 ans s''initient à la coiffure, à l''esthétique, à la vannerie, à la broderie, à la mosaïque, à la fleuristerie et à la cuisine. Ce cursus de 2 ans comprend également des cours d''informatique et de langues étrangères dispensés par des enseignants volontaires (dont un groupe d''expatriées anglophones et une Cubaine qui enseigne l''espagnol).

Ce cycle de Préparation à la vie professionnelle se termine par un stage d''un mois, avec parfois un emploi à la clé pour les plus chanceux. L''association sponsorise également certains élèves, qui souhaitent des formations plus poussées.

"Par exemple, une jeune fille a suivi une année de cours de perfectionnement en esthétique et aujourd''hui, elle travaille dans un spa réputé », annonce fièrement Janine Grant, « et plusieurs de nos anciens élèves ont gravi les échelons dans l''hôtellerie ».

Autant que possible, l''école essaie de garder contact avec ses anciens élèves, « mais ce n''est pas toujours possible, faute de ressource humaine », regrette Janine Grant. « Et comment évaluer concrètement dans quelle mesure notre école a influencé la vie de ces jeunes ? Ce qu''on donne aux enfants n''est pas forcément mesurable, mais c''est bien plus que des compétences académiques nous les aidons à s''exprimer, à s''autodiscipliner, nous leur enseignons des valeurs civiques... Et nous insistons beaucoup sur le refus de l''assistanat. Même les personnes pauvres doivent faire un effort, contribuer pour leur scolarité par exemple (rs. 100 par mois), aider les personnes encore plus démunies qu''elles, en participant aux collectes organisées par l''école..."

Cette "école de la vie" donne aux enfants les repères que leurs parents n''ont pas eu l''opportunité de leur transmettre, à cause de leurs difficultés socio- économiques. Les parents ne sont pas les seuls en cause, l''école publique a aussi failli à intégrer ces enfants. Et ils sont malheureusement de plus en plus nombreux à se présenter aux portes des écoles alternatives. Pour 142 adolescents scolarisés cette année, l''Ecole d''alphabétisation de Fatima en a refusé une soixantaine !

Pour lutter contre les inégalités sociales qui se cristallisent dès le plus jeune âge, l''Ecole de Fatima a choisi d''ouvrir une école pré-primaire à la Cité Mère Theresa pour 25 enfants. L''avenir des centres ANFEN se situent sans doute dans cette direction : prévenir l''échec scolaire, plutôt que de tenter d''y remédier.

• Association d’alphabétisation de Fatima tel : 261.3032


Focus sur la pédagogie inclusive

La pédagogie développée par ANFEN repose sur un syllabus mis au point en 2003 par Irlande Alfred. Cette professionnelle mauricienne, établie en Australie, défend la pédagogie inclusive, qui met l’enfant au centre de son apprentissage. Les thèmes sont choisis en fonction du vécu du jeune, de ce qu’il connait, de ce qui le passionne… Par exemple, les Jeux Olympiques peuvent être un prétexte pour apprendre à dessiner les drapeaux, à localiser les pays, à écrire leur nom…

La pédagogie inclusive vise d’abord à lever le blocage psychologique à l’apprentissage, dont souffre l’enfant. Pour cette raison notamment, cette méthode ne s’appuie pas sur des livres de cours, mais imagine des ateliers créatifs, des sorties… qui sont autant d’opportunités de découvrir l’environnement, les métiers, les services publics…


L’objectif, pas forcément repasser le CPE, mais forger des citoyens responsables, ayant acquis des compétences de base (lecture, écriture, calcul) mais aussi des valeurs et une aisance dans la vie en société.


Vers un diplôme reconnu par l’Etat

Jusqu’à présent, les élèves clôturaient leur scolarité dans un centre ANFEN avec l’obtention d’une attestation. Une attestation, qui n’avait pas de valeur reconnue par l’Etat. Les jeunes se retrouvaient donc bloqués s’ils désiraient poursuivre leurs études ou postuler à un emploi de fonctionnaire, par exemple. Le réseau ANFEN est en cours de négociation avec le MITD, afin que les élèves puissent se présenter aux épreuves du « Adult Literacy National Certificate 1 ».

« Cet examen national sera proposé dans 6 centres ANFEN en 2013, sur une base pilote. Cette épreuve est intéressante car elle valide des compétences très fonctionnelles, utiles dans la vie quotidienne et dans une entreprise.  Grâce à ce certificat reconnu, les portes du MITD s’ouvriront aux jeunes, qui souhaitent poursuivre des formations. C’est une grande avancée ! », s’enthousiasme Bernard d’Argent, coordinateur du réseau ANFEN.


Collaborer pour prévenir l’échec scolaire

« L’objectif final du réseau ANFEN, c’est de cesser d’exister », confie Bernard d’Argent, coordinateur du réseau ANFEN. Cette ambition sincère peut surprendre, mais s’explique par des arguments rationnels.

D’après Bernard d’Argent, « aujourd’hui, beaucoup d’argent est dépensé pour la réhabilitation des jeunes, pour la lutte contre la délinquance aussi… Or, s’il y avait eu un travail en amont pour réduire l’échec scolaire, il y aurait moins de fléaux et de violence dans la société aujourd’hui ». Comme l’écrivait si bien Victor Hugo, «  ouvrir une école, c’est fermer une prison ».

Le réseau ANFEN est donc prêt à collaborer avec le Ministère de l’Education et tous les partenaires qui souhaiteraient partager leurs expériences en matière de prévention de l’échec scolaire. « Il est urgent de mettre de l’argent dans la recherche, et pas seulement dans la réhabilitation », insiste Bernard d’Argent, « derrière l’échec d’un enfant au CPE, il y a un échec social qui est bien plus grave que l’échec académique ! Pour un analphabète, la vie est extrêmement difficile et cette situation conduit à une privation de liberté et donc à beaucoup de frustration ».

Suivre toute l''actualité sociale sur www.ACTogether.mu.

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