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Réinsertion : Le Groupe Élan soutient les mineurs détenus

22 janvier 2014, 20:00

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Réinsertion : Le Groupe Élan soutient les mineurs détenus

Issus de familles brisées, les enfants et adolescents admis au «Rehabilitation Youth Centre» et au «Correctional Youth Centre» méritent une attention particulière pour prévenir la récidive.

 

Comme une fenêtre sur l’extérieur, les séances animées chaque samedi par Lilette Edmond, travailleuse sociale du Groupe Elan, sont très attendues par les 36 jeunes filles du RehabilitationYouth Centre (RYC) de Beau-Bassin. Elles réclament même sa présence les samedis qui sont fériés !

 

«Je dois avouer que les trois premiers mois étaient très très difficiles au niveau de la discipline, mais les filles ont réussi à établir un règlement par elles-mêmes. Aujourd’hui, elles nettoient la salle avant notre arrivée et elles viennent bien coiffées, avec des savates ; avant c’était pieds nus», confie Lilette Edmond.

 

Avec une équipe de volontaires, Lilette Edmond mène différentes activités : peinture sur tissu, théâtre, slam, danse, projections de films suivies de débats... en collaboration avec les officiers de l’institution et les Welfare Officers.

 

«Toutes les activités sont conçues avec une visée éducative : la restauration de l’estime de soi, l’autodiscipline, les valeurs humaines, le ‘bien-vivre’ en communauté et dans la société… Nous insistons aussi sur l’éducation sexuelle et la prévention des conduites àrisque, car certaines jeunes filles ont déjà touché aux ‘substances’», souligneLilette Edmond, avantd’ajouter, «Je leur explique également les valeurs que doit incarner un parent, vu que ces jeunes filles ont vraisemblablement manqué d’encadrement familial pour se retrouver au RYC et qu’elles seront, dans quelques années, mamans à leur tour.»

 

L’an passé, ces séances du Groupe Elan ont bénéficié d’un financement du ministère de l’Égalité du genre, de la solidarité nationale, de la protection des enfants et du bien-être de la famille. Aujourd’hui, c’est la Barclays qui a pris le relais sous forme de contributions Corporate SocialResponsibility. La MCB Forward Foundation s’est également engagée à sponsoriser les services d’un psychologue et d’un counsellor, qui interviendront notamment dans les trois institutions de Beau-Bassin : le RYC Girls et le RYC Boys ainsi que le Correctional Youth Centre Boys.

 

«Le psychologue sera d’un grand soutien. Parfois, les enfants qui se retrouvent détenus dans ces institutions sont aussi des victimes d’abus au sens large : ils ne peuvent pas aller à l’école car ils doivent veiller sur leurs frères et soeurs ; ils sont victimes d’abus sexuels ou de réseaux de prostitution ; ils sont utilisés pour vendre de la drogue ou de l’alcool…»,regrette Lilette Edmond.

 

Pour que les enfants connaissent leurs droits et les procédures de recours légaux, Lilette Edmond anime par ailleurs des ateliers à partir de la bande dessinée Tanya so zistwar. Il s’agit d’un livre édité par le bureau du directeur des Poursuites publiques, en collaboration avec l’ambassade des États-Unis.


Club Scouts de l’Amitié

 

Au «Correctional Youth Centre Boys» de Beau-Bassin, une trentaine de détenus de 16 à 18 ans participent chaque mardi au Club Scouts de l’Amitié, fondé par feu Lindsay Aza. Ce temps animé par des volontaires du Groupe Elan vient aborder les valeurs morales, la spiritualité, l’éducation à la citoyenneté, la vie en société et ses tentations… Mais le Groupe Elan manque d’effectifs pour étendre le projet aux enfants âgés de dix à 16 ans admis au «Rehabilitation Youth Centre Boys», et aussi de financement pour ce projet (dédommagement des frais de transport, achat de matériel pédagogique…).


Des retrouvailles, 15 ans après…

 

(De g. à dr.) Yani Gaiqui Lamarque, responsable administrative, Eileen Marie, présidente et Lilette Edmond, travailleuse sociale du Groupe Elan.

 

Dès l’âge de dix ans, des enfants se retrouvent admis au «Rehabilitation Youth Centre» (RYC). Pour éviter qu’ils n’y grandissent jusqu’à leur majorité et restent emprisonnés au-delà de la durée de leur peine, Eileen Marie, présidente du Groupe Elan se démène afin de retrouver leurs parents biologiques. Depuis dix ans, à titre volontaire, elle n’hésite pas à voyager par autobus dans toute l’île pour aller à la rencontre des familles, des magistrats et des «Probation Officers».

 

Certaines filles ont été abandonnées à l’hôpital à leur naissance ou à la crèche de Quatre-Bornes. Elles grandissent donc dans différentes institutions. «Au moindre délit, elles sont expédiées au RYC, constate Eileen Marie. Je trouve cela malheureux que les éducateurs des ‘shelters’ n’arrivent pas à mieux gérer les crises d’adolescence. Forcément, des enfants qui n’ont pas connu leurs parents vont se révolter, mais les placer au RYC n’est pas la bonne solution. Et quand ces adolescents pourraient en sortir, aucune autre institution ou organisation non gouvernementale (ONG) n’acceptent de les héberger à cause de la mauvaise influence qu’ils pourraient avoir sur les autres résidents.»

 

Seule solution donc, retrouver leurs parents biologiques. À chacune de ses visites au RYC, la présidente du Groupe Elan est ainsi très sollicitée par les résidentes.«Tous les enfants grandissent avec l’espoir de retrouver leur famille ; cet ancrage est indispensable. Les pères sont souvent inconnus, alors je me concentre sur la recherche de la maman biologique. Quand je parviens à la retrouver, si la dame accepte de voir son enfant, je fais le pont ; je dois les préparer l’une et l’autre aux retrouvailles. Ce n’est pas évident, par exemple quand une mère a abandonné un bébé et qu’elle doit faire face à une adolescente ! Du côté de l’enfant, on doit travailler sur ses sentiments de colère, sa révolte face à l’abandon dont il a été victime. Ensuite, des visites régulières de la maman au RYC sont organisées, puis une sortie le temps d’un week-end. Souvent, la maman est issue d’un milieu très défavorisé et l’ado va devoir s’adapter afin de retourner vivre dans une famille où elle sera moins bien lotie qu’au ‘shelter’ où elle a grandi. J’ai connu une jeune fille qui devait dormir par terre, mais cela ne la dérangeait pas, elle préférait être auprès de sa maman.»

 

Dix à 12 retrouvailles par an ont ainsi eu lieu. De bien jolies histoires autour desquelles le Groupe Elan ne fait pas de publicité. À l’image d’Eileen Marie, son équipe opère plutôt dans la discrétion.


Projet agricole subventionné par l’Union européenne

 

La Fondation Médine Horizon a offert au Groupe Elan un vrai coin de paradis : cinq arpents de terrain à flanc de colline à Chebel, avec vue sur la mer. Un cadre de travail idéal, où œuvreront neuf ex-détenus au sein d’un jardin de réhabilitation. Ce projet qui était cher au fondateur d’Elan, feu Lindsay Aza, a bénéficié récemment d’une subvention de Rs 3,9 millions de l’Union européenne (UE) à travers le «Decentralised Cooperation Programme». De quoi le remettre sur les rails, alors qu’il avait été lancé en

2008 mais freiné à l’époque par manque de partenaires. «Aujourd’hui encore, nous sommes à la recherche de sponsors. Nous avons besoin de trouver Rs 530 000 du secteur privé sous forme de contributions CSR «Corporate Social Responsibility», afin que l’UE débourse son aide», fait ressortir Yani Gaiqui Lamarque, responsable administrative du Groupe Elan.

 

Un tremplin

 

«Airports of Mauritius» a déjà financé en 2012 le système d’irrigation. Cette année, le ministère de l’Agro-industrie prendra à sa charge le nettoyage du terrain et l’installation de la clôture. Puis, l’«Agricultural Research and Extension Unit» donnera une formation en agriculture et en élevage aux neuf hommes et femmes sélectionnés pour bénéficier de ce projet, dans un premier temps. «Nous travaillerons en étroite collaboration avec les prisons de Richelieu, Petit-Verger et Beau-Bassin en vue d’identifier les détenus qui intégreront la ferme à leur sortie de prison», explique Yani Gaiqui Lamarque.

 

Le Groupe Elan suivra l’évolution de chaque bénéficiaire avec des visites à domicile visant à évaluer sa réadaptation à son environnement familial et l’encourager dans sa recherche d’emploi.«Le jardin doit être un tremplin vers un autre job. Après huit mois, nous comptons intégrer neuf nouvelles personnes au jardin. Cela peut sembler peu mais pour faire un travail de réinsertion efficace, il faut concentrer ses efforts», insiste Yani Gaiqui Lamarque.


Témoignage

 

Kerwin : «Je suis fier qu’on me fasse confiance»

 

Pas de réinsertion sociale possible sans travail. Pourtant, rares sont les employeurs à faire confiance aux candidats qui sortent de prison. Seule alternative pour eux, créer un petit business. En 2013, le Groupe Elan a reçu Rs 400 000 du «Decentralised Cooperation Programme» pour soutenir 24 ex-détenus (18 hommes et six femmes). Cette aide en nature consistait par exemple à donner un tricycle équipé pour la vente d’aliments. Kerwin, lui, a suivi une formation de l’«Agricultural Research and Extension Unit» et a été sélectionné pour lancer un micro-élevage de poules.

 

Cet habitant de Sainte-Croix témoigne : «J’étais fi er qu’on me fasse confiance à l’issue de la formation. J’aurais pu prendre les poules et les vendre… Mais je suis sérieux. Au départ, j’ai reçu 12 poules avec leur cage et de la nourriture pour six mois. Moralement, avoir cette responsabilité m’a aidé, car je suis sous méthadone et m’occuper des poules me change les idées. Aujourd’hui, je suis plus stable dans ma vie de famille et je suis heureux d’avoir trouvé ma vocation avec cette activité. C’est sûr, je vais agrandir ce business et comme je suis sorti de la drogue, mes proches vont m’aider financièrement. Avant, dès que j’avais du cash en poche, il y avait un risque…»

 

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