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Patrick Boulonne : Pour un service d’addictologie dans chaque hospital
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Patrick Boulonne : Pour un service d’addictologie dans chaque hospital

Patrick Boulonne, Docteur en Alcoologie etToxicomanie, Psychologue et directeur de l’association Etoile d’Espérance, centre de réhabilitation pour les femmes alcooliques.
 
¦ Comment évolue l’alcoolisme à Maurice ? Assiste-on à un rajeunissement et à une féminisation comme c’est le cas pour la consommation de drogue ?
De mon regard, cela a toujours été connu qu’il y a un taux d’alcoolisme important pour les hommes comme pour les femmes, sauf que l’alcoolisme féminin est très caché et il n’y a pas de statistiques sur cette consommation à domicile. Depuis un an, tant les ONG que les services hospitaliers constatent une plus grande demande de soins. Concernant le rajeunissement, on peut dire que notre association touche des femmes âgées de 20 à 50 ans. Même si elles se font soigner tard, elles avouent qu’elles consomment de l’alcool depuis plusieurs dizaines d’années et depuis la fin de l’adolescence. Souvent ce sont leurs enfants devenus adultes qui encouragent leur maman à se faire soigner. Je crois qu’à force de sensibilisation, le public comprend mieux que l’alcoolisme est d’abord une maladie. Ce qui est déjà un grand pas !
¦ Comme pour les jeunes toxicomanes, il manque une structure d’accueil pour les enfants et adolescents alcooliques ?
A l’Etoile d’Espérance, nous pouvons accueillir des jeunes filles mineures avec l’accord écrit des parents. Mais un service pédiatrique appliquant une thérapie adaptée aux adolescents serait la meilleure alternative. Souvent pour les mineurs, la consommation d’alcool est liée à la toxicomanie, à des problèmes psychologiques et peut entraîner des abus sexuels… Ces problématiques relèveraient davantage de l’expertise d’une équipe médicale que d’une ONG.
¦ Quelles sont les causes de l’alcoolisme féminin ?
Elles sont multiples : des déceptions dans la vie de couple, la violence conjugale, un viol, une histoire familiale marquée par l’alcoolisme, des difficultés personnelles ou relationnelles, des ennuis au travail, une homosexualité contrariée ou refoulée…
¦ Comment se passe la désintoxication ?
Avant d’entrée à l’Etoile d’Espérance, les femmes doivent obligatoirement passer entre 3 jours et une semaine à l’hôpital pour des examens et un traitement médicamenteux pour atténuer l’effet de manque, c’est ce qu’on appelle «la cure». Le problème, c’est que les personnes ont souvent peur d’aller à l’hôpital et que tous les hôpitaux ne proposent pas cette cure, c’est seulement le cas de l’hôpital Brown Sequard à Beau-Bassin, du SSR Hospital de Pamplemousses et de Jeetoo à Port-Louis. Il serait primordial que chaque hôpital se dote d’un service d’addictologie. Et surtout que ce service soit séparé de la psychiatrie. C’est le cas pour les hommes quand il existe, mais pas pour les femmes, ce qui est discriminatoire !
¦ La Réunion a fait de l’alcoolisation foetale la priorité de l’océan Indien est-ce que cette cause est bien relayée à Maurice ? Combien d’enfants sont concernés ?
Nous travaillons en réseau avec des partenaires à La Réunion sur cette question, mais il n’y a pas assez de sensibilisation à Maurice. Par exemple, en France un logo déconseillant fortement la consommation d’alcool pour les femmes enceintes est apposé sur toutes les bouteilles de boissons alcoolisées. A Maurice, un engagement des industriels serait un bon signe et cela ne nuirait pas à leur image, au contraire… Aujourd’hui, il n’y a pas non plus d’étude sur le syndrome de l’alcoolisation foetale (SAF) à Maurice, mais les conséquences sont prouvées, au niveau international, avec des retards potentiels de développement de l’enfant, un risque accru de trisomie 21… Dépister l’enfant tôt permettrait de traiter son handicap avec une prise en charge individualisé : orthophoniste, cours particuliers… Je souhaite qu’une étude sur le SAF puisse se mettre en marche rapidement à Maurice, on en entend parler d’ailleurs…
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