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Nathalie Rose : «La prison ne guérit pas de la dépendance !»
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Nathalie Rose : «La prison ne guérit pas de la dépendance !»

La campagne «Support, don’t punish !», coordonnée par Nathalie Rose du groupe Collectif Urgence Toxida aura pour but de promouvoir des débats sur la politique de drogue et ce dans une dizaine de pays. Elle sera lancée mercredi prochain, 26 juin lors de la Journée mondiale contre l’abus et le trafic de drogue.
C’est symbolique de lancer la campagne «Support, don’t punish !» le 26 juin, lors de la Journée mondiale contre l’abus et le trafic de drogue ?
Oui, habituellement les États utilisent cette journée pour faire le bilan des dernières saisies et des mesures punitives, voire pour organiser des exécutions publiques, comme c’est le cas en Iran, où les délits liés à la drogue sont passibles de la peine capitale. Mais ce jour-là, c’est assez rare que l’on parle vraiment des dommages collatéraux des politiques antidrogues, notamment en matière de santé publique. L’International Drug Policy Consortium, réseau d’Organisations non gouvernementales et de professionnels (réunis pour promouvoir un débat sur la politique de drogue) a donc décidé de lancer cette année la campagne «Support, don’t punish !» dans une dizaine de pays. Le Collectif Urgence Toxida (CUT), Leadership and Empowerment for Action and Development, Prévention Information et Lutte contre le Sida et Aides, Info, Liberté, Espoir et Solidarité ont accepté d’y participer et organiseront, entre autres, une action symbolique le 26 juin.
Pour vous, les politiques antidrogues n’atteignent pas leur objectif, soit la baisse de la consommation ?
Effectivement, depuis 1961 et la Single Convention on Narcotic Drugs, le traité des Nations unies interdisant la production et la vente de drogue, la consommation n’a cessé d’augmenter et les variétés de se multiplier. Rien qu’en Europe l’an passé, 73 nouvelles drogues de synthèse ont fait leur apparition ! Aussi, la guerre antidrogue au niveau mondial a coïncidé avec l’augmentation du VIH et de l’hépatite C parmi les consommateurs. C’est ce que démontrent les rapports publiés par The Global Commission on Drugs présidée par Kofi Annan, ancien secrétaire général des Nations unies. Criminaliser l’utilisation de drogue n’est donc pas une solution ; la prison ne va pas guérir de la dépendance !
Vous êtes donc contre l’emprisonnement des toxicomanes ?
Un utilisateur de drogue qui fait de la prison accroît sa vulnérabilité. Par exemple, un consommateur de cannabis est confronté aux drogues injectables en prison et peut changer ses habitudes. Et je souligne que le programme d’échange de seringues n’est pas mis en place en prison ; or les détenus fabriquent des seringues avec des stylos à bille, par exemple, et se les partagent. De même, ils n’ont pas accès aux préservatifs. Ils peuvent donc être contaminés par le VIH en prison. À leur sortie, ils éprouvent également de gros problèmes de réinsertion, notamment parce que leur casier judiciaire n’est pas vierge. Il serait temps que le contribuable se demande combien la politique antidrogue coûte et avec quels résultats sur la communauté au final.
L’obligation de soins pourrait être une alternative à l’emprisonnement ?
Oui, cela pourrait être une solution pour quelqu’un qui souffre de dépendance. Mais les consommateurs occasionnels, par exemple, ne sont pas dépendants, donc c’est discutable… Concernant la dépénalisation, nous ne revendiquons pas un modèle, mais nous voulons engager un débat en analysant les effets des lois prohibant les drogues : quel impact ont-elles sur l’évolution de l’utilisation de drogue, sur la santé des usagers, leur sécurité, leur réinsertion ?
Quels sont les modèles à l’étranger qui ont fait leurs preuves ?
L’exemple le plus connu c’est le Portugal, qui a décriminalisé la possession de toutes les drogues en 2001.
Un consommateur interpellé par la police passe devant un comité qui lui explique les risques par rapport à sa santé et les possibilités de soins. Au Portugal, l’argent qui était dépensé dans les procédures légales et la détention est aujourd’hui investi dans des campagnes massives de prévention et de sensibilisation axées sur les précautions à prendre en cas de consommation.
Les résultats sont là : le nombre d’héroïnomanes a chuté, ainsi que le nombre d’overdoses et de contaminations au VIH parmi les usagers de drogues par voie intraveineuse !
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