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Logement social : Les clés de la réussite
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Logement social : Les clés de la réussite

Le Pont du Tamarinier et La Fraternité de Grand-Baie ont développé des modèles de logements sociaux et d’accompagnement des familles. Avec l’espoir que leur expérience soit utile aux futurs projets. Focus sur les points forts de leurs méthodes et leurs difficultés.
 
? L’accompagnement en amont du relogement
Modèle en matière de relogement social, l’association Le Pont du Tamarinier a offert de meilleures conditions de vie à 48 familles en créant deux nouveaux quartiers à Rivière-Noire : le Bougainvillier et le Tamarinier. «Anièle Ducray et Sophie d’Hotman, les fondatrices de l’association défendaient l’idée d’un toit pour tous et elles étaient convaincues que l’accompagnement des familles devait se faire avant même la construction des maisons», explique Sylvie Gravil, la coordinatrice du Pont du Tamarinier. Le temps que les démarches administratives et financières aboutissent, la prise en charge des familles en amont s’estdonc faite sur 5 ans.
«Nous les avons préparées à leurs futures responsabilités de propriétaire. Par exemple, entretenir une maison, ce n’est pas comme avoir une case en tôle. Squatter un terrain, ce n’est pas non plus comme habiter dans un vrai quartier. Lors des
visites à domicile et des formations, nous avons beaucoup insisté sur l’importance de respecter les règles et de se comporter de façon civique. L’association a contribué à construire une bonne entente et que chacun se sente partie prenante du projet», explique Sylvie Gravil. Même démarche pour l’association La Fraternité de Grand-Baie. Cette association a identifié 38 familles à la Cité La Mare, qui vivaient sur un terrain marécageux et inondable.
«Comme nous avons mis 10 ans à voir aboutir notre projet de construction de maisons, nous avons eu le temps nécessaire pour travailler avec les familles : alphabétisation, cours sur la santé et l’hygiène, sur la tenue d’un budget... Finalement cette attente n’a pas été du temps perdu», observe Paul Narrainen, président de la Fraternité de Grand-Baie.
Après plusieurs années de négociation, La Fraternité de Grand-Baie a obtenu un terrain à bail du gouvernement pour chaque famille. Avec l’aide de la National Empowerment Foundation, vingt familles de Cité la Mare ont pu bénéfi cier, par la suite, d’un logement social à Sottise. Les dix-huit autres familles ne voyant pas la maison sortir de terre rapidement, et refusant les intérêts liés au prêt, ont préféré bâtir elles-mêmes.
Un an et demi après la livraison des logements, le quartier a un drôle de look avec des constructions hétéroclites : les vingt maisons jaunes de la NHDC cohabitent avec des seulement entamées et même une case en tôle !
Et une visite dans la cité d’origine surprend encore plus : d’autres squatters se sont réinstallés à Cité La Mare à la place des familles relogées à Sottise. Comme si la précarité était un fléau qui tournait en rond…
? Reloger les familles sans les déplacer
«Même pour les déplacer à 10 minutes en bus de leur case d’origine, nous avons dû argumenter. Ces personnes ne voulaient pas perdre leurs petits boulots ou leur business, en déménageant. Par exemple, nous avons 6 pêcheurs, qui auraient refusé d’être relogés loin de la côte», raconte Sylvie Gravil. Heureusement Le Pont du Tamarinier a reçu en don d’un particulier deux terrains situés à Rivière Noire et toutes les familles ont finalement accepté de déménager. Quant-aux familles prises en charge par la Fraternité de Grand-Baie, elles ont emménagé sans difficulté à Sottise, à deux kilomètres de leur cité d’origine.
? Réfléchir stratégiquement à la taille du logement
Difficile de trouver une taille de logement social idéal, qui convienne à la fois aux familles et à leur budget. «Certains foyers comptent 10 personnes sous le même toit. Au départ, nous avions opté pour trois types de maisons (29, 35 et 40 m2). Nous avons vite compris que nous avions vu trop petit. 40 m2 c’est bien pour un couple de retraités... », observe Sylvie Gravil du Pont du Tamarinier.
Cependant, cette association est considérée comme un exemple, car la majorité des familles arrivent à rembourser leur prêt et 50 % d’entre elles ont agrandi leur maison. «Comme nous sommes une association, nous n’avons aucun pouvoir de pression sur les familles, qui ont refusé de suivre le plan d’agrandissement de départ Or, elles se retrouvent aujourd’hui avec des problèmes de fausse septique, par exemple», constate Sylvie Gravil.
A Sottise, la Fraternité de Grand Baie n’a pas voulu faire de différence entre les familles qui ont un enfant ou 7. «Pour ne pas créer de jalousie, nous leur avons fait construire le même logement de 49 m2. C’est vrai qu’avec le recul, nous aurions dû construire des maisons plus spacieuses, mais comment auraient-elles alors pu les rembourser ?», s’interroge Paul Narrainen.
? Fixer le remboursement en fonction des revenus
Au Pont du Tamarinier, la politique était d’aider certaines familles à rembourser leur prêt. «Les familles repayent chaque mois entre Rs. 500 et Rs. 750, selon la taille de leur maison. Les adultes vivant d’emploi précaire (pêcheur, jardinier, femme de ménage), ils ont donc des revenus fluctuants d’un mois sur l’autre… L’association au cas par cas peut prendre en charge une partie du remboursement. Mais 42 familles sur 48 arrivent à gérer leur budget et rembourser leur prêt seules», souligne Sylvie Gravil avec satisfaction.
Paul Narrainen de la Fraternité de Grand-Baie refuse absolument l’assistanat : «Notre association aide les gens à trouver un emploi si nécessaire, mais ne contribue pas pour leur remboursement. Pendant les 10 ans d’accompagnement préalable à la construction, nous avons appris aux familles à épargner. Et en un an, une famille a même réussi à rembourser la totalité du prêt qui s’élevait à Rs 376,000 !». L’état ayant offert une contribution de Rs.48,000 par maison.
D’autres bénéficiaires sont en train de prendre conscience que plus elles rembourseront vite à la Mauritius Housing, moins elles auront à payer. Par exemple, si une famille arrive à rembourser la totalité du prêt en moins de 3 ans, elle ne paie pas d’intérêt du tout. Par contre, si elle rembourse sur 26 ans et demi, la maison lui revient au total à Rs 984,000.
Selon Paul Narrainen, «le problème de la Mauritius Housing est qu’elle garde confidentielles les informations concernant les défauts de paiement or si nous savions quelles familles peinent à rembourser, l’association pourrait les conseiller au lieu d’attendre qu’elles se surendettent de manière irréversible ! J’ai aussi tenté de convaincre la Mauritius Housing qu’il fallait un taux d’intérêt fixe pour les familles pauvres, sans succès», regrette Paul Narrainen.
Au Pont du Tamarinier, Sylvie Gravil fait remarquer que la NHDC laisse les familles s’endetter sans faire un suivi régulier du prêt : «La NHDC laisse filer les retards de paiement en pensant sans doute qu’il s’agit d’une petite somme. Mais une famille qui gagne Rs 5000 tombe vite dans la spirale du surendettement. »
Pour leurs futurs projets de construction, les deux ONG souhaitent appliquer un remboursement croissant : Rs 500 les 5 premières années, Rs. 800 les 5 suivantes… «Ce sera un challenge pour les familles de rembourser une somme toujours plus grosse, mais nous avions confiance qu’elles sauraient gérer leur budget, voire réduire leurs dépenses si elles ne gagnent pas plus au fi l du temps», précise Sylvie Gravil.
? L’utilité du planning familial
Les familles nombreuses sont encore légion. Pour elles, les maisons de 40 m2 ne suffi sent pas et peuvent contribuer aux problèmes engendrés par la promiscuité : disputes conjugales, inceste… «Il est utopique de penser que les jeunes couples vont planifier le nombre d’enfants qu’ils souhaitent. Nous sommes confrontés aussi à des adolescentes qui deviennent mamans et qui restent chez leurs parents avec leur conjoint... Nous parlons bien de contraception, mais comme le bureau du planning familial le plus proche de Rivière-Noire est à Rose-Hill, les femmes ont du mal à passer de la théorie à la pratique», constate Sylvie Gravil avec lucidité. Même constat au village de Sottise : «en matière de planning familial, nos conseils ne sont pas entendus», soupire Paul-Narrainen.
? Prendre globalement les familles en charge
Apprendre à un adulte à lire, référer une personne alcoolique à une ONG spécialisée, suivre les résultats scolaires des enfants, organiser des loisirs dans le quartier, aider un chômeur à trouver un emploi... autant de missions faisant partie intégrante du travail quotidien de Sylvie Gravil, coordinatrice à temps plein au Pont du Tamarinier. «Obtenir un logement social, c’est le début d’une démarche d’autonomisation, mais pas une fi n en soi. Nous motivons les familles à voir plus haut mais tout le monde n’avance pas au même rythme. Et il y a des disparités professionnelles, financières, intellectuelles entre nos bénéficiaires. Mais nous commençons à voir émerger des leaders dans la communauté : des femmes, qui nous aident à organiser les activités pour les habitants du quartier. Cela fait 6 ans que nous accompagnons au quotidien les familles, l’idée n’est pas de rester à vie dans les mêmes quartiers, mais d’aider d’autres squatters», souligne Sylvie Gravil, «Il faut accompagner pendant 10 ans une famille en moyenne pour lui donner la chance de progresser. C’est pourquoi les projets de relogement social coûtent cher. En plus du coût de la maison, il faut prévoir le coût de l’accompagnement».
Pour la coordinatrice du Pont du Tamarinier le bon ratio est d’un travailleur social pour 40 familles, en prévoyant que 10 d’entre elles maximum seront en grande difficulté et nécessiteront davantage de suivi.
A la Fraternité de Grand-Baie, 4 bénévoles se chargent de l’accompagnement. Mais l’association n’a pas pour mission de faire respecter les obligations du contrat social, c’est le rôle de la National Empowerment Foundation.
? Définir et faire respecter le contrat social
Au Pont du Tamarinier, les familles n’ont pas signé de contrat social, mais celles qui bénéficieront des plans de relogement futurs avec cette association en signeront bien un. «Chaque famille doit connaître ses droits et ses devoirs. Le contrat social doit stipuler par exemple les règles de comportement au sein du village : le respect des autres, l’entretien de la maison… Concernant l’obligation d’envoyer ses enfants à l’école, il y a déjà la loi. C’est donc à l’Etat de la faire appliquer, pas aux associations. Mais il y a trop laxisme : pas d’assistants sociaux pour faire le lien entre l’école et les familles, pas de suivi, pas de sanction», fait remarquer Sylvie Gravil, du Pont du Tamarinier.
A Sottise, le contrat social de la NEF précise que les enfants doivent être scolarisés justement, que les adultes doivent trouver un travail, que les règles de bon voisinage doivent être respectées, que les activités commerciales sur place sont interdites dans les maisons… Mais à Sottise, la situation peut paraître injuste : les familles qui ont bénéficié de la construction d’une maison NHDC ont signé un contrat social avec la NEF. Les autres qui ont bénéficié d’un terrain n’y sont pas soumises.
Des familles en attente
L’année dernière, l’association Le Pont du Tamarinier avait convaincu des entreprises de contribuer à hauteur de 11 millions pour reloger 38 familles de squatters de Rivière-Noire. Ces familles vivent dans un Camp, appelé Carré d’As, à proximité de London Way. Pour le relogement, l’association a reçu en don d’une famille un terrain dans le quartier Bougainvilliers. Malheureusement, ce projet n’a pas encore obtenu les autorisations administratives nécessaires pour aller de l’avant.
• Le Pont du Tamarinier : tamarinier@gmail.com
Maisons écologiques
Grâce à un bienfaiteur étranger, des maisons écologiques en bois devraient sortir de terre dans le Nord . «Cet entrepreneur social a promis de prêter 2 à 4 millions à notre association en vue de construire des logements esthétiques et écologiques pour des familles défavorisées mais méritantes », annonce avec enthousiasme Paul Narrainen, président de l’association La Fraternité de Grand-Baie. L’association lance un appel pour trouver un terrain dans le Nord. « Nous avons déjà sélectionné 20 familles, à qui nous souhaiterions bien faire un prêt sans intérêt », annonce Paul Narrainen, le président de la Fraternité de Grand-Baie. Un autre projet trotte déjà dans sa tête : construire une maison de retraite pour personnes âgées démunies.
• La Fraternité de Grand Baie : narrainenpaul@yahoo.com
Suivez l’actualité sociale sur www.ACTogether.mu
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