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Joëlle Rabot: «Le toxicomane doit être traité comme un être humain»

1 décembre 2009, 05:07

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La coordinatrice du travail de terrain chez CUT cnofie que les toxicomanes sont les plus touchés par le VIH/Sida à Maurice.

Le Collectif Urgence Toxida (CUT) agit afin de prévenir la propagation du virus à travers le programme d’échange de seringues. Deux nouveaux points d’échange de seringues seront lancés à Caroline et Baie du Cap avant la fin de l’année.

En quoi consiste le travail de CUT?

C’est avant tout une organisation non-gouvernementale qui s’occupe de la réduction des risques à Maurice. Cela comprend l’assistance aux toxicomanes, trouver une réponse à l’hépatite et au VIH ainsi qu’aider les toxicomanes à arrêter leur dépendance à la drogue. Depuis 2006, nous avons mis en place un système d’échange de seringues dans six régions de l’île. Nous avons d’ailleurs pu mettre en place ce programme grâce à l’aide du Decentralised Cooperation Programme et du ministère de la Santé qui nous fournit le matériel ainsi que les allocations pour les outreach workers.

CUT cible l’action au niveau de la communauté. Les outreach workers travaillent avec les toxicomanes de leur quartier. Cela donne plus de crédibilité à l’action sur le terrain. Il y a aussi une confiance qui se crée entre l’outreach worker et les toxicomanes. Il y a davantage de respect car ce sont des personnes qui habitent dans le même quartier.

Comment se passe ce travail sur le terrain?

CUT a trente-sept outreach workers. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de femmes que d’hommes qui travaillent sur le terrain. Ils ont créé entre eux un système de rotation afin qu’il y ait chaque jour une permanence d’un minimum de deux heures dans les différents quartiers où nous sommes présents. Nous échangeons ainsi les seringues usées contre des seringues propres. Nous dirigeons aussi ceux qui veulent s’en sortir vers des centres ou vers le programme de méthadone.

Sur le terrain, on échange non seulement les seringues mais nous donnons aussi depuis quelques temps des compresses alcoolisées. C’est très important. Nous expliquons aussi comment les utiliser et l’importance de désinfecter la peau. Nous donnons aussi des préservatifs. Les toxicomanes savent que nous sommes là. 

La distribution de seringues n’est-elle pas perçue comme étant un encouragement pour la prise de drogues?

Cette question revient très souvent lorsque nous faisons des formations. Nous avons plusieurs points que nous expliquons afin de justifier notre programme. Le manque de seringue propre encouragera le toxicomane à partager la sienne avec d’autres favorisant ainsi la transmission de virus.

D’autres iront en chercher à la pharmacie. Mais il y a aussi une chose importante qu’il faut prendre en considération.

Si un toxicomane participe à l’échange de seringues et qu’il veut changer de vie par la suite, il a la possibilité de le faire. Un toxicomane qui utilise des seringues sales, qui choisit d’arrêter, peut alors se rendre compte qu’il a déjà contracté un virus. Le toxicomane doit être traité comme un être humain. Nous devons donc les aider à réduire les risques de contracter un virus.

Approcher les toxicomanes est une chose. Les convaincre de changer leurs habitudes en est un autre. Comment s’y prend CUT?

Les formations sont importantes afin de décider d’aller vers l’échange de seringues. Nous devons sensibiliser la communauté qui mettra en place le projet. Les personnes les plus impliquées, c’est-à-dire, les toxicomanes doivent être là. Nous leur expliquons pourquoi retourner les seringues est important. En les jetant n’importe où, un enfant peut, par exemple, se piquer avec. Ce n’est pas difficile mais c’est le travail sur le terrain qui est important. Cela ne se fait pas en un jour mais plus de 70% de ceux qui viennent sur les différents sites retournent leurs seringues.

Dans les quartiers dans lesquels CUT travaille, quel accueil avez-vous reçu à vos débuts et maintenant?

CUT travaille beaucoup avec Danny Philippe et le Centre de solidarité. Il fait déjà le premier contact et tâte le terrain. Les habitants des quartiers veulent souvent savoir si la sécurité sera assurée, si la police est au courant ou encore si ce que CUT fait est légal. Et fort heureusement, cela se passe plutôt bien car la plupart des endroits où l’on travaille sont les plus touchés par la toxicomanie. Mais entre la formation que nous recevons et la réalité du terrain, c’est autre chose. Au début, il y a toujours un peu d’inquiétude mais après cela se passe bien.

Arrivez-vous à convaincre les toxicomanes à se faire dépister?

On organise des séances de dépistage sur les sites. Les toxicomanes demandent d’ailleurs kan caravan depistaz pu vini. La caravane du ministère de la Santé vient sur les sites et Pils épaule aussi maintenant avec sa caravane. Celle-ci vient une fois par semaine sur les différents sites. Les toxicomanes sont conscients de la nécessité de se faire dépister.

Comment assurer le suivi de ceux qui sont testés positifs?

La caravane de Pils fait du rapid testing. Le suivi est principalement fait par Pils. Dans les différents endroits où l’on travaille, il y a aussi des groupes de soutien pour les toxicomanes.  

Quels sont les projets de CUT?

Nous allons multiplier le nombre de site d’échanges de seringues que nous avons en allant dans d’autres régions encore plus vulnérables. Nous voulons aussi professionnaliser le travail car actuellement les outreach workers vont sur le terrain avec une chaise et leur matériel. Nous espérons avoir une marquise pour eux avec des t-shirts pour la visibilité. Nous venons de faire une conférence sur les opiacés en octobre.

On veut aussi améliorer les formations avec l’apport et l’expertise d’étrangers qui ont aussi mis en place de tels programmes. Avant la fin de l’année, nous allons aussi ouvrir deux nouveaux points d’échange de seringues à Caroline et Baie du Cap. Tout est déjà prêt. Nous attendons l’approbation du ministère de la Santé.

 

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