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Portrait d’un grand avoué: Mᵉ Patrick Balmanno aurait eu 100 ans aujourd’hui
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Portrait d’un grand avoué: Mᵉ Patrick Balmanno aurait eu 100 ans aujourd’hui

Pourquoi ce livret ? Pourquoi un hommage à Patrick Balmanno ? Quelques extraits choisis en guise de réponse.
Sans doute parce qu’il fait partie de ces grands hommes de loi qui ont fait leur chemin sans être remarqué – par choix, bien qu’il ait vécu jusqu’à l’âge de 92 ans. Ce fonctionnaire, devenu avoué à un âge avancé – au moment où les autres penseraient déjà à leur retraite –, a marqué la fonction publique et le milieu judiciaire. Mais il l’a fait en toute discrétion et modestie.
C’est probablement pour servir les autres, surtout les faibles, que le vénérable Patrick Balmanno a choisi de devenir avoué à 55 ans.
Ceux qui l’ont connu sont unanimes à reconnaître que Balmanno est resté effacé durant toute sa vie, pourtant longue. Il était le genre d’homme réservé, ayant choisi de rester loin des feux des projecteurs. Il n’a d’ailleurs jamais voulu se mettre en avant, lui qui était pourtant un homme de bien, qui a bienveillamment servi le pays et qui était dévoué dans son travail et à ses clients. Seuls les actes comptaient pour lui, pas les mots.
Pour l’avocat Michael King Fat, «Patrick Balmanno était le symbole incarné des valeurs que la profession légale est censée projeter, et qui étaient d’antan la norme». Il n’est pas le seul à penser que les documents que rédigeait Me Balmanno, dans un anglais parfait, font partie des meilleurs de son temps. À une époque où il n’y avait ni ordinateur, ni Internet. Il a d’ailleurs continué à utiliser sa vieille machine à écrire après l’apparition de l’ordinateur. C’est lui-même qui tapait ses documents la plupart du temps. Il commençait dès 4 h 30 du matin, chez lui.
Pour les références, il faisait lui-même ses recherches dans les recueils de jurisprudence et les livres de doctrine. Ses secrétaires ne l’aidaient que lorsqu’il était débordé. Même lorsqu’il est devenu un avoué à succès, qui instruisait de grandes affaires, il est toujours resté loin des médias et autres conférences. Et quand il a été nommé Senior Attorney en 1994, il a refusé toutes les sollicitations de la presse pour une interview.

Il rédigeait non seulement les documents en écoutant l’avocat et le client mais les conseillait aussi. Oui, il conseillait l’avocat sur la stratégie à adopter dans la plainte ou tout autre document, et même dans la façon de présenter ou défendre une affaire au tribunal. Cela, il le faisait d’une façon qui n’embarrassait pas son interlocuteur-avocat. Et jamais aucun de ces derniers ne songerait à contester ses arguments. En donnant ses conseils, il demandait toujours : «Vous êtes d’accord ?» ou «qu’en pensez-vous ?» Ainsi, il faisait croire que la bonne idée venait de son interlocuteur et non pas de lui.
«Patrick a été mon mentor», relate Mᵉ King Fat, «comme il l’a été pour beaucoup d’autres avocats et avoués, et non des moindres ; et qui, comme moi, se sont toujours tournés vers lui pour de précieux conseils qu’on était tous sûrs d’en bénéficier.»
Du reste, les jeunes avoués et avocats qui faisaient leurs premiers pas dans la profession étaient toujours les bienvenus à l’étude Balmanno. Ce qui est encore plus remarquable chez le vieil avoué, c’est qu’il les chaperonnait avec une élégance qui était propre à lui, sans qu’ils ne réalisent qu’ils bénéficiaient d’un partage de connaissances et de valeurs sur le traitement des dossiers par le biais de cours gratuit. Il ne disait jamais: «Venez, je vous donnerai des cours», mais il demandait à ces jeunes de venir l’«aider» pour un dossier difficile. «Une générosité exceptionnelle enfouie sous une humilité hors du commun ! Il nous traitait comme son égal, quoiqu’il s’était investi de cette mission cachée à nous mettre à niveau», dira Mᵉ King Fat, qui a d’ailleurs bénéficié de ces «demandes d’aides» à maintes reprises.
Le Senior Counsel Antoine Domingue témoigne qu’il a connu Mᵉ Patrick Balmanno dès les années 80 alors qu’il faisait son «pupilage» chez feu Gaëtan Duval. Et en garde de bons souvenirs. Pour lui, des personnalités comme Patrick Balmanno, il n’y en a plus. Il se rappelle particulièrement combien les syndicalistes éprouvaient une grande estime et affection pour le vieil avoué.
On nous raconte aussi comment certains hommes de loi escroquaient littéralement leurs clients, même les pauvres, en conservant 90% des dommages récoltés et ne remettaient que 10% au client, tel ce vieux laboureur qui se fit même insulter par un avocat lorsqu’il s’est plaint des miettes qu’il a reçues. C’est pour cela que les pauvres se tournaient vers Balmanno qui écoutait ces clients lui raconter leurs déboires avec d’autres hommes de loi sans rien dire. Mais intérieurement, on savait que cela lui faisait mal et que ce serait une des raisons pour lesquelles il ne réclamait pas d’honoraires à ces pauvres victimes d’injustice et d’hommes de loi véreux.
«Leçons particulières gratuites»
On raconte comment, dès son jeune âge, Patrick Balmanno donnait des leçons particulières gratuitement aux étudiants de son village natal de l’Avenir. Et cela, à n’importe quelle heure. Coco Ramnarain, qui fréquentait la même école primaire que Balmano (où étudiaient aussi la mère d’Ivan Collendavelloo, sir Marc David et le futur Dr Mohit) racontait souvent à son fils Anil, qui est devenu par la suite un client de l’avoué, comment le jeune Patrick, qui était très studieux, trouvait quand même le temps pour l’aider ainsi que ses amis. Il faut dire que le futur avoué était un élève brillant et obtint même la «petite bourse». Ce qui lui permit d’avoir une place au Collège Royal de Port-Louis, connu alors comme La School.
Né dans une famille plutôt modeste, à l’Avenir, Saint-Pierre, où le père était presque tout le temps au travail, c’est la maman Eugénia qui élevait les trois enfants et faisait leur éducation morale surtout… Dès leur tendre enfance, les enfants ont appris qu’il ne faut compter sur personne d’autre que sur soi pour réussir. Et c’est l’éducation, leur disait-elle, qui est la clé de la réussite. En fait, la réussite, enseignait-elle aux enfants, ne se compte pas en roupies mais en connaissances…
C’est plus la débrouillardise de la maman et de la grand-mère ainsi que leur modestie qui servaient d’exemple aux enfants que leurs constants rappels aux valeurs humaines. C’était donc leur façon de vivre même qui a procuré le modèle aux enfants. Et comme la maman surtout se montrait pleine d’amour, ce qu’elle faisait ou professait était bien ‘reçu’ par les petits Balmanno. Cette bonne entente entre les frères, soeur et parents s’est perpétuée même après le mariage et séparation des enfants. Sa femme Monique nous dira que Patrick est resté très familial. Et quand il ne lisait pas des livres, il jouait au bridge – sport cérébral par excellence. Seul, il s’adonnait au ‘solitaire’, autre jeu d’intellectuel. Ou alors, c’était les mots-croisés. Balmanno ne se relaxait vraiment qu’en regardant un match de foot à la télé…
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