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Paiement de la pension: quelles alternatives pour éviter les retards

7 mars 2022, 17:39

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Paiement de la pension: quelles alternatives pour éviter les retards

Ce n’est que ce lundi 7 mars qu’a été effectué le virement de la retraite. Un retard qui affecte plus de 240 000 personnes âgées. La faute serait imputée à un jour férié en pleine semaine. Or, l’argument ne convainc pas, indiquent travailleurs sociaux et autres intervenants, qui crient au scandale. D’autant que la hausse promise en 2019 n’est toujours pas été effective. Quelles solutions pour que cela ne se reproduise plus ?

«Nos séniors ont beaucoup travaillé pour le progrès du pays. Plusieurs d’entre eux sont d’ailleurs invalides. Aujourd’hui, on ne peut les faire courir partout pour emprunter de l’argent face au retard du paiement de leur pension. Comme ils sont dans les dernières années de leur vie, il faut plutôt que l’État allège leur souffrance au lieu d’en rajouter», déclare Arshad Joomun, travailleur social et membre du Conseil des Religions

Maintenant, d’autres interrogations fusent, et particulièrement sur la hausse promise en campagne électorale en 2019, de passer la pension à Rs 13 500 d’ici 2024. À ce jour, rien n’a été fait. D’ailleurs, dès octobre 2020, le Premier ministre, Pravind Jugnauth, avait affirmé, à l’occasion de la Journée mondiale des personnes âgées : «Nou ti dir nou pou fer gato-la grosi, pou ki sakenn gagn enn pli gro par, malérezman gato la pé rétrési pé vinn pli tipti.» Ces propos avaient suscité la grogne chez nos aînés, désireux de toucher enfin leur augmentation. Hélas, en 2021, une autre annonce a ajouté de l’huile sur le feu. Le ministre des Finances a précisé que seuls les pensionnaires de 65 ans et plus toucheront cette augmentation future.

Un présage que l’État bat en retraite sur l’augmentation tant attendue alors que l’allocation régulière peine aussi à être virée aux dates prévues. Le retard cumulé dans le paiement des pensions fait polémique. Car, la formule, fixée précédemment aux premiers jours de chaque mois, a été modifiée pour le quatrième jour ouvrable. Sauf que pour le mois de mars 2022, ce n’est qu’aujourd’hui que le virement a été fait, soit le 7 mars. Le jour férié du 1er mars a été évoqué comme vecteur du retard par le ministère de la Sécurité sociale.

Toutefois, les bénéficiaires ne sont pas au bout de leurs peines. Car ceux payés par virement bancaire ont pu toucher leurs allocations dès aujourd’hui via leur carte. En revanche, les personnes âgées dépendant de la poste devront attendre quelques jours de plus, selon leur ordre alphabétique. Donc, l’écart de paiement se creusera davantage, confie Imteeaz Suneram, 42 ans, dont les parents sont retraités.

Une telle situation est «scandaleuse», déplore Vivek Pursun, président de la Pensioners Grievance Movement. «C’est une honte nationale, un crime envers les pensionnaires. Finalement, ce n’est plus quatre mais sept jours de retard. Au final, ce n’est pas un mois complet de pension. En le calculant sur une année, les personnes âgées ne touchent que neuf mois de retraite. Ce n’est pas normal.» Selon lui, plusieurs d’entre eux sont davantage en difficulté face à ce retard du virement de leur pension.

Pour Arshad Joomun, chaque jour de retard impacte sur la vie des séniors. Beaucoup d’entre eux se fient à leur pension pour payer leur loyer et leurs médicaments. «Cela rajoute à leur pression. Au niveau de notre association M-Kids, nous avons deux personnes âgées dont les fonds s’épuisent principalement avec les médicaments. En apprenant le retard pour le 7 mars, elles n’y comprenaient rien. Elles ont dû venir à notre centre pour emprunter de l’argent. Ils sont très affectés psychologiquement», explique-t-il.

Imteeaz Suneram abonde dans le même sens. «J’essaie de les aider jusqu’à ce qu’ils touchent leur pension. Mais tous les enfants ne peuvent les assister. Beaucoup de séniors ne peuvent pas payer leurs factures avec ce retard.» Et, par ricochet, l’impact du retard se répercute aussi sur les petits-enfants, indique Tanuja, une enseignante d’art à M-Kids. «Certains de mes élèves sont confrontés à des difficultés puisqu’ils vivent avec leurs grands-parents, qui dépendent de la pension. Mes propres grands-parents sont dans la détresse face aux augmentations de prix.»

Le coût de la vie

De son côté, Sam Lauthan, ancien ministre de la Sécurité sociale, affirme qu’avec le coût de la vie, les séniors en pâtissent davantage. D’ailleurs, il renchérit sur le fait que les Nations unies mentionnaient que, mondialement, il y avait 586 millions de nouveaux pauvres en 2021, c’est-à-dire les individus de la classe moyenne et de la «lower middle class» qui sont tombés en dessous du seuil de pauvreté avec les pertes d’emplois. «Qu’advient-il de ceux qui étaient déjà pauvres ? Ces personnes-là ne sont même pas sûres de pouvoir manger le soir. Pour moi, c’est scandaleux et inacceptable de différer le paiement de la pension pour les personnes âgées», soutient l’ancien ministre.

Pour sa part, Aurore Perraud, ancienne ministre des droits de la Femme et membre du Parti mauricien social-démocrate, estime que les autorités auraient dû savoir en amont que ce problème de retard allait surgir. «Cela relève de l’incompétence. Parallèlement, la justification que ce changement est lié au fait que la pension est déjà payée lorsqu’un retraité meurt ne tient pas. Il n’y a pas 75 % des pensionnaires qui décèdent mais un pourcentage infime. C’est inhumain, cruel et insensible. Je suis révoltée par une telle situation», s’insurge-t-elle.

D’après elle, les pensionnaires vivent dans la détresse, surtout avec l’application du quatrième jour ouvrable pour le paiement de leurs allocations mensuelles. «Arrivés au 27 ou 28 de chaque mois, ils n’ont plus rien. Ils ne peuvent même pas se permettre de faire des stocks. Ils achètent le strict minimum et les jours restants, impossible de savoir ce qu’ils pourront bien manger, comment acheter leurs médicaments ou payer leur loyer.»

Comment empêcher de tels retards pour les mois futurs ? Pour Vivek Pursun, il faut retourner au mode de paiement initial, le 1er de chaque mois. «L’ancien système fonction- nait. Pourquoi le changer ? Le nouveau système du quatrième jour ouvrable a été introduit pour pallier supposément les pensions des retraités décédés. Mais cela ne concerne qu’une petite poignée de séniors uniquement. Comment une administration nationale ne peut-elle pas récupérer son argent, et ce pour quelques retraites ? À côté, elle fait tant de gaspillages et pénalise les pensionnaires, veuves, handicapés et orphelins.»

Aurore Perraud s’aligne également en faveur de la restitution du système initial de paiement des pensions. L’ancienne formule permettrait d’éviter les futurs retards. «Qu’estce que cela coûte à l’État pour quelques retraités décédés ? D’ailleurs, ce sont des familles au bas de l’échelle qui ont besoin de ces allocations. Or, je ne suis pas en train de dire que l’État doit prendre en charge les funérailles des gens, mais à côté, on ne peut faire l’impasse sur la mauvaise gestion financière publique», avance-t-elle.

Selon Lam Lauthan, tout est une question de planification. «Le calendrier mauricien a déjà été établi. Les congés publics et cérémonies religieuses sont aussi connus d’avance. Il suffit de planifier le paiement en conséquence. Maintenant, si la date de virement coïncide avec un week-end, il faut donner des instructions pour que ce processus soit fait d’avance au lieu de payer en retard», suggère-t-il.

 S’interrogeant «sur la compétence des autorités concernées et du ministère en question» face aux problèmes de pension récurrents, Arshad Joomun suggère de faire passer certains «pay- rolls» d’avance, surtout en prévision de jours ouvrables fériés. Et ce, pour l’ensemble des pensions de retraite, de veuves, d’orphelin et d’invalidité, fort de la vulnérabilité des bénéficiaires. «Qu’est-ce que les jours ouvrables ou congés publics ont à voir avec cette affaire de pensions ? Pour éviter tout retard, on peut avancer le paiement comme pour le boni de fin d’année. D’ailleurs, le Premier ministre a fait ajuster les paiements de salaires pour certaines occasions comme la fête des Mères, Divali, entre autres célébrations.»

 

Leur calvaire…

<p><strong>Jubedah Bibi Nassurally, 65 ans :</strong></p>

<p><strong>&laquo;Nou larm koulé dan nou lizié pou asté nou rasion&raquo; </strong></p>

<p>Habitante de La Butte, Jubedah Bibi Nassurally, retraitée de 65 ans, est en pleine galère. &laquo;<em>Mo pann kapav pey mo kouran ek bill délo. Mo bizin atann mo pansion mem. </em><em>Ek si ou asté enn zafer krédi, bann konpani pa pou konpran ou pansion an rétar. Dat pou dat ar zot. Nou larm koulé dan nou lizié pou asté nou rasion.</em>&raquo; Malade, elle n&rsquo;a pu se rendre à l&rsquo;hôpital, ayant du mal à se déplacer suivant une opération au pied. À la pharmacie, où il a fallu se procurer des médicaments en urgence, la note était encore plus salée. Elle déplore les nouvelles dates de paiement de la pension : <em>&laquo;Sinn sort le 1er di mwa pou lé 4 apré le 7, bé kapav aster zot fer peyman vinn lé 15. Tou pri pé monté. Nou nek pé pez néné bwar délwil mem&raquo;</em>. Selon elle, avec l&rsquo;augmentation de l&rsquo;essence, des denrées alimentaires en sus de futures majorations, cette catégorie sera encore plus affligée.</p>

<p><strong>Anand Ballaghee, 62 ans : </strong></p>

<p><strong>&laquo;Je n&rsquo;ai pas les moyens pour les médicaments&raquo; </strong></p>

<p>Le retard de la pension de vieillesse pèse lourd sur la santé. Ainsi, explique Anand Ballaghee, 62 ans, chaque mois, le stock de médicaments est fait jusqu&rsquo;au 30 de chaque mois. Or, puisque ce n&rsquo;est que ce 7 mars que le paiement sera effectué, il est privé de traitement pour une semaine. &laquo;<em>Je n&rsquo;ai pas les moyens pour les médicaments. On doit attendre la pension. De plus, j&rsquo;ai des dettes avec des créanciers. Il faut payer des amendes. Parfois, il faut cacher son visage face à la honte.&raquo;</em> Sans compter toutes ces choses qu&rsquo;il ne peut acheter, faute de moyens. D&rsquo;autant qu&rsquo;avec le retard du paiement, les personnes âgées subiront encore &laquo;des misères&raquo; pour toucher leur pension dans les longues files d&rsquo;attente en banque, ajoute-t-il.</p>

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<p><strong>Utam Pusun, 54 ans :</strong></p>

<p><strong>&laquo;Bon nombre d&rsquo;aînés subissent des problèmes familiaux&raquo; </strong></p>

<p>Secrétaire de la Swastika Senior Citizens Association de Bassin, Utam Pusun, 54 ans, affirme que 175 retraités de cette organisation subissent diverses difficultés avec le retard de la pension. &laquo;<em>Ils ne parviennent pas à s&rsquo;approvisionner en médicaments. Bon nombre d&rsquo;aînés subissent des problèmes familiaux et des stress à n&rsquo;en plus finir. Certains doivent emprunter de l&rsquo;argent ou chercher un transport pour des soins médicaux. Ce n&rsquo;est pas facile.&raquo;</em> Ils se fient à cette pension de Rs 9 000 pour survivre, indique-t-il.</p>

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<p><strong>En chiffres</strong></p>

<p><strong>240 596 mauriciens touchent la retraite</strong></p>

<p>Selon les statistiques de la Sécurité sociale, en janvier 2022, 240 596 Mauriciens avaient touché une pension de retraite en janvier 2022. De ce nombre, 235 898 étaient âgés entre 60 et 89 ans, percevant ainsi Rs 9 000 mensuellement. 4 548 bénéficiaires de 90 à 99 ans avaient touché une pension de Rs 16 710 ; et 150 âgés de 100 ans et plus ont obtenu une allocation mensuelle de Rs 21 710. Notons aussi que 17 411 personnes bénéficiaient d&rsquo;une pension de veuf/veuve en janvier dernier, tandis que 32 595 ont touché une pension d&rsquo;invalidité durant cette même période. Dans chaque catégorie, cette allocation est de Rs 9 000. Enfin, 475 Mauriciens étaient bénéficiaires d&rsquo;une pension d&rsquo;orphelin de Rs 8 000 en janvier 2022.</p>

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