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Covid-19 - Nouvelles contaminations: L’immunité collective tient-elle la route ?

29 juin 2021, 07:13

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Covid-19 - Nouvelles contaminations: L’immunité collective tient-elle la route ?

Avec les nouveaux cas positifs quotidiens, l’Etat accentue la campagne vaccinale. Cependant, l’objectif de l’immunité collective, plébiscitée en marge de la réouverture des frontières le 15 juillet, n’empêchera pas de contracter le virus. A quoi servira-t-elle finalement ? Quels sont les risques de contamination en dépit d’un fort taux de vaccination comme aux Seychelles et au Chili, nations reconfinées ? Explications.

Depuis les dernières semaines, les autorités s’activent à faire vacciner la population. Après les récents amendements à la Quarantine Act, exigeant que le personnel médical et scolaire soit vacciné ou présente un test PCR négatif daté de moins de sept jours, maintenant ce sont les mineurs qui sont ciblés à la suite d’une décision ministérielle le 25 juin. Ceci, pour atteindre au plus vite la fameuse immunité collective qui devrait ériger une barrière protectrice contre le Covid-19.

Mais plusieurs pays, pourtant considérés comme les plus vaccinés au monde, dont les Seychelles et le Chili, ont dû faire marche arrière et se reconfiner en dépit d’un taux élevé de vaccination. Au final, l’immunité collective sonne-t-elle comme un coup d’épée dans l’eau ? Le Dr Zouberr Joomaye, président du comité de vaccination, explique que l’immunité collective est un concept où la plupart des gens ont des anticorps à travers le virus ou la vaccination. «On suppose que le fait d’avoir des personnes immunisées va empêcher la propagation de la maladie. Mais cela n’empêche pas la maladie d’entrer», confirme-t-il.

Pourquoi cela n’a pas marché aux Seychelles ? L’archipel a rouvert ses frontières après sa vaccination mais sans attendre le délai d’immunité, répond-il. Il faut notamment attendre deux semaines après la deuxième dose pour atteindre l’immunité. Un critère à respecter pour protéger la population. Ainsi, la double-dose de vaccin s’impose couplée à un délai précis.

Et comme Maurice prévoit justement de rouvrir ses frontières, ne court-on pas plus de risques ? D’autant plus avec le ciblage de 650 000 touristes sur les prochains douze mois ? «Après avoir vacciné 750 000 à 800 000 Mauriciens adultes, le risque d’avoir une nouvelle vague de Covid-19 va être largement diminué selon la présomption basée sur des calculs mathématiques et épidémiologiques», poursuit le Dr Joomaye.

Explosion de la contamination aux Seychelles

Abondant dans ce sens, le Dr Laurent Musango, représentant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), affirme qu’avec une immunité collective de 80 % d’une population vaccinée, le risque d’une épidémie est minimisé. «En fait, le virus circule d’une personne à une autre pour survivre. Au moment où il y a une immunité collective, celui-ci cherche à se transmettre et trouve une personne vaccinée. Dans ce cas, il ne va pas se multiplier chez cet individu et finira par mourir. On pourrait avoir quelques cas sporadiques.»

Les Seychelles, par exemple, affichait un taux de vaccination de 60 % mais avaient connu une explosion de la contamination en mai dernier. Cela implique une propagation du Covid-19 chez 35 % de Seychellois vaccinés. En dépit de la vaccination de la moitié de la population au Chili, ce pays était confronté à une résurgence dramatique du virus en mars dernier. Pire, cette nation a enregistré un nombre record de cas positifs au quotidien, encore jamais atteint depuis le début de la pandémie, ce qui a paralysé le système hospitalier. Un scénario répliqué au sein d’autres pays très vaccinés. Au Royaume-Uni, 20 % des vaccinés figurent parmi les nouveaux cas positifs. En Israël, ce taux est de 40 % chez les vaccinés.

De son côté, Ajay Jhurry, président de l’association des tours opérateurs, souligne qu’aucun pays ne peut se prémunir d’une immunité collective totale puisque la campagne de vaccination a débuté depuis moins d’un an. «À Maurice, on évoque 800 000 Mauriciens vaccinés pour étteinre l’immunité. Maintenant, comment on interprète cela ? Cela implique-t-il de vacciner un certain nombre d’habitants ou est-ce plutôt l’efficacité du vaccin qui compte le plus ? À mon avis, c’est ce facteur qu’il faut analyser. À quoi cela sert de multiplier la vaccination s’il n’y a pas d’efficacité ? Ainsi, en quoi cela va-t-il nous immuniser ? Et une immunisation contre quoi finalement ?»

Grosse négligence des consignes sanitaires

D’ailleurs, met-on actuellement les bouchées doubles pour la vaccination en vue de la réouverture du ciel mauricien ? Plutôt que pour la visée touristique, Ajay Jhurry explique que c’est pour sauver l’économie en général. L’État, avance-t-il, éprouve des difficultés à soutenir les subventions liées au Covid-19. L’industrie touristique, qui représente 22 % de notre produit intérieur brut, y est relative par extension. «Je ne peux pas dire que l’objectif d’immunité collective ne sert à rien mais il ne faut pas uniquement se concentrer dessus. Un travail est nécessaire au niveau de l’immunité. On parle de nouvelle normalité mais les gens doivent intégrer les formules pour les gestes barrières. Il y a une grosse négligence des consignes sanitaires. Je trouve aberrant à Maurice comme ailleurs de ne pas intégrer ce nouveau mode de vie.» Pour lui, il faut un plan d’adaptation pour intégrer les mesures sanitaires.

Pour le Dr Vassen Pauvaday, l’immunité collective tient la route mais la vaccination n’épargnera pas les Mauriciens du virus. «Si vous l’attrapez, les risques de tomber gravement malade ou d’en décéder s’amenuisent, selon les chiffres des pays dotés de forts taux de vaccination. Au sein de ces Etats, il y a eu moins d’hospitalisation, et moins de morts. Néanmoins, les autorités passent de mauvaises informations. J’ai vu quelque part quelqu’un dire qu’une personne vaccinée ne transmet pas la maladie. Ce n’est pas forcément vrai», soutient-il.

D’ailleurs, une bonne partie des entreprises et opérateurs, tous secteurs confondus, disposent de forts taux d’effectifs vaccinés. Or, cela ne les a pas empêchés de contracter récemment le Covid-19 après leurs doses vaccinales. Faut-il plutôt se focaliser sur les gestes barrières, vu que l’immunité collective ne garantit pas la non-propagation du virus ? Le médecin favorise les deux mesures, soit l’immunité collective de 70 à 80% et les consignes sanitaires.

Mutation des variants

Toutefois, il attire l’attention sur un aspect des plus préoccupants – la mutation des variants. «Certains variants se montreront résistants aux vaccins actuellement administrés à la population mauricienne. Continuellement, on aura de nouveaux vaccins efficaces contre divers types de variants. Il sera impératif de faire une mise à jour de la vaccination d’année en année car c’est une situation pandémique dynamique», déclare le Dr Vassen Pauvaday. À ce titre, le variant Delta est des plus inquiétants actuellement. En effet, comparé au variant Alpha, celui-ci dispose d’une transmissibilité accrue, avec des capacités allant de 40 à 60 %.

De récentes données d’Ecosse et d’Angleterre mettent en exergue un risque d’hospitalisation doublé face à une contamination par le variant Delta ou Alpha. De plus, les individus présentant au moins cinq autres problèmes de santé y sont plus vulnérables, indiquent des recherches. Hélas, ce variant est aussi résistant à certains vaccins. En Europe, le risque d’hospitalisation chute grâce aux vaccins d’AstraZeneca ou Pfizer mais pas forcément pour d’autres gammes, dont celles administrées ici.

Selon le Dr Vassen Pauvaday, des questions se posent également sur l’efficacité des vaccins indiens et chinois, qui ne sont pas acceptés par les pays européens. Des inter- rogations fusent également sur la distinction entre les stocks reçus à Maurice et d’autres pays. Est-ce les mêmes ? La qualité est-elle respectée pour les pays pauvres et ceux développés ? «On n’a jamais acheté de médicaments de la Chine. Par exemple, si elle exporte vers l’Europe, les standards sont différents, comparés aux pays d’Afrique», ajoute-t-il. Ce qui ne rassure pas forcément pour les vaccins reçus à Maurice.

D’après d’autres spécialistes internationaux, le problème de l’immunité collective est qu’elle peine à être atteinte. Malheureusement, le temps que toute la population soit vaccinée, il faudra sans doute être revacciné, notamment avec l’émergence des nouvelles souches du virus susmentionnées.

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