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C’était SAJ…: un coriace né d’une enfance malheureuse
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C’était SAJ…: un coriace né d’une enfance malheureuse

Il n’a jamais aimé s’étendre sur son enfance, qui, même des décennies plus tard, lui faisait toujours monter les larmes aux yeux. Devenu grand-père gâteaux, il tenait à sa famille comme à la prunelle de ses yeux.
29 mars 1930. Celui qui allait devenir le grand SAJ ouvre pour la première fois ses yeux, à Palma. Ses parents, Ramlochun et Soomeetra (née Ramnath) Jugnauth, sont un couple de petits planteurs modestes.
Le petit Anerood connaît une enfance très malheureuse sur laquelle il n’a jamais aimé s’étendre. Le peu qu’il dira à ce sujet dans des entretiens à la presse est qu’il a connu l’époque où on marchait pieds nus pour aller chercher du bois pour faire la cuisine, nourrir les cabris et les vaches et nettoyer la cour.
Il se sent proche de son père à qui il ressemble et bien que celui-ci fût sévère et frappait parfois le jeune turbulent. C’est aux côtés de ce même père qu’il a été coupeur de cannes dans sa jeunesse.
Après l’école primaire de Palma, Anerood Jugnauth ne serait pas allé au Regent College, qui venait d’ouvrir à Quatre-Bornes, si son cousin Lall n’avait pas insisté auprès de son père. Le 18 décembre 1957, il se marie à Sarojini, née Ballah, Louloune, pour les intimes et Lady pour les sympathisants du Mouvement socialiste mauricien (MSM). Celle-ci enseigne à l’école primaire.
Ce n’est un secret pour personne que Lady a l’oreille de SAJ. À cela, celle-ci réplique, dans une interview à l’express : «Il faut avoir des arguments valables en restant dans la direction qu’il a choisie. Il n’y a qu’en l’an 2000 que j’ai causé un peu fort.» Oui, c’est elle qui a pesé de tout son poids pour convaincre son mari à signer l’accord avec le Mouvement militant mauricien (MMM) «dans l’intérêt du pays».
D’ailleurs, lors de son discours d’adieu au Parlement en septembre 2003 pour aller à la présidence, SAJ lui rendra hommage pour son soutien pendant toutes ces années passées. Ce jour-là, Lady n’a pu contenir ses larmes. Même SAJ a craqué en parlant de celle qui «has stood by me all these decades dedicated to public life and more importantly when the going was rough and the times were tough».
Anerood Jugnauth a toujours raffolé de glaces, de sagou avec amandes et raisins secs et de flan lorsque sa santé le lui permettait…
Le couple a deux enfants, Shalini, mariée au Dr Krishan Malhotra, et Pravind, marié à Kobita, née Ramdanee. Anerood et Sarojini sont les grands-parents de cinq petites-filles : Anusha, Divya, Sonika, Sonali et Sara.
SAJ a toujours tenu à sa famille comme à la prunelle de ses yeux. D’ailleurs, le fait d’avoir dit qu’il était un «politicien part-time» dans un entretien à l’express, en 1977, lui a valu d’être rabroué avec le MMM, son parti d’alors. Ce qui ne l’a pas empêché de répéter la même chose dans des meetings publics même au temps où il était leader de l’opposition.
«J’avais une profession (NdlR, il était alors avocat) qui assurait l’avenir de ma famille et c’était ça le plus important.» Chose dite chose faite jusqu’en 1982.
Anerood Jugnauth est aussi connu pour être un investisseur avisé. Il a toujours investi dans l’immobilier. Au temps où Anerood Jugnauth militait, Dev Virahsawmy, qui a été son conseiller culturel en 1983, affirme qu’il était aussi propriétaire de 14 maisons et allait récolter ses loyers à la fin du mois.
Par contre, plus tard, les relations d’Anerood Jugnauth avec son fils Pravind ont souvent été l’objet de spéculations. Il semblerait que père et fils ne soient pas souvent sur la même longueur d’onde et que Sarojini agirait comme arbitre à chaque désaccord. Le fait qu’il a été contraint de redescendre dans l’arène politique après ses deux mandats à la présidence est indicateur à plus d’un titre.
N’empêche qu’Anerood Jugnauth, le Rambo de la politique locale, est un grand-père gâteau. Ses petites filles n’oublieront pas les parties de foot lorsqu’elles étaient en bas âge avec l’amateur de foot qu’a toujours été leur grand-père. Il était un grand fan de Manchester United.
Dans un autre registre : la casquette et l’écharpe, marque de fabrique de SAJ à chacune de ses sorties politiques en soirée, sont loin d’être les deux accessoires de mode incontournables de Rambo. En fait, ce dernier se réchauffait en raison de ses problèmes de sinus.
Anerood Jugnauth a toujours raffolé de glaces, de sagou avec amandes et raisins secs et de flan lorsque sa santé le lui permettait, tout comme d’un bon curry de poisson et dholl puri. Passionné de lecture, de films western et d’action, il appréciait également le séga et le valse.
Il adorait également se rendre à son campement à Baie-du-Tombeau au bord de cette mer qu’il a tant aimée. Cela, à chaque fois que l’occasion se présentait. Il aimait aussi se rendre en Inde avec son épouse, surtout pour une cure ayurvédique où il a déjà raconté avoir perdu sept kilos en dix jours.
Quant à la gourmette en or et la grosse bague qu’il porte en permanence sont des cadeaux de son gourou Sai Baba.
Dans un entretien accordé à l’express le 12 octobre 2003, alors qu’il est président de la République, SAJ a confié que Sai Baba est un humain pas ordinaire qui a des dons que d’autres n’ont pas. «Il m’a prédit des choses qui se sont révélées exactes». Si SAJ le dit…
Ses succès
Anerood Jugnauth a été élu Premier ministre à six différentes reprises. Malgré les réalités de la plateforme politique mauricienne qui expliquent cette hégémonie, il a quand même célébré quelques retentissants succès.
La révolution
Au début des années 80, le gouvernement de sir Seewoosagur Ramgoolam commençait à s’essouffler après une longe période au pouvoir. Le MMM de Paul Bérenger et d’Anerood Jugnauth provoqua alors le premier séisme de notre histoire politique moderne. En 1982, le MMM, accompagné du Parti socialiste mauricien (PSM), infligea un cinglant 60-0 à leurs adversaires. Après le règne de Ramgoolam, Jugnauth devint l’homme qui évinça «le père de la nation». Un an plus tard, Jugnauth parvint à s’extirper du MMM, la principale force politique de l’époque, pour quand même rester au pouvoir avec le jeu des alliances et la création du MSM. Ce fut le moment de gloire pour Jugnauth, qui resta Premier ministre durant 13 années consécutives.
Le miracle économique
L’usage du terme «miracle économique» est encore vivement contesté aujourd’hui mais force est de constater que Maurice changea de dimension après 1982. Ramgoolam abdiqua avec une économie en grande difficulté et un taux de chômage croissant. Le règne de Jugnauth changea la donne avec un libéralisme économique convaincant et une plus grande ouverture sur les marchés étrangers. Selon les critiques, ce ne fut pas un miracle mais plus une évidence économique qui fut favorable à Jugnauth. Néanmoins, ce fut quand même une période faste pour le pays et Jugnauth s’en félicita durant le reste de sa carrière.
L’Alliance Lepep
Malgré les scandales qui conduisent certainement l’Alliance Lepep à la dérive, son élection en 2014 fut une grande victoire pour Anerood Jugnauth. Il quitta son poste de président de la République deux ans plus tôt pour aller à l’assaut du gouvernement de Navin Ramgoolam, avec la force du MMM à ses côtés. Mais l’alliance entre le MMM et le Parti travailliste (PTr), les deux plus grands partis du pays en 2014, sembla tout chambouler. Le retour de Jugnauth fut promis à un triste sort. Mais c’était sans compter sur l’effet Jugnauth et la maladresse de leurs adversaires. L’alliance Lepep terminera possiblement son mandat comme l’un des pires gouvernements de notre histoire, mais sa victoire aux élections sera à jamais l’un des plus grands succès d’Anerood Jugnauth.
La bataille pour les Chagos
Depuis sa passation de pouvoir début 2017, Anerood Jugnauth fit des Chagos son principal cheval de bataille. Dans une suite logique de la réclamation mauricienne sur l’archipel, Jugnauth se rendit à l’Assemblée générale des Nations unies pour le vote d’une résolution afin de pouvoir demander un avis consultatif à la Cour internationale de Justice. Avec 94 voix en faveur et 15 contre, la résolution a été votée.
Encore une fois, il est difficile de jauger l’effet que cette victoire aura sur le futur de nos réclamations sur les Chagos. Plusieurs critiques s’accordent même à dire qu’on s’est déjà trouvé dans cette position dans le passé sans aucun succès. Seul le temps nous le dira.
«Si mo pa réglé problem somaz, mo pa vinn divan ou ankor»
Après les élections du 11 juin 1982, Anerood Jugnauth, alors Premier ministre issu du MMM, décida de proposer une loi historique en rendant obligatoire les élections générales chaque cinq ans. Et aussi de rétablir les élections partielles.
À partir de 1983, Anerood Jugnauth, élu Premier ministre, cette fois du MSM, vient avec une série de mesures pour redresser l’économie. Avec la vision de Vishnu Lutchmeenaraidoo, ministre des Finances, Anerood Jugnauth fit fi des recommandations internationales de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour venir avec des mesures populaires comme l’enlèvement de la taxe sur le textile et les appareils électroménagers.
Connu comme le père de l’industrialisation, Anerood Jugnauth décide d’implanter des usines à travers toute l’île. Des bâtiments furent construits dans les grands villages pour abriter des usines. Les garçons et filles de la campagne sont recrutés dans ces usines.
Anerood Jugnauth, qui a été fait chevalier, ne cesse de répéter dans des rassemblements publics. «Bann tifi dan lakanpagn pa ti pé gagn maryaz parski tiéna boukou somer. Samem mo’nn désid pou amenn travay dan vilaz.»
En 1984, lors d’une cérémonie d’inauguration à Petite-Julie, village de la circonscription de Piton–Rivière-du-Rempart (n°7), des chômeurs étaient venus en grand nombre pour réclamer du travail. Il y avait environ 70 000 chômeurs dans le pays. «Sa problem somaz-la, nou pou réglé li. Mo donn ou mo parol. É si mo pa réglé li, mo napa vini anlor. Mo napa dibout kandida ankor.» Et il tint sa promesse.
SAJ est l’architecte de l’élimination des camps sucriers. Il n’acceptait pas que des gens vivent dans des conditions déplorables. C’est sous son Primeministership que la National Housing Development Corporation, devenue compagnie ensuite, allait être créée.
La National Development Unit, avec l’implantation d’une trentaine de Citizens Advice Bureaux à travers l’île, a vu le jour dans les années 80. Cela, pour aider à fournir des informations pratiques aux villageois.
Sir Anerood a toujours voulu mettre sur un pied d’égalité les villes et villages. C’est ainsi qu’il fit construire des infrastructures comme des centres communautaires dans plusieurs coins du pays. Des centres de santé aussi.
SAJ, redevenu Premier ministre en 2000, a contribué à la Cybercité d’Ébène. Et quelques années plus tard, il fit construire plusieurs collèges d’État dans les villes et villages.
Ses casseroles
À travers sa carrière politique, Anerood Jugnauth a aligné plusieurs casseroles qu’il a difficilement pu faire oublier à la population. En voici quelques-unes.
Le passage du côté obscur
Frustré par les prises de position de l’Independent Forward Bloc, parti grâce auquel il se trouve au conseil législatif dans les années 60, Anerood Jugnauth fait usage de la plateforme politique du controversé All Mauritius Hindu Congress (AMHC) emmené par Premchand Dabee. À une époque où le communalisme politique se pratiquait à visage découvert, l’AMHC était quand même considéré trop extrême. Jugnauth abandonna le navire assez rapidement mais les observateurs politiques lui reprocheront toujours cet épisode. Dans une interview accordée à l’express en 2003, il dira regretter cette décision en la justifiant quand même. «Je n’étais pas membre, mais me suis servi de cette plateforme parce que les partis au gouvernement ne faisaient rien pour rassembler ou motiver ceux qui qui étaient pro-indépendance. Et puis aussi en réaction à la campagne communaliste du PMSD.»
La traversée du désert
Dans ses six premières joutes électorales, datant de 1963 et s’étalant jusqu’à 1991, Anerood Jugnauth fut toujours élu par son électorat de Rivière-du-Rempart. Ce fut donc un choc quand il concéda sa première défaite en 1995, ne terminant que quatrième de sa circonscription. Ne voulant point disparaître du paysage politique, il essaya de faire son retour au Parlement durant une partielle à Flacq-Bon-Accueil en 1998. Il sera battu de 1 474 votes par Satish Faugoo, le candidat du PTr. Ce sera l’unique fois de sa carrière où il alignera deux défaites consécutives. Il parvint à faire son retour au Parlement en l’an 2000.
La passation de pouvoir Avant les élections générales de 2014, Anerood Jugnauth persuada la population que malgré son âge avancé, il pourrait servir comme Premier ministre pour un mandat de cinq ans. Différent son de cloche deux ans plus tard, quand il annonça lors d’une conférence de presse que son fils, Pravind Jugnauth, prendrait les rênes du pays dans un avenir proche. Pour une fois, il tiendra sa promesse et le leader du MSM devient Premier ministre le 23 janvier 2017. Cette passation de pouvoir est vivement critiquée par les membres de l’opposition et par plusieurs observateurs politiques. Des questions se posent même sur la constitutionalité de cette passation, étant donné qu’Anerood Jugnauth garde sa place au Conseil des ministres.
Introduction à la dictature
En 1992, alors qu’Anerood Jugnauth était dans sa dixième année consécutive au pouvoir, il prit la décision très controversée d’avoir l’effigie de son épouse sur le nouveau billet de 20 roupies. Le billet fut officielle- ment présenté le 20 avril, le jour de l’anniversaire de Sarojini Jugnauth.
Cette décision créa une vive polémique au pays et Navin Ramgoolam, leader de l’opposition à l’époque, qualifia le Premier ministre de dictateur. Sachant que cette polémique avait raison d’être, Rama Sithanen, ministre des Finances, dit que cette décision fut prise par Vishnu Lutchmeenaraidoo, son prédécesseur. Malgré une longue bataille juridique entre les deux, on ne sut jamais qui était responsable de cette décision.
Jugnauth fut même obligé de présenter des excuses officielles au Parlement une semaine plus tard, parlant d’une erreur de jugement de sa part. «Je ne répèterai jamais la même erreur que j’ai commise avec l’affaire du billet de 20 roupies mais j’en tirerai des leçons», dit-il aux membres du Parlement.
En dépit de la disparation éventuelle du billet de la circulation, ce fut l’un des plus grands scandales de l’ère Jugnauth.
Les «démons» face à Jugnauth
En 1995, le gouvernement de Jugnauth prit la décision de donner plus d’importance aux langues orientales. À partir de cette année, les élèves de la CPE pourraient faire valoir leur performance aux langues orientales pour une admission dans un collège. Cependant, une plainte fut logée en Cour suprême par le parent d’une élève n’ayant jamais étudié une langue orientale. Il raisonnait que cette initiative du gouvernement avait des bases discriminatoires. Fou de colère par cette action légale l’encontre de son gouvernement, Jugnauth dit haut et fort que ceux ayant logé cette plainte étaient possédés par «un esprit diabolique».
Avec cette exclamation, il eut la réputation d’avoir une dent contre les Créoles, une réputation qu’il dut défendre pour le reste de sa carrière et même jusqu’à la campagne électorale de 2014.
Le Sun Trust
Le quartier général du MSM, qualifié de «bâtiment de la honte» par les opposants de Jugnauth, est considéré comme le symbole même des abus du MSM dans les années 80. Après la prise de pouvoir du PTr et du MMM en 1995, le gouvernement décide même d’enlever ses bureaux qui y étaient présents au prix d’un gros effort financier qui finira dans la poche des Jugnauths. Malgré les multiples errances du parti depuis, le Sun Trust reste, à ce jour, l’un des exemples les plus concrets de ce que l’on reproche au MSM.
Son parcours politique
Loin du laxisme de son fils, Anerood Jugnauth a fait partie de cette catégorie de meneur d’hommes comme on n’en voit plus de nos jours. Ayant marqué l’histoire du pays comme Premier ministre et président de la République, l’homme avait ses qualités mais aussi ses défauts.
Avant de fonder le MSM en 1983, Jugnauth commença son parcours hétéroclite en politique deux décennies plus tôt avec l’Independent Forward Bloc (IFB) de Sookdeo Bissoondoyal. Malgré l’emprise évident du PTr sur le paysage politique de l’époque, Jugnauth fit rapidement forte impression.
Face à lui aux élections de 1963 se dressa Aunauth Beejadhur, qui était député travailliste au conseil législatif (prédécesseur de l’Assemblée nationale) depuis sa création en 1948. Ce dernier a même été le premier gouverneur de la Banque de Maurice quelques années plus tard, ayant aussi servi comme rédacteur en chef du journal Advance. Beejadhur ne fit malheureusement pas le poids face au néophyte de l’IFB qui le bat de 498 votes. Pour pouvoir gouverner sereinement à l’aube de l’Indépendance, Jugnauth fit donc immédiatement partie d’un gouvernement de coalition composé du PTr de Seewoosagur Ramgoolam, du Parti mauricien de Jules Koenig, du Comité d’action musulman de Abdul Razack Mohamed, d’un nominé représentant les vested interests et donc de l’IFB mené par Sookdeo Bissoondoyal.
Malgré les aléas que créèrent cette alliance, Jugnauth devint tout de même ministre du Développement en 1965 et ensuite ministre du Travail en 1967. Entre-temps, il se rendit à la conférence constitutionnelle de Londres en 1965 et prit aussi ses distances de l’IFB, rejoignant la plateforme du All Mauritius Hindu Congress emmenée par le sulfureux Premchand Dabee.
Indépendance
Il démissionna cependant de son poste et prit un congé politique avant les élections décisives de 1967 qui nous menèrent à l’Indépendance un an plus tard. Après sa première élection en 1963, il lui fallut attendre 13 ans pour en contester une nouvelle, cette fois-ci sous la banderole du MMM.
Jugnauth fit déjà partie du MMM depuis le début des années 70 mais Ramgoolam prit la décision d’organiser des élections générales seulement en 1976, neuf après les élections de 1967. Pendant ce temps, Jugnauth gravit les échelons au MMM et fut le choix du parti au poste de premier ministre en cas de victoire. Jugnauth passa in extremis en terminant troisième dans sa circonscription fétiche de Piton– Rivière-du-Rempart. Il devança Beergoonath Ghurburrun – le premier à passer à la trappe dans la circonscription – de seulement 32 votes ! Quant au MMM, il fut pour la première le plus grand parti du pays au niveau des députés. Mais avec le jeu des alliances, Ramgoolam resta au pouvoir pour encore six ans, ce qui permis à Jugnauth d’être leader de l’opposition pour la seule fois de sa longue carrière politique.
Puis, vint le temps de la consécration pour Jugnauth et le MMM. Au prix d’une alliance avec le Parti socialiste mauricien (PSM) d’Harish Boodhoo, Jugnauth et les siens raflèrent tous les sièges lors des élections générales de 1982, faisant tomber le PTr et Seewoosagur Ramgoolam qui gouvernaient depuis l’implémentation du conseil législatif en 1948. Mais la cohabitation entre Boodhoo, Jugnauth et Paul Bérenger, leader du MMM, ne dura pas longtemps.
Un an plus tard, Jugnauth quitta le MMM et déclencha des élections générales anticipées. Avec Boodhoo, Jugnauth fonda le MSM en 1983 et contracta une alliance avec le PTr et le PMSD. Cette nouvelle alliance remporta les élections aux dépens du MMM et causa même la défaite de Bérenger dans sa circonscription. Ce dernier garda son siège au Parlement grâce au Best Loser System.
Cette période fut sans partage pour Jugnauth qui resta Premier ministre jusqu’à 1995 avec l’aide des différents partis du pays, y compris le PMSD et le PTr dans la fin des années 80 ou même le MMM en 1991. Le plus gros coup dur de sa carrière arriva en 1995 où Jugnauth et le MSM affrontèrent l’électorat en compagnie du Rassemblent militant mauricien (RMM) de Prem Nababsing et Jean Claude de l’Estrac. Face à eux se trouvait une alliance composée du PTr emmené par Navin Ramgoolam et le MMM de Paul Bérenger. Le résultat fut une défaite cinglante pour Jugnauth et les siens avec le deuxième 60-0 de l’histoire. S’ensuivit une traversée du désert pour Jugnauth qui tenta un retour au parlement avec une partielle à Flacq–Bon-Accueil en 1998 mais il fut battu sèchement par le candidat du PTr Satish Faugoo.
Mais c’était sans compter sur la maîtrise de la plateforme politique qu’avait Jugnauth et qui s’évertua à retrouver la gloire avant de tirer sa révérence. Il conclut donc une alliance pour une énième fois avec Bérenger et le MMM. Cependant, l’accord entre les deux parties représentait une révolution pour la démocratie à Maurice avec un partage de pouvoir au poste de premier ministre. Trois ans pour Jugnauth et il deviendrait ensuite président de la République. Bérenger terminerait le mandat comme Premier ministre pour deux ans. Comme lors des deux dernières élections générales, le résultat fut sans appel mais cette fois-ci en faveur de l’alliance MMMMSM. Jugnauth obtint le droit de sortir par la grande porte et il devint président en 2003, prenant ainsi sa retraite de la politique active après quatre décennies.
On pensait avoir vu Jugnauth sur la scène politique pour la dernière fois mais la prise de pouvoir de Ramgoolam en 2005 changea la donne. L’entente entre Ramgoolam et Jugnauth fut compliquée. Mais le rapprochement entre son fils Pravind Jugnauth, qui était devenu entre-temps le nouveau leader du MSM, et Ramgoolam calma les choses. Le MSM partit en alliance avec le Parti travailliste aux élections de 2010 et revint au pouvoir, ce qui amena Anerood Jugnauth à rester comme président de la République.
Comme le dicte souvent la réalité de la scène politique à Maurice, cette accalmie ne fut que de courte durée. Après l’éclatement de l’affaire MedPoint, le MSM quitta le gouvernement. Voyant ici une opportunité, Bérenger parvint à convaincre Jugnauth de démissionner comme président et de retourner comme leader d’une alliance MMMMSM, le fameux Remake 2000. En 2012, Jugnauth revint ainsi à la politique active même si son fils resta comme le leader du MSM. Après presque une décennie au pouvoir, le but était de faire tomber Ramgoolam de son piédestal. Chose qui semblait d’ailleurs possible d’après les observateurs politique. Mais Bérenger fit faux bond et s’en alla contracter une alliance avec le PTr à l’aube des élections générales de 2014. Le but était de remporter une majorité absolue de sièges au parlement pour le MMM et le PTr afin de changer la Constitution et introduire la Seconde République.
Jugnauth et les siens se dirigèrent lentement mais sûrement vers une défaite cuisante aux élections. Le MSM se présenta aux élections sous la banderole de l’Alliance Lepep, accompagné du PMSD de Xavier-Luc Duval et du Muvman Liberater d’Ivan Collendavelloo. Après une campagne catastrophique de leurs adversaires, l’Alliance Lepep remporta contre toute attente les élections, ce qui permit à Anerood Jugnauth de devenir premier ministre pour la sixième fois après 1982, 1983, 1987, 1991, 2000 et donc 2014.
La suite fut très controversée avec le départ du PMSD à la fin de 2016, les multiples scandales comprenant des membres du gouvernement et éventuellement une passation de pouvoir contestée début 2017. Après deux ans à la tête de l’Alliance Lepep, Jugnauth délaissa son poste de premier ministre, ce qui ouvrit une voie royale à son fils pour prendre le pouvoir. Mais Anerood Jugnauth resta quand même au Conseil des ministres en temps que ministre Mentor, dans le but aussi d’éviter une élection partielle.
Malgré cette mise à l’écart et ses multiples écarts de langage depuis, Jugnauth resta au front bench du gouvernement au parlement, pour ce qui fut une fin dans l’ombre après une longue carrière pleine de controverses au devant de la scène.
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