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Saisies illicites: ces «manigances» de l’ADSU dévoilées…

25 mai 2021, 17:15

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Saisies illicites: ces «manigances» de l’ADSU dévoilées…

Ils sont souvent critiqués et sous les feux des projecteurs, non pas pour leur bon travail et les grosses saisies de substances illicites mais pour leur façon d’agir en général. Parfois vulgaires et violents, des officiers de la brigade antidrogue abuseraient de moyens «peu courants» pour compromettre des suspects.

Dans une vidéo postée sur son compte Facebook dans la soirée du dimanche 23 mai, Linley Tolbize, un habitant de Barkly de 32 ans, relate ce qu’il qualifie d’abus de pouvoir. Le vendredi 21 mai, dans l’après-midi, l’ADSU de Rose-Hill aurait débarqué chez lui pour une fouille et l’aurait brutalisé. Alors qu’il était chez un ami dans la région, sa mère devait l’informer que la police faisait une descente chez lui. Linley Tolbize rentre rapidement chez lui où il sera cueilli par l’ADSU qui aurait déjà envahi sa maison et isolé sa mère, sa belle-sœur et son fils de dix ans dans une chambre. «Zot inn blok mwa ek dir éna warrant pou fer lafouy.»

Les limiers de la brigade antidrogue auraient fouillé sa maison et n’auraient trouvé qu’une somme de Rs 80 000 dans sa chambre et une autre somme de Rs 20 000 dans une poche d’un pull de son fils. «Sa kas la mo ti gagn sa dan casino le 28 février kan mo ti al zwé. Mo pann kapav depoz li labank akoz enn madam laba ti dir mo bizin amenn resi pou dir kot kas la sorti. Avek konfinman mo pann reisi al pran resi la.»

Selon Linley Tolbize, un des membres de l’ADSU aurait compté l’argent devant lui et se serait ensuite emparé des Rs 20 000. «Ils ont compté Rs 80 000 devant moi mais au poste de police, ils ont déclaré la somme de Rs 66 000.» Son calvaire ne se serait pas arrêté là, dit-il. Les membres de l’ADSU lui auraient demandé de regarder sous son lit alors qu’ils venaient à peine de vérifier. Chose à laquelle Linley Tolbize aurait répliqué qu’il ne comprenait pas cette démarche cinq minutes après une vérification. «Monn trouv misié la ouver mo larmwar, tir enn ti boul dan so lamans ek poz sa parmi mo ban linz. Monn sipliyé li pa fer sa.»

Les membres de l’ADSU l’auraient ensuite emmené au poste de police de Rose-Hill. «Une fois sur place, ils ont mis la drogue sur une balance et le poids a doublé.» Linley Tolbize explique qu’il pense que cette descente n’est pas anodine. «J’ai l’habitude de m’associer à des amis dans le quartier qui n’ont pas un bon background. Ils ont dû penser que je trempe aussi dans ce genre de choses. Je n’ai aucun casier judiciaire.» Il s’en est remis à son homme de loi et compte entamer des poursuites légales.

Le rapport de la brigade antidrogue

Linley Tolbize a été arrêté le 14 mai à son domicile à Beau-Bassin par la brigade antidrogue de la division Ouest. L’opération a été supervisée par l’inspecteur et son équipe incriminés dans la vidéo qui circule sur les réseaux sociaux. Le cas est ainsi rapporté par l’équipe qui l’a arrêté et fouillé son domicile. Linley Tolbize, éboueur à la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, a été arrêté pour possession de synthetic cannabinoids for the purpose of selling. Deux colis contenant un sachet en plastique d’environ 6 g de drogue synthétique d’une valeur de Rs 30 000 et une somme de Rs 66 125 ont été retrouvés à son domicile.

Le DCP Choolun Bhojoo : «On va réagir selon les dispositions de la loi»

Suivant cette vidéo qui fait le buzz sur les réseaux sociaux, sollicité, le patron de la brigade antidrogue, le DCP Choolun Bhojoo (photo), réplique : «J’ai été informé de la vidéo qui circule, je vais la visionner et définitivement je vais réagir pour voir dans quelles circonstances il a été arrêté et ce qu’on lui reproche. On va écrire au commissaire de police pour demander qu’une enquête soit faite. Quelqu’un ne peut pas venir sur les réseaux sociaux et faire des allégations gratuites. À ma connaissance, il n’a fait aucune déclaration suivant cette allégation.»

L’inspecteur Doobaree porte plainte pour «breach of ICTA»

Se sentant diffamé par les propos du poste sur Facebook de Linley Tolbize, l’inspecteur Doobaree, de l’ADSU de Rose-Hill, a porté plainte hier après-midi au Central Criminal Investigation Department (CCID) aux Casernes centrales pour breach of Information and Communication Technologies Act (ICTA) contre l’internaute qu’il avait arrêté le vendredi 14 mai pour trafic de drogue. L’inspecteur Doobaree considère que l’habitant de Beau-Bassin a enfreint la loi par ses pro- pos postés sur Facebook dimanche. Dans sa plainte, il explique que l’équipe de l’ADSU qu’il dirige avait perquisitionné la maison de cet homme dans l’après-midi du 14 mai. De la drogue synthétique d’une valeur de Rs 30 000 et une somme de Rs 66 125 soupçonnée de provenir de la vente de cette drogue avaient été saisies.

Le suspect avait donné sa déposition en présence d’une avocate et ne s’était à aucun moment plaint de son arrestation ou concernant la drogue et l’argent saisis à son domicile. Le samedi 15 mai, il a été traduit devant la Bail and Remand Court à Port-Louis. Une motion pour sa remise en liberté a été présentée le même jour et le magistrat y a accédé. Il a payé une caution de Rs 50 000 et une reconnaissance de dettes de Rs 100 000 pour retrouver la liberté conditionnelle. À aucun moment il ne s’est adressé au magistrat pour se plaindre et encore moins au tribunal de Rose-Hill le lundi 17 mai quand son accusation provisoire a été logée.

À l’ADSU de Rose-Hill comme à son quartier-général aux Casernes centrales, les policiers sont remontés contre la circulation de cette vidéo qui vient ternir l’image de cette équipe. «Pa kapav asté nou. Sel fason ki li ena sé ternir nou répitasion ek nou limaz», disent ces policiers. Quoi qu’il existe des corrompus dans la force policière et dans différents départements, il ne faut pas faire d’amalgame, insistent-ils. Lors de son arrestation, le suspect avait avoué que la drogue trouvée en sa possession était pour sa propre consommation et que l’argent proviendrait de ses gains au casino.

Pour ce qui est de l’inspecteur Doobaree, tous ont tendance à dire que c’est un officier irréprochable qui a toujours fait son travail dans les règles. Il compte plus d’une quinzaine d’années au sein de l’ADSU et presque 30 ans dans la police. Des coups bas de ce genre n’affectent pas seulement l’homme dans sa fonction, mais ils détruisent aussi sa famille, confie un haut gradé de la police.

Par ailleurs, le commissaire de police sait pertinemment bien qu’il y a des brebis galeuses dans la police et voudrait que ça s’arrête. Il a ainsi rappelé à l’ordre les policiers lors d’une fonction vendredi. «Agir de façon juste en toute impartialité et intégralité.» C’est le premier principe d’éthique que les policiers doivent respecter dès qu’ils prêtent serment. Il a, en outre, expliqué qu’aucun écart de conduite ne sera toléré et il a demandé à ceux promus de choisir la voie qu’ils veulent prendre.

Autres arrestations similaires

Cas John Brown: des images CCTV démentent la version de l’ADSU

Quelques jours après que John Brown, présumé trafiquant de la Cité Ste-Claire, à Goodlands, a porté plainte contre la police, une demande d’enquête sur les officiers qui ont débarqué à son domicile le 29 avril 2020 a été faite par son avocat Me Rouben Mooroongapillay. Ce jour-là, des éléments de l’ADSU de l’Eastern Division, la Helicopter Squadron, la MARCOSS, le GIPM, la SSU, sous la supervision du DCP Bhojoo, débarquent à Cité Ste-Claire, pour mettre la main sur le présumé trafiquant. 34,68 g d’héroïne, 7,87 g de drogue synthétique, 15 sachets d’héroïnes, 96 doses d’aluminium d’héroïne et 420 petits sachets de drogue synthétique, le tout valant Rs 1 395 250, sont retrouvés dans un sac en plastique que tenait John Brown, selon la police. Le présumé trafiquant ne cesse de clamer son innocence et allègue avoir aussi été victime de brutalités. Tournure d’événement : ses avocats fournissent des images d’une caméra de la région, montrant que le jour de son arrestation, John Brown n’avait entre les mains que son téléphone. Cette affaire fait grand bruit aux Casernes. Certains policiers parlent de planting of evidence.

Affaire Gro Dereck: gros versements sur le compte bancaire de l’inspecteur Rujub

Dans le rapport de la commission d’enquête sur la drogue présidée par l’ex-juge Paul Lam Shang Leen, il y avait des allégations que l’inspecteur Assaad Rujub et des membres de l’ADSU de Plaine-Verte auraient volé de l’argent et de la drogue à l’endroit où Gro Derek avait été arrêté. Selon un suspect dans l’affaire Gro Derek, les policiers auraient remplacé une partie de la drogue par du glucose. Quelque temps après l’arrestation de Gro Derek, de gros versements d’argent avaient été faits sur le compte en banque de l’inspecteur Rujub. La commission Lam Shang Leen évoque «a large single deposit» de Rs 1 560 375.La commission avait constaté que Rs 50 000 en espèces ont été déposées sur son compte en décembre 2014, Rs 50 000 en mars 2015 et Rs 100 000 le 8 mai 2015.Ce que la commission trouvait «very suspect», surtout dans le sillage des allégations contre l’équipe de l’inspecteur pour vol d’argent.

L’arrestation du trafiquant de drogue par l’équipe de l’ADSU de Plaine-Verte menée par l’inspecteur Rujub semblait «very suspicious», d’autant que Gro Derek n’opérait pas dans sa juridiction alors que cette équipe n’avait «jamais pu mettre la main sur les membres du gang de Siddick Islam», auquel appartiendrait Khalil Ramoly. Autre élément troublant : le financement des études de droit de l’inspecteur en Angleterre. La commission fait remarquer que la paie d’Assaad Rujub ne lui aurait pas permis de s’acquitter de tels frais, ni du logement. Explications d’Assad Rujub : sa sœur et lui avaient reçu un héritage de Rs 1,4 million de leurs voisins décédés en 2010.

Accusation provisoire de corruption contre deux ex-officiers de l’ADSU

L’Independent Commission against Corruption (ICAC) enquête toujours sur deux policiers arrêtés le 16 octobre 2020 pour corruption. Un sergent et une policière faisaient l’objet d’allégations de corruption alors qu’ils étaient affectés à l’ADSU du port. Ils avaient été, dans un premier temps, mutés à la force régulière avant d’être arrêtés par l’ICAC sous une accusation provisoire de corruption. Ils sont depuis suspendus de leurs fonctions.

Leur arrestation faisait suite à une saisie au domicile d’un habitant de d’Épinay. Selon les enquêteurs de l’ICAC, les deux policiers y avaient saisi une somme de Rs 625 000. Toutefois, ils n’avaient restitué que Rs 392 000 à son propriétaire. L’ICAC avait constaté qu’il n’y avait aucune entrée dans le diary book de l’ADSU à ce sujet. Ces deux policiers faisaient partie de la même équipe de l’ADSU qui avait perquisitionné la résidence de la directrice de Naz Travel and Tours, où la somme de Rs 9,5 millions avait été saisie comme pièce à conviction et qui aurait disparu. C’est après avoir pris connaissance de ce cas dans la presse que l’habitant de d’Épinay avait saisi la commission anticorruption.

Un ancien officier : «Il ne faut pas généraliser»

«Il serait exagéré de dire que tous les officiers de l’Anti Drug & Smuggling Unit procèdent de la même façon lors des opérations. Ce n’est pas un mythe que des ‘grosses têtes’ sont piégées mais ce n’est pas dans tous les cas. Nou pa bizin zénéraliz enn ka ek bafoué travay bann ofisié ki pé riské zot la vi toulé zour lor térin», avance un policier, qui a servi environ cinq ans dans l’unité antidrogue.

Les rouages du métier, il les connaît par cœur. Pour lui, il est probable que les policiers placent eux-mêmes de la drogue sur un individu, mais uniquement quand ils savent que cette personne est trempée jusqu’à la moelle dans l’univers de la drogue et que chaque intervention jusqu’ici s’est révélée infructueuse. «Ils savent que cette personne est liée et lui donnent en quelque sorte une leçon. Nou pa pé koz vanzans. Zis enn kraking pou ki li gagn enn léson…»

Procédé illégal certes, mais les ordres, fait-il ressortir, ne viennent pas d’une seule personne. Souvent, la ruse est planifiée bien avant et prise par les «chefs» eux-mêmes. «C’est la parole d’une personne, le présumé accusé contre une dizaine, voire plus, de policiers. Et surtout si vous êtes connu des services de police, cela n’arrange pas votre sort.» Toutefois, poursuit notre interlocuteur, cela ne concerne nullement les toxicomanes ou les consommateurs. «Il n’y a pas lieu de faire cela uniquement pour nuire à un individu. Éna koz zis pous vanzans. Manti. Toute une équipe ne sera pas complice de votre vengeance envers une personne que vous n’aimez pas ou contre qui vous avez une dent. Ce n’est pas logique…»

Quid de l’argent et autres objets volés lors d’une perquisition ? Les policiers que nous avons interrogés réfutent tous cette thèse et parlent de «fausse image véhiculée sur les forces de l’ordre depuis toujours». Selon eux, la plupart des fouilles faites à des domiciles sont entreprises sous le regard des autres membres de la famille ou de la personne incriminée, elle-même. «Des fois, quand des sommes d’argent et de la drogue sont découverts, même s’il s’agit d’une somme minime comme Rs 1 500 ou Rs 1 800, nous la déclarons et la mettons sous scellés. Sinon sa osi nou ti kapav pran.»

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