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Le Covid-19 redessine le paysage économique

31 décembre 2020, 11:30

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Le Covid-19 redessine le paysage économique

L’année qui tire tristement à sa fin aura été marquée par l’éclatement du Covid-19 et ses conséquences économiques et sanitaires qui ont redessiné le paysage économique mondial. À Maurice, la pandémie a mis l’économie à genoux, causant une contraction du produit intérieur brut (PIB) de plus 15,2 %, qui est redescendu à Rs 428 milliards. Il faut remonter aussi loin que 1980 pour expérimenter une telle crise économique.

Du coup, tous les experts économiques et d’institutions financières internationales comme le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale affirment que Maurice a été plongé dans une récession économique et qu’il faudra attendre plus d’une année pour retrouver le niveau de croissance pré-Covid, déjà bas, à 3 %, en 2019.

D’ailleurs, le ministre des Finances, Renganaden Padayachy, qui se targue de pouvoir enregistrer une croissance de 9 % l’année prochaine, doit savoir que ce taux est le résultat d’un rebond technique d’une croissance négative de plus de 15 % en 2020. Car plus la contraction est conséquente, plus le rebond sera élevé vu qu’il est calculé sur une base plus faible.

Comme il doit également revoir sa copie sur le déficit budgétaire, lui qui se flattait, au Parlement, d’avoir présenté, dans une tempête économique, un budget équilibré. Or, son ministère traînera un déficit budgétaire de 11,4 % à l’issue de l’année fiscale de 2021. Et ce, après le refus du FMI de considérer la manne financière de Rs 60 milliards de la Banque de Maurice comme un revenu de l’État.

Face aux urgences économiques et des craintes d’une vague de licenciements suivant le confinement national et l’arrêt des activités économiques pendant trois mois en mars, le gouvernement a dû, à l’instar d’autres pays, déployer un plan de relance de Rs 180 milliards pour vivifier l’économie. Plus particulièrement les secteurs productifs et gros employeurs de bras comme la manufacture, le tourisme, la construction et l’agro-alimentaire.

Entre-temps, le second gouvernement de Pravind Jugnauth a dû étendre le Wage Assistance Scheme (WAS) et demander à la Banque de Maurice de reporter à juin 2021 le moratoire accordé aux banques commerciales pour permettre aux entreprises et aux individus de rembourser leurs emprunts.

Une démarche visant à empêcher que le pays s’enfonce dans une crise sociale face aux menaces de certains opérateurs de dégraisser leur personnel au début de l’année prochaine, suivant la conjoncture économique difficile. Alors que, pour d’autres entrepreneurs, c’est carrément des dépôts de bilan. Le ministre Padayachy, qui avait déjà prévu en avril 100 000 chômeurs en 2020, a révisé à la baisse son chiffre à 50 000, soit 8,3 % de la population active. Mais les spécialistes croient dur comme fer que le pire est à venir.

Enter MIC

Dans le même registre, la Banque de Maurice a incorporé une filiale, Mauritius Investment Corporation (MIC) avec un capital d’investissement de Rs 80 milliards en dollars, puisé de ses réserves internationales, pour financer les entreprises systémiques opérant principalement dans le tourisme, le textile et la construction. Des coussins de liquidités pour éviter des licenciements en alimentant les trésoreries de ces grosses sociétés face à un assèchement du crédit.

Une décision toutefois décriée par les experts quant à l’opacité entourant ses transactions, ainsi que les conditions particulièrement avantageuses accordées aux bénéficiaires, notamment le long délai de remboursement, près de neuf ans, et les risques qu’ils soient éventuellement insolvables. Mais aussi en raison d’une occasion ratée de l’État de procéder à une véritable démocratisation de l’économie.

À ce jour, deux grosses pointures hôtelières, Lux Resorts et Sun Resorts, ont bénéficié de fonds de la MIC et une troisième, NMH Ltd, est sur la liste. L’argument des opérateurs hôteliers est simple : la fragilité financière du secteur hôtelier s’explique par la fermeture des frontières depuis le 19 mars, résultant de l’interdiction aux touristes de fouler le sol mauricien. Ce qui, du coup, a mis à genoux ce secteur, condamné à faire appel aux financements de l’État.

Certes, il y a eu une ouverture partielle depuis le 1er octobre, mais les hôteliers font de la pression pour une ouverture totale. Une démarche à laquelle le Premier ministre, Pravind Jugnauth, s’est opposé jusqu’ici, en brandissant la menace sanitaire. Toutefois, même si l’effet de la pandémie a réduit comme peau de chagrin l’ambition de cette industrie, celle-ci était déjà sous perfusion bien avant la crise, avec une contraction des arrivées touristiques de 1,1 % en 2019. Du reste, les professionnels s’attendent à retrouver les recettes d’avant crise pas avant octobre 2022.

Mauvaise gestion à  MK

Certes, l’année 2020 aura été marquée par d’autres événements ne découlant pas directement de la crise économique. C’est le cas aussi de la mise en administration volontaire de la compagnie nationale aérienne, le 22 avril. «The writing was on the wall», se disaient les spécialistes financiers et ceux de l’aviation, nullement choqués après qu’Air Mauritius (MK) a été placée en administration volontaire.

Si l’effet économique de la pandémie, avec les restrictions imposées aux voyages, a contribué à fragiliser la situation financière de MK, c’est davantage la mauvaise gestion financière, couplée à un endettement massif, qui a contribué à son crash après 52 ans de présence dans notre ciel. La suite, on la connaîtra avec le «watershed meeting» prévu en juin 2021. À savoir, si Air Mauritius, malgré l’injection de Rs 9 milliards de l’État, sera en mesure de voler après 14 mois clouée au sol.

Cerise sur le gâteau, la Contribution sociale généralisée (CSG), venue remplacer le Plan national de pensions depuis le 1er septembre, empoisonne les relations gouvernement / secteur privé. Face à l’intransigeance du ministre des Finances d’assouplir ce nouveau régime, Business Mauritius (BM) a dû faire appel à la Cour suprême, qui a tranché dans un ordre intérimaire en coupant la poire en deux. D’abord que l’argent prélevé pour la CSG soit gardé dans le Consolidated Fund et, qu’ensuite, jusqu’à la fin du procès, l’État fasse provision pour suffisamment de fonds pour compenser BM si celui-ci remporte le procès quand la cour se penchera sur le main case l’année prochaine.

Au-delà de cette bataille juridique, actuaires comme employeurs sont convaincus que la CSG n’est ni plus ni moins qu’une nouvelle charge sociale imposée aux entreprises. Le but : récolter une partie de fonds visant à financer la promesse électorale de 2020 pour porter la pension de retraite à Rs 13 500 pour ceux atteignant 65 ans en 2023.

Alors que Renganaden Padayachy clôturait son premier discours du Budget, le 4 juin 2020, sur sa «nouvelle normalité», on peut se demander si, après une année de Pravind Jugnauth bis, sa gouvernance, marquée par une succession de scandales, les uns plus surprenants que les autres, ne tranche pas avec «l’économie de la vie» de son ministre. Alors même que des questions se posent sur la confiance dont jouit son gouvernement pour gérer les défis post-Covid.

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