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Alerte orange. Naufrage national au choix
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Alerte orange. Naufrage national au choix

«Le pays est à genoux.»Tel fut le constat de Pravind Jugnauth lors de sa rencontre, le 13 mai, avec le Kolektif Konversasion Solider au Prime Minister’s Office, dans le cadre du déconfinement suite à la pandémie du Covid-19. Trois mois plus tard, sous son leadership, le pays n’est plus à genoux, il est à terre, et le peuple se noie peu à peu dans un océan grandissant de confusion, de répression et de frustration contre un gouvernement qui s’est irrémédiablement déconnecté de lui.
Le pays est à terre parce qu’Air Mauritius ne vole plus, il coule. Le pays est à terre parce que la State Bank of Mauritius coule, avec une réduction record de ses bénéfices sur la dernière année financière. Le pays est à terre parce que les finances de l’État sont tellement maigres que le gouvernement doit puiser des réserves de la Banque centrale afin d’assurer le Budget annuel du pays. Le pays est à terre parce que notre gouvernement a peur de rouvrir nos frontières aux touristes, quitte à laisser mourir le pilier économique principal de notre République.
Le pays est à terre parce que l’inaction du gouvernement pendant les 12 jours suivant le naufrage du Wakashio a grandement contribué à occasionner une marée noire sans précédent à Maurice. Le pays est à terre parce que le Premier ministre nous a fait honte à l’international en s’exprimant comme un débutant hagard sur une des chaînes télévisées les plus regardées à travers le monde jusqu’à ce que la connexion soit coupée, à l’ère du Mauritius-Cyber Island.
Le peuple est confus parce qu’on lui dit que son pays est Covid-safe, mais on exige qu’il porte un masque en public, sous peine d’une amende exorbitante. Le peuple est confus parce qu’après moins de 250 jours au pouvoir, le Premier ministre a révoqué son vice-Premier ministre sur la base d’un document qu’eux seuls ont vu. Ils sont tous deux payés des fonds publics, mais le public n’a pas le droit de connaître les détails contenus dans le document en question.
Le peuple est confus, car celui qui se fait révoquer comme vice-Premier ministre a toujours le soutien du Premier ministre. Le peuple est confus, car le Covid-19 semble avoir été l’occasion rêvée pour que des proches du pouvoir fassent des affaires juteuses à travers des emergency procurements. Le peuple est confus parce que des occupants du Prime Minister’s Office disent des choses à la radio mais le contenu de leur e-mail semble démontrer l’absolu contraire.
Le peuple se sent opprimé parce que uniquement 37 % de la population a voté pour ce gouvernement, mais tout le monde doit subir ce choix. La population se sent opprimée parce que son Assemblée nationale est sous la houlette d’un speaker qu’elle n’a ellemême pas élu, mais dont elle doit subir les vociférations et le favoritisme apparent. Le peuple se sent opprimé parce que des lois lui sont imposées afin de le décourager de s’exprimer sur les réseaux sociaux et, quand il le fait en défaveur des gouvernants, il se fait arrêter par la police. Le peuple se sent opprimé parce que ceux d’entre eux qui sont fidèles à certaines presses n’obtiennent pas toutes les informations, car certains journalistes sont repoussés des conférences de presse du chef du gouvernement. Cette attitude discriminatoire de l’État et de ses institutions, à tous les niveaux, nous étouffe. Les fondements de notre société, tels que la justice sociale, l’égalité et la liberté, sont en péril, car ils semblent être sacrifiés sur l’autel du pouvoir politique.
Les Mauriciens sont frustrés parce que la télévision nationale ressemble plus à une télévision politique. Les Mauriciens sont frustrés parce qu’un parlementaire inconscient peut se permettre de faire référence au Code Noir à l’Assemblée nationale impunément. La population est frustrée parce que beaucoup de cas sont référés à l’ICAC, mais rien ou peu en ressort.
Les Mauriciens sont frustrés parce que certains simples citoyens qui ont aidé à pomper l’huile lourde de la mer sont punis alors que ceux au sommet de l’État qui n’ont rien fait pour empêcher que l’huile ne s’échappe du Wakashio sont toujours tolérés, impunément. La frustration des Mauriciens est grandissante, car certaines conférences de presse tenues au bureau du Premier ministre par certains ministres ressemblent à des tirades politiques qui devraient plutôt être tenues au Sun Trust, mais le pouvoir semble confondre pouvoir administratif et excès politique.
Le peuple est surtout en colère parce que la perception générale est que le MSM et ses partisans ont tous les droits alors que le reste de la population a moins de droits qu’eux. L’île Maurice ressent un malaise envers une police qui, semble-t-il, sert loyalement le pouvoir au lieu de servir le peuple. Le peuple mauricien est en colère contre le pouvoir parce que ce dernier semble être incapable de dissocier politique et religion. Le peuple est en colère car son Premier ministre n’a ni l’humilité, ni la clairvoyance pour simplement lui dire ces deux mots : «Pardon » et «Merci». Au contraire, il persiste dans son erreur en croyant que l’État a toujours raison. La rue doit se mobiliser et va enfin se mobiliser afin de lui donner tort.
Jugnauth prétend être le contraire de Ramgoolam. Pourtant, il a le même secrétaire financier que Ramgoolam. Jugnauth décriait hier le CCID répressif sous Ramgoolam. Pourtant, la personne en charge du CCID sous Jugnauth est la même que sous Ramgoolam. Jugnauth dénonçait les constructions routières désastreuses, notamment le tronçon Terre-Rouge– Verdun, sous Ramgoolam. L’autopont Decaen sera fermé pendant six mois sous Jugnauth pour les mêmes raisons que sous Ramgoolam. Jugnauth dénonçait l’accaparement du pouvoir par des proches de Ramgoolam. Le même type d’accaparement est pratiqué aujourd’hui, sous Jugnauth. L’on serait tenté de se demander si Jugnauth n’est finalement pas inconsciemment un fervent disciple de Ramgoolam. S’il ne l’est pas, la continuation, dans la forme et dans le fond, des pratiques perpétuées sous l’ère Ramgoolam, tend à le démontrer. Tout semble tolérable et excusable pour le MSM si Ramgoolam a fait la même chose avant. Sauf que Ramgoolam, lui, a déjà fait son mea-culpa au peuple, ayant l’humilité de reconnaître ses torts et ses erreurs.
Les visages changent à chaque élection, mais les pratiques restent les mêmes ou empirent. Cela ne changera pas tant que les politiciens n’auront pas peur du peuple, car ce sont les politiques qui doivent craindre la population et non l’inverse. Tel n’est pas le cas aujourd’hui mais il peut l’être demain, à condition que nous agissions ensemble pour le bien commun et dans l’intérêt commun. Ceux qui sont au gouvernement aujourd’hui ne le seront plus demain et ceux qui sont dans l’opposition aujourd’hui ne le seront plus demain.
Cependant, nous, les simples citoyens, devons rester au pouvoir en permanence afin que ceux au gouvernement travaillent pour nous en permanence, en se focalisant sur les intérêts nationaux au lieu de se focaliser sur leurs intérêts personnels ou politiques, comme il semble être le cas en ce moment. Pour être au pouvoir, il faut prendre le pouvoir. Pour prendre le pouvoir, il faut s’unir dans la solidarité participative. Cette possibilité qui, hier encore, semblait surréaliste pour les Mauriciens, existe aujourd’hui. Il appartient à chacun d’entre nous de saisir cette chance. 42 élus constituent peutêtre une majorité au Parlement, mais 42 élus sur une population de 1,3 million de Mauriciens constituent une infime minorité. Le pouvoir du nombre peut faire tomber n’importe quel adversaire.
Que nous soyons politiciens, simples citoyens, policiers ou fonctionnaires, nous sommes mauriciens avant tout. Quand l’île Maurice souffre, c’est chacun de ses habitants qui souffre, indistinctement. Ensemble nous pouvons nous relever, affronter les défis et sortir vainqueur, mais si nous restons divisés par des intérêts individuels, pouvoiristes ou partisans, si nous succombons à notre ego ou à l’arrogance, alors nous ferons naufrage et deviendrons encore plus la risée du monde. Il n’est jamais trop tard pour mieux faire !
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