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Dr Harry Phoolchund: Rehausser le niveau de la santé publique

16 février 2019, 11:07

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Dr Harry Phoolchund: Rehausser le niveau de la santé publique

Être la voix des gens au bas de l’échelle sociale par rapport à ce que devrait être la santé publique à Maurice. C’est le rôle qu’entend jouer le Dr Harry Phoolchund, spécialisé en médecine du travail. Il a lancé, au début du mois, le People’s Health Movement – Mauritius.

Le nom de ce mouvement a une connotation gauchiste, voire socialiste. On n’est pas loin du compte puisque l’objectif du Dr Phoolchund, qui a été nourri dans sa jeunesse au biberon du Mouvement militant mauricien socialiste progressiste (MMMSP) et puis à celui du Mouvement militant mauricien (MMM), est que la santé publique à Maurice se structure mieux et soit plus juste pour tous.

Cet ancien élève du collège Royal de Curepipe présidait le club de l’Unesco dans cet établissement scolaire jusqu’à ce qu’il côtoie les membres gauchisants du club Think-in, qui défendaient farouchement la langue créole et la justice sociale. On est alors au début des années 70. De fil en aiguille, il adhère aux idées du MMMSP et lorsqu’il décroche ce qu’on appelait à l’époque la bourse d’Angleterre, il part étudier la médecine en Grande-Bretagne.

Dans ce pays, sa route croise celle de l’étudiant Steven Obeegadoo avec qui il se lie d’amitié. Plus tard, il rencontre aussi Paul Bérenger, un des fondateurs du MMM et actuel leader de ce parti. Durant ses années estudiantines, le Dr Phoolchund est actif auprès du Labour Party car son cœur est bien à gauche. En 1992, il regagne Maurice en tant que spécialiste en médecine du travail et conseille le ministère de la Santé, pour un petit salaire.

La médecine du travail est encore méconnue à cette époque à Maurice. Le Dr Phoolchund agit aussi comme médecin du travail à la British American Tobacco (BAT) où il est actif entre 7 et 9 heures. En 1993, il ouvre un cabinet privé de consulting en médecine du travail et environnement. Il fait des Environment Impact Assessment pour des sociétés engagées dans divers projets.

 Comme il a conservé intactes ses idées politiques, il intègre le MMM et fait campagne pour les élections de 1995. En 1996, il se présente aux municipales et est élu sous la bannière des mauves. Il a le vent en poupe puisqu’il est coopté au comité central et est aussi un membre clé de la commission santé du MMM. Un flottement à son égard au sein du parti l’incite à s’en distancer après la victoire de l’alliance MMM-MSM aux élections de l’an 2000. Son ami Steven Obeegadoo, qui occupe le maroquin du ministre de l’Éducation, le coopte comme président du Technical School Management Trust Fund et de la Tertiary Education Commission. Marié à une infirmière malaisienne, il est père de trois filles, qui sont scolarisées à Maurice.

En 2007, comme la fermeture prochaine de la BAT coïncide avec le fait que sa fille aînée ait obtenu la bourse d’État et qu’elle ira étudier la médecine en Grande-Bretagne, la famille Phoolchund remballe ses affaires et part s’installer à Londres. Le Dr Phoolchund a travaillé comme spécialiste en médecine du travail et est actuellement Chief Medical Officer au sein d’une compagnie de chemin de fer. Sa fille aînée et sa benjamine ont étudié la médecine. La cadette, elle, a opté pour des études d’ingénieur.

Par plaisir, le Dr Phoolchund décide en 2018 de reprendre les études et opte pour une formation à distance en dermatologie auprès de l’université de South Wales afin d’obtenir un Master. Sa thèse de maîtrise est une étude comparée sur la gestion par la Grande-Bretagne et les pays européens et scandinaves de la dermite de contact – réaction cutanée résultant de l’exposition aux substances allergènes ou irritantes – qui affecte généralement les travailleurs en contact avec des produits chimiques.

«En Grande-Bretagne, les dermatologues connaissent peu la médecine du travail. Ensuite, dans ce pays, on doit obligatoirement consulter un généraliste qui va vous référer à un spécialiste s’il l’estime nécessaire. On n’a pas un rendez-vous facilement avec un spécialiste. Ce qui cause des lacunes dans la prise en charge et le traitement des dermites de contact. Ma thèse a mis en avant les lacunes dans la prise en charge de cette maladie en Grande-Bretagne.» Il y a notamment recommandé une meilleure coordination entre le généraliste et le spécialiste.

Surpris par les négligences

Le Dr Phoolchund revient à Maurice tous les ans pour les vacances et, même à l’étranger, suit tout ce qui s’y passe à travers la lecture des journaux en ligne. Il est surpris par le nombre de critiques et de cas de négligences médicales dans la santé publique à Maurice. Ayant rejoint le People’s Health Movement, réseau international regroupant des médecins, des infirmiers et des travailleurs de santé et qui a des branches à Londres, en Afrique du Sud, en Inde, au Bangladesh, dont l’objectif est de rehausser la qualité de la santé publique, il décide, à l’approche de sa retraite, de lancer à Maurice une branche de cette organisation. Il s’appuie sur la logistique de son ami, Son Balooa, travailleur social actif à Sébastopol, pour lancer ce mouvementle 9 février, dans cette localité.

«La santé est un droit humain, que l’on ait les moyens ou pas. Il faut que les personnes au bas de l’échelle sociale prennent conscience de leurs droits et sachent comment se mobiliser pour exiger qu’elles aient accès à des services de santé de qualité.» Il ajoute qu’il existe des organisations non gouvernementales qui militent en faveur d’une amélioration de la qualité des soins mais qu’elles n’ont pas un agenda politique. «Le People’s Health Movement peut parler politique», affirme-t-il.

Que préconise-t-il justement pour rehausser le niveau de la santé publique à Maurice ? À l’écouter, il ne faut pas réinventer la roue. «Les dispensaires peuvent disposer d’une base de données des personnes souffrant de maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension. Il faut étoffer ces bases de données et les créer si elles sont inexistantes et faire un suivi régulier de ces malades qui vivent dans leur zone. Il faut une approche plus structurée, organisée», dit le Dr Phoolchund, qui précise bien qu’il ne s’agit pas d’une question d’argent mais «de leadership au niveau des autorités. C’est adopter une approche evidence-based. Des guidelines spécifiques doivent être mises en place et appliquées au niveau des communautés locales».

 Par rapport aux patients, ces derniers doivent obtenir une charte de leurs droits, notamment le droit à la confidentialité ou encore le droit d’être informé par le médecin de ce dont ils souffrent et comment ils seront traités. «Le patient doit être informé et consulté par rapport à toutes les décisions le concernant.»

Lui et son ami Son Balooa, qu’il a nommé coordonnateur du People’s Health Movement – Mauritius, veulent réunir les gens au bas de l’échelle sociale de différentes localités, les faire réfléchir et leur faire «prendre conscience de leurs droits, les éduquer sur ce que devrait être la santé publique et s’il le faut, les amener à se mobiliser pour formuler des demandes. Il n’y a pas de voix pour la santé publique dans la société mauricienne alors qu’il en faut une. Je veux être le catalyseur.»

Ce médecin de 64 ans compte revenir à intervalles réguliers à Maurice pour un suivi du People’s Health Movement – Mauritius. «Il paraît que nous sommes à un an des élections générales. Nous devrons faire les partis politiques réfléchir sur leurs propositions par rapport à la santé…»

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