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Pour brider la liberté d’expression
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Pour brider la liberté d’expression
Le projet de loi a été adopté presque en catimini. Derrière ces amendements, se cache une menace. Celle que n’importe quel journaliste «agace» le pouvoir en place parce que son article ou sa caricature sera repris sur les réseaux sociaux. Avec dix ans de prison à la clef…
La liberté d’expression, droit constitutionnel, est un pilier aussi important que la liberté de la presse dans une démocratie. Les deux, quand ils agissent comme contre-pouvoir peuvent être source d’annoyance (ou d’agacement) pour ceux au pouvoir. Les amendements apportés au Judicial and Legal Provisions Bill, voté la semaine dernière au Parlement, semblent vouloir faire d’une pierre deux coups. Si l’Attorney General, Maneesh Gobin, avance que le gouvernement n’a pas d’agenda liberticide, mais tente seulement de mettre un frein au dénigrement sur les réseaux sociaux, de l’autre côté de la barrière citoyenne, l’on pense différemment.
Pour le Senior Lecturer à l’université de Maurice, Rajen Narsighen, cette loi peut être contestée. Il estime que la liberté d’expression est menacée. «L’article 12 de la Constitution de Maurice prévoit la liberté d’expression avec une dérogation. Il y a une provision pour poursuivre en diffamation l’auteur d’un article par la personne qui se sent visée. Maintenant, si cet article est reproduit sur des réseaux sociaux, l’auteur de cet article risque des peines très lourdes, allant jusqu’à dix ans d’emprisonnement.»
Amendements dangereux
Rajen Narsighen réclame ainsi que des journalistes ou la société civile contestent cette loi. «Au début, beaucoup de personnes estimaient que c’était une loi anodine. Mais, après, on a réalisé que cette loi bloque la liberté d’expression.»
Nad Sivaramen, chef des rédactions de La Sentinelle, avance que ces amendements sont dangereux car la définition du délit est vague. «Est-ce que, demain, des politiciens au pouvoir peuvent s’en prévaloir pour emmerder davantage qu’ils ne le font déjà, les journalistes libres et indépendants de ce pays ? Dans ce cas-là, mes collègues Pov, Touria Prayag, Michaëlla Seblin, Axcel Chenney, KC Ranzé, Anju Ramgulam, El Figaro et moi-même-, bref n’importe qui critique Lakwizinn, à La Sentinelle ou ailleurs-, pourrons être interpellés ou arrêtés n’importe quand, surtout dans ce climat électoral...»
Henri Marimoootoo, journaliste de carrière, soutient que le pays fait marche arrière. Alors que certains pays d’Afrique ont décidé d’abolir des lois sur la diffamation, ici, on renforce des lois pour réduire la liberté d’expression. Il estime lui aussi que cette loi peut être contestée. «Moi, j’écris pour les lecteurs. Si quelqu’un décide de poster l’article sur les réseaux sociaux, ce n’est pas ma faute. Que celui qui se sent visé me poursuive en diffamation par rapport à mon article.»
Sydney Selvon, journaliste et historien, a lui une opinion partagée. «J’estime qu’on ne peut tout mettre sur les réseaux sociaux mais, en même temps, effectivement, un article peut causer annoyance à quelqu’un. Si tel est le cas, il a droit de poursuivre le journal et l’auteur de l’article en diffamation.» Nos lois sont déjà bien fournies, pourquoi en rajouter ?
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