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Recensement «ethnique»: une arme à double tranchant
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Recensement «ethnique»: une arme à double tranchant
Une fois de plus, la question du recensement ethnique revient au centre des discussions. Plusieurs facteurs ont contribué à remettre le sujet au goût du jour: les pourparlers autour de la réforme électorale, le combat mené par Affirmative Action auprès des Nations unies pour que Maurice arrête le «charcutage racial» qui a lieu à chaque élection depuis 1967 et pour que le pays reconnaisse les discriminations faites à l’égard des minorités. Il faut y ajouter les divergences d’opinions exprimées par les différents dirigeants religieux. Divergences qui apparaissent dans un contexte de début de campagne électorale, avec la présence attendue du Premier ministre aux prochaines célébrations religieuses.
Clairement, le vicaire général du diocèse de Port-Louis, Jean-Maurice Labour, a fait part de sa position personnelle en ce qui concerne le recensement ethnique. Position qui n’est d’ailleurs pas celle du chef de l’Église catholique à Maurice.
Sur le site du diocèse de Port-Louis, on peut relire ce qu’a écrit le prêtre à ce sujet. S’appuyant sur les efforts de l’ONG Affirmative Action, le père Labour affirme :«L’action de l’ONG Affirmative Action a mis sur la place publique internationale et locale la question de la discrimination raciale à l’île Maurice. Cette discrimination ne peut se mesurer qu’en procédant au recensement ethnique dans tous les secteurs de la société : dans l’emploi public et privé du haut en bas de l’échelle salariale, dans l’engagement politique, dans les organismes d’aides sociales, dans les milieux défavorisés, dans les prisons, etc. Cette comptabilité statistique fait peur à la plupart de nos politiciens qui trouvent que comptabiliser la population mauricienne selon ses appartenances ethniques c’est menacer le tissu social fragile de notre pays, c’est exciter à la haine raciale.»
Jeudi dernier encore, José Moirt d’Affirmative Action faisait ressortir que sous le recensement de 1972, les candidats aux élections sont toujours présentés sous le ratio de 36 candidats de la communauté hindoue, 16 de la population générale, 9 de la communauté musulmane et 1 de la communauté chinoise.
Dans sa prise de position, le vicaire général a souligné «l’hypocrisie des politiciens». «Dans leur opposition au recensement ethnique, il y a une immense hypocrisie de la part des politiciens, de leurs partis et de ceux qui maintiennent et profitent du système politique mis en place depuis l’Indépendance. Ceux-là mêmes qui ont le plus bénéficié du Best Loser System, fondé sur la classification ethnique, sont aujourd’hui ceux qui fustigent le recensement ethnique !» Dans une récente conférence de presse, le père Labour a fait ressortir un autre point. Pour lui, les minorités d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui.
Des propos qui ont été vivement critiqués par Virendra Ramdhun, président de la Hindu House, dimanche. Ce dernier a même lancé un défi au père Labour pour qu’il aligne 60 candidats aux prochaines élections et qu’il se présente comme Premier ministre. Propos tenus devant le Premier ministre lui-même et des membres de son gouvernement.
Débat
Interrogé par l’express, hier, le vicaire général a affirmé qu’il ne souhaite pas s’aventurer sur le terrain politique. «Pour répondre à Monsieur Ramdhun, je dirai simplement qu’il essaie de me ramener sur un terrain où je ne suis pas mais où il est, lui. Ce n’est pas dans l’habitude de l’Église catholique de mélanger la politique et la religion. Mais on ne s’interdit pas de débattre des sujets essentiels à la construction de la nation arc-en-ciel. Je ne dis pas que j’ai raison mais au moins il y a un débat.»
Le père Labour reconnaît aussi que le cardinal Maurice Piat a également exprimé son opinion, qui n’est pas la même que la sienne. «Je suis d’accord avec ce qu’il a dit. Il n’est pas à 100 % d’accord avec le recensement ethnique mais il a dit son opinion.»
Quant au président de la Hindu House, il dit maintenir ses propos. Pour lui, le fait de relancer le débat et de demander un recensement ethnique ne viendrait que «mettre un doute dans la tête des gens». De quel doute parle-t-il au juste ?
«Ce n’est même pas un issue. Que veut-on dire en demandant un nouveau recensement ? Que les hindous ne sont plus majoritaires ? Et si les hindous ne le sont pas, qui sont ceux qui sont en majorité ? Pour moi, il est clair que les hindous sont toujours en majorité. C’est pour cela que j’ai demandé au père Labour de prendre part aux élections. Au lieu de faire un recensement, nous aurons la réponse immédiatement», soutient Virendra Ramdhun.
Dans une nation multiculturelle, est-il vraiment important de savoir qui sont ceux qui sont majoritaires sur la base de leur religion ou de leur ethnicité ? À cette question, le président de la Hindu House répondra: «Pour moi, cela ne me dérangerait pas de savoir que les hindous sont en minorité, cela ne pose pas de problème. Du moment que les élections le prouvent.»
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