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Budget 2018-19: le Global Business en quête d’un nouveau souffle

11 juin 2018, 19:00

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Budget 2018-19: le Global Business en quête d’un nouveau souffle

À la veille du Budget, les propriétaires des sociétés de gestion (management companies), au nombre de 182, réclament à cor et à cri des mesures courageuses pour redonner au Global Business un nouveau dynamisme, voire un nouveau positionnement dans le secteur des services financiers. «Nous assistons actuellement à un paradigm shift au niveau des centres financiers internationaux, où la compétitivité du secteur offshore ne se joue plus sur le front fiscal mais à d’autres niveaux», explique Varounen Goinden, Chief Executive Officer (CEO) de JurisTax, société de gestion opérant dans l’offshore. 

Ils fondent en fait beaucoup d’espoirs sur le Blueprint pour le secteur des services financiers, dont une composante importante porte sur le Global Business. Lancée par la Financial Services Commission, cette feuille de route est déjà prête et selon les spécialistes proches de ce dossier, il reviendra au Premier ministre, Pravind Jugnauth, de définir ses grands axes dans son discours du Budget.

Le ministre des Services financiers et de la bonne gouvernance, Sudhir Sesungkur, trouve, de son côté, que «le gouvernement s’est résolument engagé à développer les services financiers vu que c’est un secteur non seulement générateur d’emplois, et hautement rémunérateur, mais également à forte valeur ajoutée». 

Une analyse que partage le CEO du Global Business chez Rogers Capital, le pôle financier du groupe Rogers. Didier Lenette s’attend à ce que le Blueprint donne une nouvelle orientation au Global Business suivant sa posture privilégiant les investissements en Inde. «Il ne faut pas faire une croix sur l’Inde quant à l’activité du Global Business. C’est simplement la nature du business qui a changé. C’est un nouveau modèle qui est moins India-centric». 

Il ajoute que d’ici avril 2019, quand l’Inde aura l’exclusivité de taxer les investissements transitant par son centre financier, conformément aux amendements au traité fiscal, le pays ressentira l’impact total de ces changements. «C’est une transformation qui ne fait que commencer», ajoute Didier Lenette. 

Autant que les défis du Global Business, contribuant à hauteur de 5,6 % au secteur des services financiers, sont incontournables et réellement tenaces, d’autres opérateurs y croient encore, suscitant la confiance des investisseurs étrangers. Ce qui explique d’ailleurs la rationalité derrière de gros deals ces derniers temps, dans le secteur financier (IFS, Cim Global et Abax). Selon des spécialistes, le Global Business à travers le monde passe par une phase de consolidation. 

«Les clients recherchent des offres multidirectionnelles alors qu’un apport technologique plus prononcé est en train de changer la configuration de ce secteur», analyse Didier Lenette. En ajoutant qu’en se basant sur la stratégie de consolidation en cours dans ce secteur, à l’échelle mondiale, et suivant les réactions enregistrées des clients institutionnels, il est évident que les opérateurs doivent offrir plus que la réputation qu’ils ont bâtie sur la place. 

En revanche, d’autres opérateurs attendent le ministre des Finances au tournant. Ils veulent comprendre pourquoi la juridiction mauricienne s’expose aussi facilement, suivant l’éclatement d’un gros scandale en Inde. «On comprend bien que l’axe Maurice-Inde est étroit dans ce secteur. Mais fautil pour autant que la juridiction mauricienne soit toujours pointée du doigt, à l’instar des affaires Sobrinho et Quantum Global ? Cela en dit long sur la fragilité du centre financier international de Maurice», analyse un spécialiste du secteur financier. 

Le ministre Sesungkur rétorque en rappelant que le pays a fait un long chemin depuis le lancement du secteur financier. «Maurice n’est pas un paradis fiscal, de par notre réputation sur le plan mondial comme un centre financier crédible. D’ailleurs, nous sommes en règle avec les normes et standards au niveau mondial, surtout les normes imposées par l’Organisation de coopération et de développement économiques et l’Union européenne. Le centre financier mauricien a plus de 25 années d’existence. Le secteur offshore jouit d’une solide réputation. Il est actuellement en plein essor.» 

Toutefois, le ministre n’écarte pas l’existence de «brebis galeuses» au sein de certaines compagnies qui ne respectent pas toutes les conditions. Cela ne veut pas dire, dit-il, que Maurice soit un centre de blanchiment. «Maurice a une armada de lois et de règlements qui régularisent les activités financières. Il y a beaucoup de garde-fous. Les compagnies qui veulent s’implanter ont l’obligation de respecter les lois. Le régulateur est, lui, tenu de rapporter des cas douteux.» 

Marché de la dette 

Entre-temps, certains opérateurs ont vite cherché de nouveaux marchés pour réduire leur dépendance sur l’Inde. La juridiction offshore mauricienne recherche en fait de nouveaux repères pour assurer sa pérennité, surtout dans le sillage des amendements au Double Taxation Avoidance Agreement. 

En termes de nouveaux marchés, l’Afrique présente certes de brillants débouchés, tandis que sur le plan des produits, le capital-risque (private equity) est un créneau porteur à explorer. D’ailleurs, c’est le Business Model que les autorités veulent que les opérateurs du Global Business adoptent. D’autant plus que d’autres y ont déjà vu leur planche de salut, à l’instar de la société Abax. 

«Le réveil économique du continent entraîne dans son sillage une transformation majeure du paysage financier, avec notamment l’émergence d’un marché de la dette. Maurice entend se positionner pour offrir ses services aux étrangers», insistent certains opérateurs. D’autres sont sceptiques quant à la création de ce type de marché. «Le marché de la dette vers l’Afrique est une stratégie à long terme, qui prendra le temps qu’il prendra alors que Maurice n’a pas encore prouvé sa réputation comme un centre of choice pour structurer des dettes en Afrique», analyse Varounen Goinden. 

Ce qui n’a pas toutefois empêché la Bourse de Maurice de s’y engager, dans sa stratégie d’internationalisation de sa plateforme boursière : à savoir, ouvrir le marché boursier aux entreprises indiennes souhaitant coter leurs dettes (Corporate Debt). La Bourse a récemment lancé le Green Bonds Capacity Building Programme. Une démarche permettant au pays de développer de nouvelles opportunités d’affaires dans le marché de la dette. 

«Notre objectif est d’ouvrir notre marché à des global players, pour qu’ils s’intègrent à notre plateforme et nous apportent les order flows nécessaires au développement de Maurice comme une plateforme de service pour l’Afrique. C’est un objectif ambitieux, difficile à concrétiser dans un contexte international particulièrement ardu, mais qui mérite que l’on s’y attelle pour surmonter les rigidités d’une petite économie et contribuer, à terme, à la création de plus de substance dans notre secteur financier», souligne Sunil Benimadhu, directeur général de la Stock Exchange of Mauritius.  

Toujours est-il que, ces quinze dernières années, l’Inde a attiré des investissements étrangers de plus de USD 90 milliards, transitant par la juridiction mauricienne. Certains trouvent qu’il y a encore mieux à venir, en jouant sur l’axe Inde–Afrique, avec Maurice se positionnant dans son rôle de passerelle entre ces deux marchés. Attendons voir… 

Plateformes d’investissement mondiales 

Maurice a un rôle clé dans la circulation d’investissements étrangers vers les pays en développement, notamment en Afrique. C’est ce que fait ressortir une étude intitulée «The Role of Investment Hubs in FDI, Economic Development and Trade», parue en mai dernier. Réalisée par la firme de recherche économique hollandaise SEO Amsterdam Economics, cette étude a analysé le rôle des plateformes d’investissement dans la diffusion d’investissements directs étrangers (IDE) à travers le monde. Dans le cadre de cette recherche, SEO Amsterdam Economics s’est concentré sur cinq centres d’investissement, soit l’Irlande, le Luxembourg, Maurice, les Pays-Bas et Singapour. 

Présentées lors d’un événement organisé par l’IFF, à Bruxelles, en mai, les recherches de SEO Amsterdam Economics soutiennent que ces cinq juridictions véhiculent, à elles seules, un tiers des IDE au niveau mondial. Mieux, ces plateformes d’investissement véhiculent une part importante des IDE vers les pays en développement et 35 % vers les pays les moins développés. 

Que se passerait-il si les investisseurs ne pouvaient plus utiliser Maurice comme une plateforme d’investissement ? Selon le rapport, la valeur totale des IDE dans le monde chuterait. Dans l’éventualité où un investisseur d’un pays développé ne pouvait plus se servir de Maurice comme plateforme d’investissement pour l’Afrique, SEO Amsterdam Economics évoque une diminution des investissements sur le continent africain.  

Cette étude vient par la même occasion faire la différence entre les paradis fiscaux et les plateformes d’investissement, telles que Maurice. «Alors que dans le cas des paradis fiscaux, l’argent qui circule dans le pays est destiné à y rester, c’est le contraire qui se produit dans les centres d’investissement. Le capital circule, tout en étant utilisé à des fins productives, que ce soit dans les économies développées ou en développement», soutient Serge Krancenblum, président de l’IFF et directeur du groupe SGG, firme luxembourgeoise qui a racheté Cim Global en 2017.

Les «frasques» du secteur financier  

«L’île Maurice, à la frontière entre optimisation et évasion fiscale». C’est le titre de l’article publié dans l’édition du 30 mai du Monde, en France. Faisant un état des lieux du secteur financier offshore de l’île, Le Monde parle de Maurice comme d’une île qui joue sur la fine ligne qui distingue les paradis fiscaux des centres d’investissement en bonne et due forme. «Évasion fiscale, opacité sur les montages et mouvements de fonds, blanchiments de capitaux aux origines douteuses (drogue, terrorisme, etc.)… Maurice est dans le collimateur de nombreuses associations et États», explique le journal français. Tandis que les opérateurs mauriciens et les régulateurs nient tout rapprochement entre le centre d’investissement mauricien et les paradis fiscaux. 

 

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