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Aisha Timol: «Je laisse un chantier en pleine ébullition»

28 février 2018, 15:11

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Aisha Timol: «Je laisse un chantier en pleine ébullition»

L’après-MBA, elle y pense déjà. Elle passera prochainement à une nouvelle étape de sa carrière professionnelle. En attendant, elle revient sur ses 15 ans passés comme patronne de l’association bancaire. Aisha Timol a le sentiment d’avoir réussi sa mission et laisse un grand chantier à son successeur, Daniel Essoo.

Le 15 février a été votre dernier jour comme CEO de la Mauritius Bankers Association (MBA) où vous avez passé une quinzaine d’années. Qu’est-ce qui a motivé votre soudaine démission, alors même que le secteur ne s’y attendait pas ?

Ce n’est pas si soudain que ça. Car cela fait exactement un an que mes employeurs et moi travaillons sur mon départ en retraite anticipée, à une nouvelle orientation de l’association et à un successeur éventuel.

Partez-vous avec le sentiment d’avoir réussi votre mission ?

J’étais arrivée début 2003, laissant derrière moi momentanément mon poste de Director, Financial Services au ministère des Services financiers, pour une durée de trois ans avec un but très précis, à la demande des directeurs de banques de l’époque que j’ai le plaisir de nommer pour leur vision de l’industrie bancaire – Pierre Guy Noël (MCB), Muni Reddy (SBM) et Sanjiv Bhasin (HSBC).

L’idée était de structurer et de raffermir une association des banques créée en 1967 – la même année que la Banque de Maurice mais qui, au fil des années, s’est enlisée en un «gentlemen’s club». C’est-à-dire qui se rencontrait une ou deux fois l’an, prioritairement à la veille de la présentation du Budget national ou le lendemain ou à l’appel express du ministre des Finances.

Il m’avait été demandé de mettre l’association sur les rails afin qu’elle fonctionne de façon professionnelle avec un secrétariat et des locaux indépendants des banques qu’elle représentait, de créer une structure où l’ensemble des banques se retrouveraient pour discuter de sujets communs au niveau de l’industrie bancaire et à travers laquelle la plus grande composante de l’économie du pays pourrait faire entendre sa voix, ses aspirations et se montrer. J’espère avoir pu donner cette visibilité à la MBA.

En donnant une nouvelle impulsion à l’Association des banques, le but était aussi que le secteur puisse accompagner les efforts nationaux en vue de développer l’ensemble du secteur des services financiers au niveau domestique, régional et international.

Peut-on brièvement dresser un bilan ?

Au lieu des trois ans, j’y suis restée 15 années ! J’ai démissionné de mon poste au sein du gouvernement et de la Financial Services Commission où je siégeais au premier board et je me suis investie totalement au fil des années à créer cette association qui comprend aujourd’hui 20 membres et qui fait aussi partie d’instances similaires sur le plan international telles l’Union bancaire francophone et la SADC Banking Association.

Nous avons revu la constitution de l’association pour que chaque banque – qu’elle soit petite, moyenne ou grande – ait la même représentation au sein du conseil d’administration ; nous avons intégré au sein de la MBA les banques dites «offshore» à la suite de la révision de la loi bancaire de 2004 et le single banking licence ; nous avons mis en place neuf sous-comités permanents du board principal, pour se concerter et débattre de sujets allant de Regulatory Compliance à la trésorerie et au développement du marché des capitaux et d’innombrables groupes de travail sur tout ce qui se réfère aux services bancaires domestiques et internationaux. Nous avons élaboré un code d’éthique et de bonnes pratiques pour l’ensemble du secteur. Et nous avons su créer au sein de l’industrie bancaire mauricienne un espace d’échanges et de partages tout en évoluant dans un environnement hautement compétitif dans un souci permanent de ne pas donner lieu à une quelconque cartellisation de l’industrie.

Estimez-vous que le rôle de la MBA est bien compris dans le secteur et de surcroît parmi le public après plus de 50 ans d’existence ?

C’est un fait indéniable que le secteur bancaire ici ou ailleurs a mauvaise presse et encore plus depuis la crise financière. Il n’est pas aisé de vulgariser le rôle d’une association destinée à représenter et à travailler dans l’intérêt de ses membres dans un secteur qui est porteur aussi bien de grands espoirs sur le plan économique et de l’emploi que de grandes récriminations sur, par exemple, les frais jugés inappropriés ou en décalage avec les moyens de sa clientèle. Ajouté à cela le fait qu’une bonne dose de confidentialité est nécessaire; cela peut être facilement assimilé à un manque de transparence. Bien que nous ayons essayé de vulgariser la profession et les services à travers nos publications destinées au grand public et à travers l’éducation financière, je suis d’accord qu’il reste du chemin à faire sur le plan de la communication.

Vous êtes vous suffisamment impliquée pour faire de la MBA l’institution qu’elle est aujourd’hui ?

Je le pense, oui, mais l’appréciation revient plutôt à mes employeurs, au personnel des banques et aux différents stakeholders avec qui j’ai travaillé au cours de toutes ces années – les ministères des Finances et des Services financiers, les autres départements de l’État, la Banque de Maurice, la FSC, la MRA, le BOI et la FSPA, les instances du privé telles que JEC/Business Mauritius, la Chambre de Commerce et d’Industrie, Global Finance Mauritius et les instances régionales et internationales dont fait partie la MBA.

«La MBA n’est ni une banque ni une institution financière et encore moins le gendarme de ses membres»

La MBA a été et reste un partenaire privilégié de la Banque de Maurice pour assurer la bonne marche de cette industrie. Au moment où vous partez une nouvelle équipe de direction s’est installée à la BOM Tower. Comment évaluez-vous les relations MBA/BOM ?

La Banque centrale est l’instance suprême du secteur bancaire et le lead regulator des banques. La MBA représente et défend l’intérêt collectif de ses membres sur plusieurs sujets, y compris la régulation et la supervision bancaire. Très souvent, les avis divergent mais le plus important c’est de pouvoir faire entendre son point de vue dans un débat d’idées claires et rationnelles. La décision finale revient sans conteste à l’instance suprême, mais il est essentiel qu’on puisse agree to disagree. J’aurais pris beaucoup de plaisir à travailler avec cette nouvelle équipe qui allie expérience, écoute et détermination et à laquelle je souhaite tout le bien.

Au moment où vous quittez votre poste, avez-vous des regrets concernant des projets inachevés ?

Je n’ai vraiment pas de regrets car je laisse derrière moi un chantier en pleine ébullition où il reste encore tant à bâtir et à consolider, des structures appropriées pour le faire, un personnel rodé et des collègues qui ont fait leurs preuves et sur lesquels on peut compter.

«Nous avons su créer au sein de l’industrie bancaire mauricienne un espace d’échanges et de partages»

Quel regard portez-vous sur le secteur bancaire aujourd’hui? A-t-il atteint une maturité, un niveau de sophistication comparable à celui des pays développés ?

Le secteur bancaire mauricien se consolide d’année en année et la gamme d’acteurs, de produits et de services s’accroît dans un environnement sans cesse sujet à des innovations, tels le numérique et le digital.

Nous avons mis en place un pilier important pour ce faire à la MBA, celui de la formation en étroite collaboration avec le Chartered Institute of Bankers of Scotland pour des award courses et une formation plus ponctuelle sur d’autres sujets d’actualité telles la mise en pratique des nouvelles normes comptables comme l’IFRS 9 ou les mesures prudentielles de Bâle. La prochaine étape sera le lancement de la MBA Academy, non seulement pour le personnel existant des banques mais pour tous ceux et celles qui voudraient faire carrière dans le secteur bancaire à travers un certificat d’entrée qu’est le Professional Banker Certificate.

Quel conseil comptez-vous prodiguer à votre successeur ?

Daniel Essoo et moi, nous nous connaissons bien pour avoir travaillé ensemble au sein de la MBA avant qu’il ne parte poursuivre sa carrière à Londres. Je voyais déjà en lui à l’époque un successeur potentiel et quand il a exprimé le souhait de rentrer au pays, je l’ai encouragé à postuler.

Je suis heureuse de lui passer le témoin et je pense qu’il saura imprimer sa propre marque aux travaux de l’association. Il sait aussi bien que moi que la MBA n’est ni une banque ni une institution financière et encore moins le gendarme de ses membres. Notre but premier est d’être au service de nos membres, à tous les échelons de la banque, à les représenter au mieux de nos capacités tout en oeuvrant à l’intérêt collectif et au bien-être de la clientèle, du public et de la juridiction.

Après la MBA, est-ce une nouvelle orientation que vous comptez donner à votre longue carrière ?

Tout à fait. Je passe à une autre étape, un autre niveau professionnel et j’aspire aussi à une nouvelle qualité de vie. J’ai déjà visité 44 pays. Il m’en reste tant d’autres à découvrir…

«L’association des banques créée en 1967 était devenue un Gentlemen’s club»

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