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Josef Schovanec: «Chaque personne autiste peut apprendre à se développer»
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Josef Schovanec: «Chaque personne autiste peut apprendre à se développer»
Dans le cadre de la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, qui a été observée hier, l’écrivainphilosophe Josef Schovanec, lui même autiste, animera une conférence le 7 avril dans la salle de conférence du Plaza. Josef Schovanec est le parrain du pôle Pôle Autisme Océan Indien, à qui revient l’initiative de la conférence. Rencontre.
En tant qu’enfant autiste, vous avez vécu l’exclusion, la persécution et la violence physique à l’école. Quel regard portiez-vous alors sur le monde ?
Probablement que durant mon enfance, le monde véritable pour moi était celui des livres que j’aimais lire, Jules Verne et diverses encyclopédies en tête. C’est à lui que je pensais. Le monde, que d’autres considèrent comme réel, était tout au plus une parenthèse douloureuse, qui s’ouvrait et se refermait, et qui fondamentalement ne faisait pas sens. Je ne suis pas du tout surpris de constater combien d’adultes autistes créent leur propre monde, que ce soit dans les arts, les sciences, les technologies.
Avant que vous ne soyez diagnostiqué en 2004, une erreur médicale vous force à être sous médication pendant cinq ans. Qu’est-ce qui aurait été différent si vous aviez été correctement diagnostiqué dès le début ?
Avec un diagnostic correct, on peut mieux comprendre le monde. Savoir, par exemple, pourquoi les autres aiment regarder des films et pas vous. Ou pourquoi les autres sont tellement soucieux de leur image, dans la vraie vie ou sur Facebook. Cela vous évite de faire beaucoup d’erreurs. Egalement, cela peut permettre d’avoir accès à des solutions. Mon défaut d’élocution aurait pu être corrigé assez facilement si j’avais bénéficié de certaines de ces solutions durant mon enfance. Sans même évoquer la question des psychiatrisations inutiles.
Le terme Syndrome d’Asperger a été aboli il y a plusieurs années. Pour quelles raisons ?
Dans les classifications précédentes, le spectre de l’autisme était fragmenté en plusieurs syndromes, ou sous-compartiments étanches l’un de l’autre, si j’ose dire. Le risque, qui s’est d’ailleurs hélas vérifié dans les faits, était que l’on considère chaque personne autiste, et notamment chaque enfant autiste, comme relevant d’un type distinct, ce qui voudrait dire que le parcours de vie de chacun soit prédéterminé. Or, l’inverse est vrai : chaque enfant, chaque personne autiste, peut apprendre et se développer. A titre personnel, je ne peux donc que me féliciter de l’abandon du concept de syndrome d’Asperger, qui était l’un des sous-compartiments de l’autisme dans les classifications anciennes.
Vous avez voyagé dans une douzaine de pays pour suivre des cours de langue. Vous parlez couramment et moins couramment au moins sept langues. Pourquoi cette passion pour les langues ?
Il y a sans doute une part irrationnelle et mystérieuse. Une part liée à mon enfance, qui s’est déroulée entre plusieurs cultures - mes parents étaient des réfugiés politiques, des migrants, selon l’usage linguistique désormais en vigueur. Une autre part de la réponse est sans doute liée à la fascination que peut exercer la fabuleuse mécanique cachée des langues : comment, dans telle ou telle langue, on construit les verbes, comment le mécanisme d’une langue se rapproche de celui d’une autre. S’intéresser aux langues, c’est un peu comme se passionner pour l’horlogerie ou pour les maths.
Vous êtes détenteur d’une maîtrise à Sciences Po Paris et d’un doctorat en philosophie et sciences sociales à l’École des hautes études en sciences sociales. Malgré ce bagage, vous rencontrez 100 % d’échec aux entretiens d’embauche. Qu’est-ce qui bloque ?
Les raisons précises m’échappent peut-être, mais il est manifeste que je n’étais pas socialement adapté. Lors d’un entretien d’embauche, on évalue tout, sauf ce qui est réellement important pour l’exercice de l’emploi en question : votre manière de serrer la main, de regarder l’autre dans les yeux, votre façon de parler. Il faudrait radicalement repenser la procédure d’embauche pour ne pas passer à côté de beaucoup de talents.
Afin de faciliter vos interactions avec d’autres personnes, vous faites beaucoup d’effort pour vous conformer aux normes socialement acceptables. A quel point cela est-il pesant pour vous ?
Il n’est pas facile de singer la normalité. Cela épuise. On peut tenir quelques heures par jour tout au plus, avec un effondrement de la qualité de vie si cette situation vient à persister dans le temps. Le plus compliqué et épuisant est de survivre aux événements festifs, tels que les soirées au restaurant. Ce point est d’autant plus problématique que la plupart des gens assimilent cela à des bons moments. Il faudrait veiller à ce que la personne autiste ne soit pas tenue à assister à toutes ces situations socialement intensives.
Dans vos interventions parlées et écrites, vous évoquez souvent les différences entre les personnes non-autistes et les personnes avec autisme. Quelles sont les différences les plus marquantes ?
Bien des choses qui paraissent évidentes ou naturelles dans le monde non-autiste ne le sont pas. Par exemple, je peine toujours à comprendre pourquoi un certain nombre de personnes non-autistes veulent à tout prix exercer beaucoup de pouvoir ; après tout, ne considère-t-on pas que le parcours «normal» dans une entreprise tende vers l’exercice d’un poste de direction ? Mais pourquoi, au fond, faudrait-il avoir une progression dite hiérarchique dans sa vie professionnelle ? Une autre chose qui me fascine est comment, lorsque les gens applaudissent, ce qui en soi est une excentricité, très vite, spontanément, les claquements de leurs mains deviennent synchrones. C’est de la magie, je ne sais pas comment on fait.
Vous avez écrit et co-écrit plusieurs ouvrages, notamment «L’autisme pour les nuls», «Je suis à l’Est», et récemment, «Voyages en Autistan». On retrouve quoi en Autistan, «ce pays des gens autistes» ?
En Autistan, on peut avant tout rencontrer beaucoup de personnes formidables. L’Autistan est un pays discret : on peut habiter à côté, sans en soupçonner l’existence. Pourtant, ce sont de fabuleuses explorations qui s’offrent à qui franchit le pas.
Qu’observez-vous quant à la situation des personnes autistes dans la région océan Indien ?
La situation dans l’océan Indien est hélas inégale, selon les pays et les lieux. Notre grand rêve serait de développer des actions associatives du Pôle Autisme océan Indien par exemple à Madagascar. Au-delà même des aspects financiers, dont on sait la complexité, un soutien ferme des Etats concernés serait un atout indéniable. Après tout, il s’agit d’une question majeure pour l’avenir de tous.
Quoi de prévu cette année ?
L’actu chez Autisme Maurice
Autisme Maurice a innové pour sa quête annuelle
Les trois jours de quête annuelle de l’association sont les 1er, 2 et 3 avril. A la place des traditionnelles boîtes de quête, l’association a mis en vente différents objets de couleur bleu - couleur-symbole de l’autisme - chacun orné d’une étiquette explicative sur l’autisme. Ces objets ont été fabriqués par les parents des enfants autistes, qui fréquentent l’ONG, un moyen «de créer plus d’implication des parents et de sensibiliser le public», explique Géraldine Aliphon, directrice de l’association. La vente s’est faite hier et avanthier mais certains objets sont toujours en vente dans la boutique d’Autisme Maurice, «Le Puzzle Bleu» à Curepipe.
La boutique solidaire
Cette boutique fait partie du projet d’entreprenariat social d’Autisme Maurice et lui permet de vendre à petits prix des vêtements et autres objets reçus en donation, afin de récolter des fonds. La boutique se trouve à la rue Royale, Curepipe, entre l’église Ste Hélène et la pâtisserie Suisse. Elle est ouverte de 10 à 14 heures du lundi au samedi. Si le public souhaite y faire des donations, il suffit d’appeler sur le 5 492 8924.
En projet : fabrication d’objets en tissus denim et recyclés
Pour la deuxième phase de son projet d’entreprenariat social, Autisme Maurice souhaite soutenir les personnes ayant à leur charge des personnes autistes ou porteuses d’autres types de handicap, en leur permettant d’avoir une activité génératrice de revenus. Des appels ont déjà été lancés pour les personnes intéressées à travailler de chez elles à la confection d’objets en tissu denim ou d’autres tissus recyclés. Les personnes choisies seront rémunérées pour la fabrication de ces objets et une partie de la vente leur reviendra. L’autre partie sera reversée à Autisme Maurice.
Le centre de diagnostic d’Autisme Maurice fermé
Au bout de quatre ans d’opération, Autisme Maurice a été contrainte de fermer son Centre de Diagnostic, le CEDAM, en décembre 2016, faute de moyens financiers. En plus de permettre aux parents mauriciens d’avoir un diagnostic concret, établi par des professionnels, ce centre leur permettait de bénéficier de soutien et de conseils. «Après la fermeture, nous avons reçu énormément d’appels de parents qui souhaitaient voir établir un diagnostic et ne savaient plus où aller. Nous espérons que nous pourrons relancer ce service, qui était très important pour les personnes autistes», indique Géraldine Aliphon.
L’école pour les adolescents déménage vers Quatre-Bornes
Ce local de Rose-Hill abritait l’école d’Autisme Maurice pour les adolescents autistes. L’école sera relocalisée à Quatre-Bornes, dans l’un des deux autres lieux qu’occupaient l’ONG - une école gérée par Autisme Maurice existe aussi à Montagne Longue. «Même si nous serons à l’étroit, cela nous évite de payer un loyer additionnel et nous permet de concentrer les fonds sur la rémunération du personnel.»
Pôle Autisme Océan Indien, l’émergence d’une force de frappe commune
<p>La plateforme Pôle Autisme Océan Indien, qui s’est mise en place depuis l’an dernier, regroupe Autisme Réunion, Autisme Maurice et Autisme Seychelles. Sous son impulsion, Autisme Rodrigues et Autisme Comores ont entretemps été créées. Plusieurs fédérations oeuvrant dans le secteur de l’autisme se regroupent aussi actuellement pour former Autisme Madagascar. Se regrouper est important pour maximiser la force de frappe des organisations en matière de lutte pour les personnes autistes. Les échanges de bonnes pratiques sont également très bénéfiques. Quelques places sont encore disponibles pour la conférence de vendredi. Réservations à faire avant le mercredi 5 avril sur le 465-3120.</p>
Pour une meilleure inclusion des personnes autistes
Ecole spécialisée dans la prise en charge des enfants autistes, «Ensemble pour l’autisme» a ouvert ses portes en 2013. «Nous offrons aujourd’hui des services d’évaluation, d’interventions individualisées, de thérapies orthophoniques et d’ergothérapie», explique la directrice Mansha Kisto, elle-même maman d’un enfant autiste de six ans.
En sus de l’école située à Plaine-des-Papayes, un suivi psychologique, ainsi que l’accompagnement des familles pour favoriser une meilleure prise en charge de la personne autiste, font aussi partie des services proposés.
«Pour les élèves autistes, l’accès au savoir prend des chemins de traverse. Ils ne peuvent pas s’épanouir si l’environnement ne les libère pas, autant que faire se peut, de la gestion nécessaire de leurs angoisses. L’élève autiste bouscule les représentations trop scolaires, trop traditionnelles de l’école.» Pour lui, l’institution se doit d’être un lieu de liberté et d’épanouissement !
Un combat sur plusieurs fronts
Pour les parents d’enfants autistes, trouver une école spécialisée avec du personnel compétent est en soi un parcours du combattant ! A cela viennent se greffer de multiples combats simultanés. D’abord, la longue bataille pour obtenir un diagnostic de Trouble du Spectre de l’Autisme. «Ensuite, la chasse aux orthophonistes, ergothérapeutes, psychoéducatrices, nutritionnistes compétents… et surtout disponibles ! Au quotidien, il faut gérer les changements de routine, les crises - celles de notre enfant et celles du couple... À cela s’ajoute le regard des autres», explique Mansha Kisto.
Ce regard, malgré une meilleure compréhension si l’on compare à quelques années en arrière, peine à changer. Beaucoup d’ignorance perdure autour de ce qu’est l’autisme, poursuit la directrice de «Ensemble pour l’autisme». «Quelquefois, des sorties simples comme se rendre au supermarché du coin sont difficiles. Une crise qui survient dans des endroits publics est souvent mal perçue», explique-t-elle encore.
- Contact : «Ensemble pour l’Autisme» 5 796 1591.
- Facebook : Vers l’avenir - ensemble pour l’autisme.
Page réalisée par Caroline Assy-Sohun,
Coordinatrice ACTogether
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