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La ravanne: symbole de délivrance

9 août 2016, 10:50

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La ravanne: symbole de délivrance

 

Dans les années 80 à Cité Barkly, la première école de ravanne de l’île voit le jour. Elle est alors un soutien aux activités de SOS Solidarité, association qui vient en aide aux personnes atteintes de dépendance à la drogue. Car au fil des interventions auprès de ce public cible, l’équipe thérapeutique avait jugé important d’aller au-delà de l’aspect curatif. De nombreuses raisons les poussent à croire dans le potentiel de la ravanne, qui depuis, est le point central des méthodes prônées par ABAIM. «L’utilisation de la ravanne dans notre approche, avec nos bénéficiaires, relève d’une initiative éminemment sociale», explique Alain Muneean, un des fondateurs du groupe ABAIM et de son école de ravanne.

La ravanne, indique-t-il, «a apporté une dimension développementale à notre approche». L’étude de la rythmique propre à la ravanne aide à travailler sur l’élément de discipline. Elle a une fonction centrale dans le développement de la personne. Elle contribue à forger une vision de l’avenir. «Entreprendre un travail thérapeutique signifie que la personne arrive à aller au fond de ses sentiments, et la ravanne se prête très bien à cela.»

Au début de son histoire, quand la ravanne était jouée à l’époque de l’esclavage, elle était synonyme de délivrance, permettait de se purger. «Il est important de savoir qu’il s’agit d’un instrument conçu par les esclaves pour faire face à l’adversité», poursuit Alain Muneean. Il explique que la transmission du savoir-faire de la ravanne leur permettait de se défouler, et de faire le lien entre leurs ressentis et la réalité externe. Transposée aux temps modernes, cette transmission a le même effet tampon pour la personne qui a besoin d’extérioriser des sentiments enfouis. «Ravann li vinn enn obze transitionel ant le inner self ek la realite extern.» Pour nombre d’artistes qui en jouent, la ravanne permet de faire remonter des émotions profondes qu’il est difficile de décrire avec des mots.

Quand Barkly rayonne et résonne…

La ravanne est un instrument qui est venu jusqu’à nous à travers une tradition orale, grâce à toutes ces personnes, qui en ont joué et qui en jouent encore depuis plusieurs années, intervient Marousia Bouvéry, coordinatrice de projets chez ABAIM et membre de l’association : Fanfan, Michel Legris, Marclaine Antoine, Menwar… Portée par ces flambeaux devenus lumières sur la scène musicale locale, la ravanne a apporté sa pierre dans le développement de la région de Barkly.

Alain Muneean rappelle que «la première école de ravanne de l’île a pris naissance à Barkly», et avec elle, un engouement de fer pour la ravanne est arrivé, notamment chez les enfants. Plusieurs success stories mauriciennes sont issues de la région de Barkly et ont éclos avec l’école de ravanne, précise Alain Muneean, allant du groupe Ravann San Frontier, au fabricant et distributeur de ravannes pour tout le pays, qui est un habitant  du quartier.

Au-delà du développement pédagogique

Aujourd’hui, l’école de ravanne d’ABAIM a 30 ans et le groupe s’investit beaucoup dans l’éducation des enfants vulnérables de la région. Avec le temps, cette école s’est faite porteuse d’une dimension pédagogique qui a permis de faire revivre de nombreuses richesses que recelaient des poésies, des comptines ou des ségas…

L’accompagnement social des enfants est un volet fort du travail d’ABAIM, car, souligne Marousia Bouvéry, les enfants sont les citoyens de demain, et si l’on souhaite créer une société meilleure, c’est sur eux que l’on devrait miser. «Travailler avec des enfants nous force à garder les pieds sur terre, car avec des enfants, l’enjeu est plus conséquent.» Il ne s’agit pas seulement d’avoir des objectifs à atteindre avec eux, dit-elle, mais aussi de savoir clairement où on les emmène. «La ravanne est un instrument qui aide les enfants à rayonner, et nous en sommes témoins !» À l’instar de Kessidy Kistohurry, 13 ans, qui joue à la ravanne depuis l’âge de six ans : «Mo ravann, li kouma dir enn kamarad !» Pour Alain Muneean, jouer à la ravanne va au-delà de la simple notion d’apprentissage, dépasse la dimension pédagogique. De par son histoire et sa construction, la ravanne suscite le développement des facultés émotionnelles.

Un cheminement dans l’histoire

Le positionnement historique de la ravanne par rapport à l’esclavage est son principal attrait pour bon nombre de personnes, locales ou internationales, qui se sont intéressées à cet instrument. Pour Diana Heise, Associate Professor of Photography and Filmmaking du Kansas Art Institute, qui a travaillé sur le livre O ti le la la e Ravann, et aussi en 2014, sur le DVD Lame la Kone (film-documentaire sur la fabrication traditionnelle de la ravanne), «la ravanne est un symbole puissant de résistance et tous devraient connaître son existence. Elle est une force et va au-delà de la langue car il s’agit de musique, et la musique est universelle !»

Pour elle, la ravanne représente l’essence même de notre culture, c’est un élément important à transmettre à un maximum de monde, allant au-delà des frontières mauriciennes. Dans cette optique, l’audiovisuel est une bonne façon de transmettre l’histoire de la ravanne et les connaissances liées aux personnes d’ici  ou d’ailleurs.

Il y a aussi le fait que nous vivions actuellement un moment historique car depuis octobre 2014, le séga typique a été inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO, intervient Marousia Bouvéry. Cette dernière se dit heureuse que cela ait aidé à placer la ravanne sur le devant de la scène, l’un des objectifs d’ABAIM étant de la ravanne dans le mainsteam. «Mais ceci comporte un risque : celui que son utilisation soit banalisée.» Il ne faut pas, ajoute-t-elle, que cet instrument devienne simplement un instrument à la mode. «Nous nous devons de garder son cachet et de respecter ce qu’il est, son rythme, sa couleur, la lutte qu’il représente.»

Une notation qui lui est propre

Dans l’optique d’explorer toujours plus le potentiel de l’apprentissage de la ravanne sur le développement de l’apprenant, il était important de bien définir son système de notation musicale. ABAIM  a longtemps travaillé à développer un système de notation de la ravanne. Plusieurs personnes de passage à l’organisation ont apporté leur pierre à l’amélioration de ce système de notation. Les derniers en date, 12 jeunes étudiants en ingénierie de l’École centrale Paris, regroupés sous une fanfare appelée le Soundtrek Project (voir encadré), ont eux aussi aidé à travailler sur une amélioration des techniques de notation de  la ravanne.

Lors de la soirée de lancement du livre O ti le la  la e Ravann, les membres de Soundtrek Project ont d’ailleurs interprété un morceau de ravanne joué sur des partitions, un moment fort en émotions pour l’équipe d’ABAIM. Pour ces derniers, le son de la ravanne résonne pour communiquer avec son public. La théorisation du son de la ravanne est un rêve devenu réalité pour ABAIM. «A la li la kot ravann inn arive», conclut Marousia Bouvéry.

 

 

Soundtrek Project, la fanfare solidaire

<p>Le <em>&laquo;Soundtrek Project&raquo;</em> est une fanfare composée de 12 étudiants ingénieurs de l&rsquo;École Centrale Paris, qui ont terminé leur tournée chez ABAIM, à Maurice, après un passage au Bénin et au Cambodge. Ils ont animé bénévolement et pendant deux mois (juin et juillet), des ateliers d&rsquo;éveil musical avec les enfants du groupe, afin de contribuer à leur&nbsp; développement personnel.</p>

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="458" src="/sites/lexpress/files/images/soundtreck_project.jpg" width="687" />
		<figcaption>Soundtrek project</figcaption>
	</figure>
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<p>Au début de leur aventure à Maurice, Alexandre Leenaerts, membre de cette fanfare disait que <em>&laquo;l&rsquo;action que mène ABAIM avec les enfants à Barkly nous paraît en adéquation avec les valeurs que nous souhaitons transmettre lors de notre projet. Notre action permettrait d&rsquo;offrir aux enfants d&rsquo;autres approches musicales que celles que vous leur proposez déjà à travers&nbsp; vos activités&raquo;.</em></p>

<p>Les interventions auprès des groupes d&rsquo;enfants avaient pour objectif de <em>&laquo;stimuler la créativité, la concentration, l&rsquo;écoute de soi et d&rsquo;autrui&raquo;</em>, en utilisant la musique comme outil pédagogique et en visant l&rsquo;enrichissement culturel de ces enfants.</p>

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À propos du livre…

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	<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" src="/sites/lexpress/files/images/lame_la_kon_-_film-dokimanter.jpg" />
		<figcaption>Lame la kon - film-dokimanter</figcaption>
	</figure>
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<p><em>&laquo;O ti le la la e Ravann&raquo;</em> est l&rsquo;aboutissement d&rsquo;un travail de longue haleine d&rsquo;une équipe de plusieurs personnes &ndash; designer, illustrateur, traducteur&hellip;&nbsp; 190 pages, qui pourraient sembler beaucoup mais qui en fait ne sont que très peu, selon Marousia Bouvéry. Pour faciliter la compréhension du lecteur, car après tout, il s&rsquo;agissait de vulgariser l&rsquo;utilisation de la ravanne, ainsi que son histoire complexe et profonde, le livre est séparé en plusieurs parties bien distinctes, soutenues d&rsquo;illustrations pour étayer les explications données.</p>

<p>À travers cet ouvrage, <em>&laquo;nous avons tenté de faire comprendre ce qu&rsquo;est la ravanne et quelle est son histoire, même si nous ne sommes nous-mêmes pas très sûrs de ses origines, et jusqu&rsquo;où nous pourrons l&rsquo;amener&raquo;, </em>poursuit Marousia. <em>&laquo;Nous essayons quand même de la situer à peu près dans le temps, de piocher, de comprendre sa relation avec la langue créole, comment elle a traversé les décennies.&raquo;</em></p>

<p>Une grande partie s&rsquo;arrête sur la description de la ravanne, sur la manière de la jouer, les étapes de préparation et de fabrication. De fil en aiguille, l&rsquo;on découvre les étapes d&rsquo;apprentissage de la ravanne, à travers des illustrations et du texte. C&rsquo;est donc un livre qui se veut complet, et qui est accompagné par un DVD, de sorte de le vulgariser davantage.</p>

<p><em>&laquo;C&rsquo;est un livre spécial, qui touche à l&rsquo;identité des Mauriciens et qui valorise un instrument mauricien. La ravanne fait partie des choses qui sont importantes pour notre héritage culturel. Nous aurions aimé que les personnes voient, à travers ce livre, un instrument à chérir et à valoriser.&raquo;</em></p>

<p>Un deuxième DVD est inclus dans le livre, le film &laquo;Lame la Kone&raquo;, de Diana Heise. À noter que le livre est disponible en librairie ou chez ABAIM à Rs 700. Pour contacter ABAIM, appelez sur le 489-4006.</p>

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Un lancement dans un lieu empreint d’histoire

<figure class="image"><img alt="" height="497" src="/sites/lexpress/files/images/marclaine_antoine_lors_du_lancement_du_30_juillet.jpg" width="800" />
	<figcaption>Marclaine Antoine lors du lancement du 30 juillet</figcaption>
</figure>

<p>C&rsquo;est dans la cour de l&rsquo;ancienne prison des esclaves, située à Port-Louis, que le lancement de <em>&laquo;O ti le la la e Ravann&raquo;</em> a eu lieu. Afin de donner un rayonnement plus large à ce lancement, des artistes comme Marclaine Antoine, Menwar, Serge Lebrasse ou&nbsp; Josiane Cassambo-Nankoo se sont succédé sur scène, des personnes qui ont contribué à porter le flambeau de la ravanne pendant toutes ces années. La soirée a aussi vu la projection d&rsquo;un extrait d&rsquo;un des DVD, qui accompagne le livre, ainsi qu&rsquo;une interprétation des enfants du groupe ABAIM.&nbsp;</p>

<figure class="image"><img alt="" height="400" src="/sites/lexpress/files/images/abaim_fb.jpg" width="800" />
	<figcaption>ABAIM</figcaption>
</figure>

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