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Laissons les consommateurs libres de choisir

29 juillet 2016, 09:28

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Laissons les consommateurs libres de choisir

 

Je me réfère à l’article intitulé «Pour un libéralisme éclairé respectueux de l’équité économique», qui a paru récemment dans l’express.

Dans ce papier, mention est faite des propositions de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) dans le cadre du Budget 2016/2017, en vue de rétablir la compétitivité de l’industrie locale vis-à-vis des importations tout en visant le marché d’exportation.

L’une de ces requêtes concerne la réinstauration d’une taxe douanière (de 15 %, semble-t-il) sur certains produits importés, dits sensibles, qui bénéficieraient de mesures incitatives dans le but de promouvoir leurs exportations. Ce droit de douane, selon l’AMM, rendrait les produits équivalents locaux plus compétitifs face à une «concurrence déloyale».

Étant donné que la proposition de l’AMM touche l’ensemble du secteur manufacturier du pays, mes commentaires se limiteront uniquement au segment des pro- duits alimentaires.

D’une politique protectionniste à la libéralisation du commerce

Maurice a progressivement entamé la libéralisation de son économie depuis ces dix dernières années et s’intègre graduellement à l’économie mondiale. Les droits de douane ont été abaissés/éliminés sur une majorité de produits importés, alors que pratiquement toutes les denrées alimentaires en sont aujourd’hui exemptées.

Cependant, malgré l’élimination de la taxe douanière, le coût des produits alimentaires n’a cessé d’augmenter, et ce depuis la crise alimentaire mondiale de 2008. La dépréciation de la roupie vis-à-vis du dollar, au début de 2015, n’a fait que rendre la situation plus difficile.

Le coût élevé des denrées alimentaires affecte le pouvoir d’achat des consommateurs

Selon les experts, les prix des commodités continueront de croître sur le marché mondial dans le court à moyen terme en raison de plusieurs facteurs. Parmi, l’on retrouve, l’impact récurrent des changements climatiques sur les plantations ainsi que la spéculation financière dont les répercussions sur les prix alimentaires sont désormais largement reconnues.

À un moment où nos concitoyens, notamment les économiquement faibles et ceux de la classe moyenne, ont de plus en plus de difficultés à joindre les deux bouts, la cherté des produits alimentaires met davantage de pression sur leur budget, dont 40 % à 50 % sont consacrés à l’alimentation. On peut donc se faire une idée de ce que les consommateurs auraient subi si des droits de douane étaient toujours frappés sur les denrées alimentaires importées, qui, rappelons-le, représentent 76 % de la consommation locale.

Ainsi, l’imposition d’une taxe à l’importation, si elle était appliquée, ne ferait qu’affecter davantage le pouvoir d’achat de la majorité des consommateurs. D’une part, ces derniers paieraient plus cher pour les produits importés concernés ou, alors, ils seraient contraints de se tourner vers les produits équivalents locaux, dont les prix sont, à l’origine, déjà élevés.

Il en découle que, dans n’importe quel cas de figure, ce sont les consommateurs qui subiraient les conséquences d’une situation jugée «déloyale» entre denrées alimentaires importées et locales. Par ailleurs, une telle mesure présente aussi le risque de faire bénéficier les entreprises et activités locales les moins efficientes et performantes au détriment des gains de productivité et de croissance.

Les importations de matières premières, talon d’Achille du secteur agro-industriel

L’agro-industrie locale demeure, dans son ensemble, un système productif fragile et structurellement faible. Si certaines entreprises se démarquent des autres et réalisent de bonnes performances, les résultats du secteur demeurent globalement en deçà des attentes. Par exemple, les faibles taux de croissance de la productivité et des taux de valeur ajoutée, exacerbés par un coût de production élevé, pour ne citer que ceux-là, témoignent des difficultés auxquelles le secteur est confronté.

Cette situation contraignante est due à un nombre de facteurs parmi lesquels un élément domine de loin tout le lot et est la cause principale de la précarité de l’industrie. Il s’agit de sa grande dépendance des importations pour son approvisionnement en matières premières et en produits semi-finis. Et quand on sait que, dans bien des cas, ces intrants peuvent représenter jusqu’à 70 % du coût de production, cela démontre clairement pourquoi les produits locaux arrivent difficilement, à quelques exceptions près, à concurrencer les importations.

Les exportations ne décollent pas

D’autre part, tenant compte de l’exiguïté du marché domestique, l’exportation aurait pu être une planche salutaire pour de nombreux produits locaux transformés, destinés à l’origine à alimenter essentiellement le marché local, permettant ainsi aux entreprises mauriciennes de réaliser des économies d’échelle et, par ricochet, d’augmenter leur productivité.

Cependant, dans la pratique, la situation, à l’exception de quelques produits phares, est loin de celle qu’on aurait souhaité voir. En effet, les statistiques disponibles dé- montrent que l’exportation des produits transformés, excluant le thon et les produits de l’industrie cannière axés essentiellement vers le marché extérieur, est largement dominée par seulement deux catégories de produits, notamment les céréales (farine, nouilles et pâtes) et la nourriture pour animaux, incluant le son de blé, un sous-produit issu de la transformation du blé. Ces deux filières, dont les matières premières proviennent essentiellement des importations, représentent, à elles seules, 97 % du volume total exporté. Les 3 % restants étant constitués d’une panoplie de produits, dont plusieurs ont une faible valeur ajoutée. Par ailleurs, on constate aussi, dans la majorité des cas, une stagnation des exportations au cours de ces dernières années.

Le système productif local exige une véritable stratégie de redressement en amont

Ces faits ne font que confirmer le manque de compétitivité, à quelques exceptions près, des produits locaux transformés ainsi que la difficulté rencontrée par de nombreuses entreprises locales à innover en matière de diversification des produits et des marchés. Il est clair que la fragilité du système productif local exige une véritable stratégie de redressement en amont, entravée jusqu’ici par la problématique de l’approvisionnement en intrants. C’est là où se situe le véritable enjeu pour l’avenir du secteur agro-industriel.

 

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