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Christelle Pedaloo: une dure à cuire
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Christelle Pedaloo: une dure à cuire

Tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort. Christelle Pedaloo a fait sienne cette devise du penseur Nietzsche. Souffrant d’une spondylarthrite ankylosante, maladie auto-immune douloureuse affectant le bassin et la colonne vertébrale avec un risque de perte de mobilité irréversible, elle veut réunir en association les personnes présentant des spondylarthropathies.
«Comme la douleur est invisible, les personnes souffrant de spondylarthrite ankylosante sont souvent incomprises par leur entourage. Dans le passé, on m’a déjà dit que la douleur était dans ma tête ou encore que je faisais du cinéma. Il faut absolument soutenir ces personnes et sensibiliser les autres à propos des spondylarthropathies. Comparativement aux autres malades que je connais, je suis ‘gâtée’ . Quand je vois les cas les plus graves, cela me donne du courage pour me battre afin de monter cette association», déclare Christelle Pedaloo, 41 ans.
Si c’est à l’âge de 16 ans qu’apparaissent les premiers symptômes de la spondylarthrite ankylosante – des douleurs intenses dans le bassin et en particulier aux articulations sacro-iliaques, région où la colonne vertébrale rejoint le bassin –, ce n’est qu’en 2004 qu’un diagnostic est posé par un rhumatologue. Durant toutes ces années de parenthèse, Christelle souffre constamment et fait la tournée des orthopédistes, ingérant des anti-inflammatoires à gogo et recevant régulièrement des injections de cortisone. On lui parle de lombalgie ou encore de douleurs résultant d’une jambe plus courte que l’autre. Si les médicaments lui procurent une accalmie, les douleurs reprennent de plus belle une fois les effets passés. Courageuse, elle continue à travailler comme assistante personnelle.
«J’en étais venue à souffrir 24 heures sur 24.»
Elle épouse Gerald Pedaloo en 2002 et lorsqu’elle accouche de leur premier enfant, Marinne, aujourd’hui âgée de 14 ans, les douleurs, qui étaient jusque-là gérables, deviennent intenables. En sus de remonter le long de la colonne vertébrale jusqu’aux cervicales, la douleur lui irradie les jambes, talons et les tendons. «J’en étais venue à souffrir 24 heures sur 24.»
En 2004, elle va consulter un rhumatologue. Après une prise de sang et un examen clinique, ce spécialiste, suspectant une spondylarthrite ankylosante, la réfère à l’île de La Réunion pour une scintigraphie, test clinique indiquant une hyperfixation des pieds des deux sacro-iliaques. Les soupçons du rhumatologue sont confirmés: il s’agit bien d’une spondylarthrite ankylosante. «Cette maladie auto-immune peut souder les articulations du bassin et de la colonne vertébrale et les disques et vertèbres de la colonne elle-même. À terme, on perd sa mobilité et on risque la paralysie. Outre la douleur qui ne me fait dormir que deux à trois heures par nuit, le matin au réveil, je mets une heure pour le ‘déverrouillage’ du bassin.»
Elle est traitée avec la méthotrexate qui sont des comprimés de chimiothérapie qu’elle doit prendre hebdomadairement, des antidouleurs et des anti-inflammatoires au quotidien. Son état empire à la seconde grossesse et vu les douleurs intenses, le bébé ne grossit pas et l’accouchement est provoqué à sept mois et demi. La petite Alizée a aujourd’hui 11 ans.
«Il faut se battre ensemble contre ce mal. Nous essaierons d’être un groupe de pression pour vulgariser les spondyarthropathies et tout tenter pour que les biothérapies soient disponibles.»
Comme la spondylarthrite ankylosante est une maladie chronique et évolutive, l’état de Christelle s’aggrave. Si bien que pendant deux ans – de 2013 à 2015 – elle ne se déplace pratiquement plus qu’en fauteuil roulant. La lueur d’espoir vient des biothérapies, immunosuppresseurs en injection qui ne guérissent pas mais ralentissent l’évolution du mal. Traitement non disponible à Maurice et qu’elle commande donc d’une compagnie pharmaceutique qui importe les injections pour elle. Le hic est qu’une injection coûte environ Rs 20 000 et il lui en faut deux par mois, à durée indéterminée. Son mari, ses amis et ses parents contribuent mensuellement pour lui acheter ce médicament. «Cet immunosuppresseur m’a fait quitter la chaise roulante. J’ai pu commencer à marcher avec une canne et être un peu plus mobile dans la maison.»
Au bout d’un an, les finances viennent à manquer et Gerald Pedaloo, dont les filles grandissent et sont scolarisées, ne dispose plus des mêmes moyens pour continuer à commander ces biothérapies. Christelle fait appel au National Solidarity Fund pour que cette instance puisse acheter les biothérapies mais sa demande est rejetée car les revenus du foyer dépassent le seuil éligible. «Je ne suis pas la seule à avoir besoin de ce traitement à Maurice. Il y a une centaine de personnes souffrant de spondylarthropathies qui regroupent notamment le rhumatisme psoriasique, la maladie de Crohn, la polyarthrite, les arthrites réactionnelles etc.»
Pour que ces malades se sentent compris et soutenus, elle veut les réunir en association. Elle leur demande donc de la rejoindre pour qu’ils puissent se faire enregistrer avant septembre auprès du Registrar of Associations. «Il faut se battre ensemble contre ce mal. Nous essaierons d’être un groupe de pression pour vulgariser les spondyarthropathies et tout tenter pour que les biothérapies soient disponibles.»
Elle se fait aussi traiter par une bonne équipe dans le secteur public, à l’hôpital Victoria. Christelle, qui boitille, porte une tristesse en elle. C’est celle de n’avoir pu s’occuper de ses enfants dès leur naissance comme une mère le fait. «C’est triste mais depuis que les filles sont petites, c’est mon mari qui leur donnait le bain, prenait soin d’elles, courait et jouait avec elles. Depuis qu’elle a dix ans, Marinne va acheter le pain le matin et prépare le casse-croûte de son père, celui de sa soeur et le sien. Les deux font mon sac lorsque je dois aller en clinique, sachant exactement quoi y mettre. Elles n’ont pas eu une enfance comme les autres et ont grandi vite. Je suis fière d’elles. Elles deviennent des adolescentes qui ont un coeur pour les gens qui souffrent et qui sont sensibles aux besoins des autres.»
Une fierté assombrie toutefois par la crainte d’une transmission génétique de la maladie. «Marinne a commencé à avoir des douleurs qui descendent dans sa jambe. Je ne dis pas qu’elle a la maladie mais ma plus grande appréhension est que mes filles développent une spondylarthrite ankylosante. Lorsque j’imagine qu’elles pourraient souffrir comme moi je souffre au quotidien, cela brise mon coeur de mère», dit-elle, les larmes aux yeux. «Elles et Gerald me donnent le courage de me battre pour monter cette association…»
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