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RYC Girls: une approche inhumaine envers «des filles incontrôlables»?

17 mars 2016, 18:27

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RYC Girls: une approche inhumaine envers «des filles incontrôlables»?

 

Le Rehabilitation Youth Centre (RYC) des filles, c’est un bâtiment renforcé comme une prison pour criminels endurcis. C’est là, le sentiment d’un gardien qui connaît très bien la réalité de cette institution.

«La structure n’est pas adaptée à ces filles», est-il d’avis. Ni l’encadrement qui leur est offert, semble-t-il. Car durant les onze dernières années, les mutineries se sont multipliées au RYC, les pires rébellions où elles ont tout saccagé, ayant eu lieu en 2005 et 2014. Et au cours de la semaine dernière, sept d’entre elles ont remis ça.

Qu’est-ce qui se passe au juste dans cet établissement censé remettre ces jeunes filles sur les rails? «Le bâtiment est consolidé comme une prison pour criminels dangereux et pas comme un lieu de réhabilitation pour enfants instables. Une des jeunes filles m’a, d’ailleurs, déjà dit qu’en quittant son milieu pour être admise ici, c’était sap dan poêlon pou tom dan dife», confie notre interlocuteur. Et puis, il y a l’attitude des gardiennes.

«Enn zanfan ek enn prizonie se pa mem zafer.»»

«Au lieu de jouer la carte de l’apaisement, les gardiennes insultent ces filles. Il ne faut pas oublier que ces filles passent par une crise d’adolescence.» Elles sont une vingtaine de gardiennes à s’occuper de ces filles «incontrôlables».

«Lorsque l’on parle de filles incontrôlables, on veut surtout dire des filles instables, qui viennent de familles disloquées ou reconstruites. Il y a des filles qui vivaient avec un beau-père ou une belle-mère ou qui ont été abandonnées chez leur grand-mère. Ces adultes n’arrivent pas à exercer un contrôle sur elles. Seules une ou deux ont commis des larcins.»

Ce gardien plaide ainsi pour une approche plus humaine envers les filles du RYC. Revenant sur l’attitude des gardiennes, il concède que pas toutes font montre de mépris. «Une petite poignée veut comprendre ces filles mais se laisse influencer par la majorité. Sa bann zanfan la inn travers enn tromatis et zot violan dan zot zess ek zot parol. Ou bizin ena enn fason adress zot pou kalme zot.»

Selon lui, la répression n’est pas la solution. «Dan zot latet, bann tifi la inn fer enn erer ek bizin pini zot. Enn zanfan ek enn prizonie se pa mem zafer. Si zot ti fer zefor konn problem ki bann zanfan inn sibir a la sours, zot ti pou ena konpasion. Mo panse 75 % sa bann mitinnri lie ar latitud bann gardiennes. Zot mank konpasion ek imanité. Les filles ne sont pas dupes. Une m’a dit : elles nous maltraitent mais lorsqu’elles parlent de leurs enfants, elles sont tout miel

Formation

Toute une formation est donc à faire pour ces gardiennes. Formation qui ne devrait pas être celle des gardiennes de prison, comme c’est le cas actuellement. «Zot konn zis lock up and lock. Ce n’est pas ce qu’il faut avec des filles du RYC. Le ministère de la Sécurité sociale devrait faire un programme. La ministre devrait écouter le personnel qui doit avoir des propositions.»

Notre interlocuteur explique qu’aux yeux de ces filles, elles n’ont pas commis d’erreur. Ce sont leurs parents qui sont responsables de ce qu’elles sont devenues. «Elles s’estiment victimes et s’attendent à avoir de la considération lorsqu’elles sont envoyées au RYC.» Or, qu’est-ce qu’elles y trouvent ? Cette prison. Sans compter, dit-il, des activités qui ne favorisent pas leur développement.

«Deux enseignantes se relaient sur place et donnent des cours de 9 heures à midi puis s’en vont. Ensuite, des organisations non gouvernementales y viennent et les filles font un peu de tai chi, un peu de zumba et c’est tout. Chacun fait son truc à part et s’en va. Une fois le mois, on les emmène en EducationalTour à la mer. Un point c’est tout.»

«Elles doivent avoir d’autres exemples sous les yeux.»

Les conditions de vie au sein du RYC laissent aussi à désirer, notamment le problème régulier de manque d’eau en raison d’une pompe défectueuse. Problème qui n’a toujours pas été réglé. Sans compter l’insalubrité des lieux.

Autre exemple, depuis la mutinerie de 2014, des vitres ont été brisées et jamais remplacées. «Ce sont les bris de vitres, que ces filles utilisent parfois pour s’automutiler.»

Pour renverser la vapeur, estime-t-il, il faut transférer le RYC dans un bâtiment plus convivial avec une grande cour. Éviter que les filles aient contact avec des prisonnières ayant commis des délits plus graves. Actuellement, lorsqu’elles commettent une faute, elles sont envoyées au Correctional Youth Centre à l’étage du bâtiment. «Elles doivent avoir d’autres exemples sous les yeux.»

Il faudrait les traiter humainement comme le stipule la Convention des droits de l’enfant. «Une politique de réhabilitation articulée qui les traite avec respect et qui va faire d’elles des épouses, des mères et des citoyennes responsables, doit y être appliquée et non une politique de répression.»

En chiffres

La capacité d’accueil des RYC pour les filles, comme pour les garçons, est de 44 lits individuels. Actuellement, le RYC des filles abrite 23 jeunes de 12 à 18 ans, dont  95 % sont qualifiés d’incontrôlables.

La ministre Daureeawoo : «Les enfants rebelles ne doivent pas être enfermés»

Fazila Daureeawoo, ministre de la Sécurité sociale, rappelle que dès 2014, elle a visité le RYC des filles et noté que les conditions de vie y étaient terribles. «J’ai fait plusieurs réunions avec les fonctionnaires concernés par le RYC des filles pour faire part de mon insatisfaction.» Elle rappelle toutefois que si l’administration du RYC revient à son ministère, l’aspect sécurité relève du commissaire des  prisons, c’est-à-dire du Prime Minister’s Office. «Lorsque les filles fuguent du RYC, nous n’avons pas les ressources pour aller les chercher. Ce rôle revient au commissaire des prisons.»

Et quid des allégations d’insultes et d’humiliations de la part des gardiennes tombant sous son ministère? «Ça, c’est ce que disent les filles. Il faut écouter la version des gardiennes. Cela dit, j’ai parlé aux ‘Female Officers’ et je leur ai fait comprendre qu’elles ne peuvent traiter des jeunes filles rebelles comme des prisonnières. Elles ont même reçu diverses formations», déclare la ministre.  Cependant, Fazila Daureeawoo reconnaît que la réhabilitation laisse à désirer. À l’issue de la mutinerie du 10 mars, elle s’est rendue sur place pour un état des lieux et dit avoir demandé à ses fonctionnaires d’apporter des améliorations le plus vite possible à la structure. «J’ai donné des directives pour que l’on repeigne le bâtiment, que l’on remplace les carreaux de vitre brisés par des vitres en plastique et que l’on remette d’autres portes. J’ai aussi décidé d’allouer un gros budget pour revoir le système de pompe pour qu’elles aient accès à l’eau potable. J’ai aussi dit qu’il fallait revoir le menu de la semaine et écouter les suggestions des filles», dit-elle.

Sauf qu’entre le 10 et 15 mars, rien n’a encore été fait, à sa grande surprise. «J’ai pourtant demandé que ce soit fait immédiatement.» De toutes les façons, elle entend revamper la réhabilitation. «Il faut une réhabilitation à proprement parler. J’attends que les ministères de la Femme et de la Justice m’envoient leur ébauche des Children’s Bill et de Justice Bill pour que j’y mette ma contribution. Et puis, dans une ébauche de plan stratégique 2016-2020, qui est déjà prête, il est dit que les enfants rebelles ne doivent pas être enfermés. Je suis d’accord. Je préconise un centre de jour qui pourrait encadrer ces filles rebelles et qu’elles rentrent chez elles la nuit. Il faudra aussi un encadrement aux parents. Je vais revoir tout cela.»

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